Et si le contrat de syndic professionnel n’avait pas d’existence légale ?

Le syndic est souvent pointé du doigt : profite-t-il vraiment du consommateur ?

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Et si le contrat de syndic professionnel n’avait pas d’existence légale ?

Publié le 29 mai 2017
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Par Nafy-Nathalie.

Depuis quelque temps fleurissent des articles et reportages sur les syndics, mettant en avant la flambée de leurs tarifs alors qu’Alur et son contrat de mandat type étaient censés les encadrer. Tous pointent du doigt le vilain syndic qui profite du pauvre consommateur, et l’État impuissant à le contrôler.

60 millions de consommateurs titre, par exemple, « Contrats de syndic : toujours des dérapages tarifaires » et parle de 47% de hausse des tarifs en 5 ans. France Info n’est pas en reste et n’hésite pas à faire un sujet approximatif sur la « Hausse des prix : les syndicats de copropriété épinglés par deux associations ».

Passons sur le fait que des journalistes manquent à ce point d’intégrité qu’ils soient capables d’écrire sur un sujet qu’ils ne comprennent pas, ce qui les amène par exemple à confondre le syndic de copropriété (qui gère) et le syndicat des copropriétaires (qui est géré) ou se tromper sur le nom des groupes qu’ils citent (Nexity devient Naxity sous leur plume).

Attachons nous plutôt au fond. L’affaire est sérieuse puisqu’il semble que, malgré le nouveau contrat de syndic, « les tarifs sont en augmentation quand, dans le même temps, les prestations diminuent continuellement ».

Dans cet article de Contrepoints de décembre 2015, je ne manquais pas d’expliquer au sujet de la loi ALUR :

(…) en multipliant les obligations, on alourdit considérablement le travail du syndic qui risque de passer plus de temps à faire de l’administratif qu’à gérer. Les syndics bénévoles et petits syndics pourraient disparaître. Il est amusant aussi de constater que la loi a légitimé la possibilité de facturation par le syndic d’une liste de prestations annexes, revenant indirectement sur l’idée d’un contrat totalement forfaitaire. (…) Quant à la mise en concurrence obligatoire des contrats de syndic, (…) Si le but était de contraindre le syndic, épouvanté par l’idée d’être sur un siège éjectable, à travailler mieux et moins cher, on peut dire que c’est loupé ! L’effet pervers de la mesure est de lui donner un argument en béton pour proposer et systématiser la mise en place de mandat d’une durée de 3 ans en remplacement des contrats d’un an. Le copropriétaire qui devait pouvoir se libérer plus facilement est au contraire mieux enfermé et risque de payer plus cher.

Voilà, on y est, et nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Que les associations de consommateurs s’offusquent maintenant des effets pervers de lois qu’elles ont imposées aux professionnels de l’immobilier qui n’en voulaient pas est tout bonnement ridicule. Mais le ridicule ne tue pas et l’UFC-Que Choisir et l’ARC ne se privent pas de dénoncer « les excès des cinq principaux syndics en France, lesquels occupent 70 % du marché ».

L’activité de syndic doit être rentable pour un cabinet

Il est pourtant évident que le syndic professionnel n’est pas un bénévole. Il n’y a pas de raison qu’il travaille à perte. Par le biais de l’État, les associations lui ont imposé des obligations supplémentaires ainsi qu’un forfait d’honoraires reprenant la plupart des prestations qu’il facturait séparément. Pour respecter ces nouvelles obligations sans être perdant, il a donc naturellement augmenté ses honoraires de base et/ou réduit ses prestations traditionnelles.

Ces deux associations de défense des consommateurs indiquent que « les syndics ont profité du contrat type pour faire exploser les prix (…) alors que l’inflation entre mars 2014 et mars 2017 s’élève à 0,9% ! » Vouloir faire un parallèle entre l’augmentation des honoraires des syndics et l’inflation est une erreur d’analyse grossière.

L’inflation concerne les « prix à la consommation » ; or le service de syndic n’est pas un bien de consommation. C’est un service dont le prix dépend de la loi de l’offre et de la demande et à ce jeu, le syndic a l’avantage.

En effet, il y a beaucoup de copropriétés à gérer. Dans le même temps, la complexification des lois de protection du consommateur rend la gestion des copropriétés de moins en moins accessibles aux syndics non professionnels. En proportion du nombre d’immeubles à gérer, peu d’entre eux ont du mal à recruter, le secteur de la copropriété ayant la particularité d’être un secteur où l’offre d’emploi est supérieure à la demande. Ce manque de personnel oblige le syndic à être sélectif dans son choix des copropriétés à gérer, et lui permet alors d’imposer ses prix.

Une inadéquation entre le service attendu et le service rendu

Mais surtout, cela met en évidence le fait que les conflits opposant copropriétaires et syndics résultent fondamentalement d’une impression de déséquilibre ressentie par de nombreux copropriétaires entre les prestations commerciales qu’ils attendent, leurs prix, et la réalité de la mission du syndic fixée par la loi.

Le syndic n’est pas un prestataire de service

On a coutume de penser que les relations entre un syndic et un syndicat de copropriétaires sont régies par un contrat, ce qui tend à assimiler le syndic à un fournisseur de la copropriété avec laquelle il signerait un contrat commercial. Ce n’est pas tout à fait juste.

Le syndic est un mandataire légal

En réalité le syndic est un mandataire légal, institutionnel même, chargé de représenter une personne morale incapable, le syndicat des copropriétaires. Les prestations d’un mandat légal ne peuvent pas être régies par un contrat. Seule une loi peut fixer de manière impérative les missions et les pouvoirs nécessaires à leur exécution. Le contrat type ALUR est, en conséquence, plus une aberration qu’une révolution.

Le syndic est un élu

En effet, le syndic est un élu. Sa désignation résulte d’une décision collective de l’assemblée générale. À titre de comparaison, il ne viendrait à l’idée de personne d’imposer à son député ou à son maire un contrat pour encadrer sa mission. Il en va de même pour l’élection du syndic de copropriété : elle se limite au choix d’un cabinet et à la fixation de la durée de sa mission.

Le contrat de mandat du syndic est une absurdité

À l’origine, la loi du 10 juillet 1965, qui fonde la copropriété n’en fait d’ailleurs pas mention, et ce n’est pas par hasard. Ce principe admis,  la notion d’un « contrat de mandat du syndic » laisse dubitatif. La loi du 10 juillet 1965, qui fonde la copropriété, n’en fait d’ailleurs pas mention, et ce n’est pas par hasard. Eu égard au statut de mandataire de syndic, la notion de contrat n’y a pas été prévue. Elle n’est apparue qu’avec Alur qui a modifié l’article 29 du décret du 17 mars 1967.

Cet article modifié indique que :

Le contrat de mandat du syndic fixe sa durée et précise ses dates calendaires de prise d’effet et d’échéance, ainsi que les éléments de détermination de la rémunération du syndic. Il détermine les conditions d’exécution de la mission de ce dernier en conformité avec les dispositions des articles 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 18-1 A de la loi de 1965 modifié dispose que :

La rémunération des syndics est déterminée de manière forfaitaire. Toutefois, une rémunération spécifique complémentaire peut être perçue à l’occasion de prestations particulières, définies par décret en Conseil d’Etat. (…) Le contrat de syndic respecte un contrat type défini par décret en Conseil d’Etat.

Une interprétation des textes qui pourrait être fausse

Pourtant, la loi Hoguet de 1970 qui régit les conditions d’exercice des professionnels de l’immobilier ne fait pas état de la notion de contrat. Cette dernière apparaît seulement à l’article 64 de son décret d’application modifié par décret le 17 octobre 2016 (décret d’application de la loi Alur). Cet article modifié dispose que :

(…) À moins que le titulaire de la carte professionnelle portant la mention « Gestion immobilière » représente la personne morale qu’il administre, notamment un syndicat de copropriétaires, une société ou une association, il doit détenir un mandat écrit qui précise l’étendue de ses pouvoirs et qui l’autorise expressément à recevoir des biens, sommes ou valeurs, à l’occasion de la gestion dont il est chargé.

Le législateur semble avoir rectifié en catimini un problème qu’il avait lui-même créé en imposant un formalisme illégal aux professionnels de la copropriété.

Un contrat de mandat de syndic type pour les non professionnels

La loi ALUR pourrait donc bien imposer un « contrat de mandat de syndic type » aux syndics, mais sélectif : ne pas faire peser d’obligation de contrat sur les titulaires de la carte professionnelle ; dit autrement, seuls les syndics non professionnels auraient à supporter le poids de cette obligation. Effectivement, le contrat de syndic des professionnels, pour respecter le statut de mandataire du syndic, devrait se résumer à une simple convention d’honoraires, comparable à celle des avocats.

La pratique généralisée du contrat de syndic

Toutefois, la pratique du contrat de professionnel intégrant également le détail des prestations s’est généralisée. Cette pratique est tellement entrée dans les mœurs que les syndicats des professionnels de l’immobilier ne jugent même pas bon de la remettre en cause. Ainsi, lorsqu’ils ont intenté une action contre le contrat de mandat de syndic type, ils se sont bornés à mettre en cause certaines de ses clauses au lieu d’en dénoncer le fondement même.

Ce contrat est pourtant à l’origine d’un brouillage des relations entre :

  • le professionnel qui souscrit volontiers à l’usage du contrat, acceptant ainsi un statut implicite de prestataire de service, tout en revendiquant son statut de mandataire et la liberté de ses tarifs.
  • le copropriétaire totalement perdu entre ses certitudes et la réalité à laquelle il est confrontée

Une inadéquation entre les certitudes des uns et la réalité

Le problème de la copropriété commence dès l’acquisition. Le copropriétaire se pense souvent propriétaire alors qu’il n’est que co-propriétaire, ce qui signifie qu’il ne possède rien, et ne peut rien faire sans autorisation de la collectivité. Il pense être client du syndic, que ce dernier est à son service, dévoué à la gestion de ses problèmes privatifs. Pas du tout.

Le syndic a un lien juridique avec le syndicat des copropriétaires qu’il représente. Le copropriétaire n’a pas de lien juridique direct avec le syndic, mais avec le syndicat des copropriétaires représentés par son syndic, ce qui est une différence énorme. Le conseil syndical pense qu’il a le pouvoir de tout décider alors qu’il n’a qu’un pouvoir d’assistance et de contrôle du syndic. Le décalage est grand entre les croyances du co-propriétaire, les pratiques des professionnels et la réalité des textes :

  • via les associations qui les représentent, les co-propriétaires reprochent au syndic d’appliquer un contrat qu’ils ont eux-mêmes réclamé et défini par leurs votes ;
  • les syndics appliquent sans sourciller un contrat qui ne repose sur aucune base sérieuse tout en niant le statut de prestataire que cela induit ;
  • le législateur défait en silence, par des décrets passés inaperçus, les absurdités des lois qu’il prend.

Mais tout va bien dans le monde de la copropriété. Tout va très bien !

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  • très bel article, bravo

    juste un petit point ici « pour respecter le statut de mandataire du syndic » il doit plutot s’agir de « respecter le statut de mandataire du syndicat »
    en tout cas bravo de mettre les points sur les i

  • « Le copropriétaire se pense souvent propriétaire alors qu’il n’est que co-propriétaire, ce qui signifie qu’il ne possède rien, et ne peut rien faire sans autorisation de la collectivité ».

    Le paradoxe est plaisant mais reste un paradoxe…
    Sur son lot privé un copropriétaire est en général très libre de faire beaucoup de choses sans « autorisation de la collectivité ». Et c’est pour les parties communes – plus ou moins – indivises qu’il est vraiment engagé par des règles collectives.

  • Bonjour à toutes et à tous,
    Les loir sur la copropriété sont un énorme tas de boue, nid à procès pour la plus grande joie des professionnels du droit …
    Pendant qu’on parle du sexe des anges (euh ! pardon, de droit …), on oublie totalement qu’une copropriété est avant tout un immeuble ou un ensemble d’immeubles qu’il convient d’entretenir TECHNIQUEMENT.
    Evidemment, la compétence technique des syndics n’est pas leur vertu première (et la loi ne l’encourage d’ailleurs pas …). C’est un vrai problème …
    Autrement, c’est un job au fond mal rémunéré et totalement ambigu. Quand on pense qu’une réunion de copropriété est illégale si le syndic dirige les débats, il y a de quoi rêver … En pratique, le « Président » de l’AG reste muet sur son siège et le syndic officie, sauf dans les très rares cas où il existe au moins un copropriétaire qui a l’habitude de gérer des réunions de plusieurs dizaines de personnes … et veut bien le faire !
    Ce simple point est à l’image de ce domaine du droit totalement sinistré …
    Pierre

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