Les résultats de la présidentielle promettent des lendemains difficiles

Une analyse des résultats du 1er tour de la présidentielle montre que les jeux sont faits et que l’on peut prédire une paralysie du pouvoir durant 5 ans en France.

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Vote élections urne (Crédits JaHoVil, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

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Les résultats de la présidentielle promettent des lendemains difficiles

Publié le 5 mai 2017
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Par Bertrand Lemennicier

L’élection présidentielle de 2017 révèle ce que les régionales de 2015 et le référendum de 2005 avaient déjà montré clairement : l’absence totale de consensus des électeurs sur les politiques à suivre dans le prochain quinquennat. À cela s’ajoute une situation à la 2002, prévue par les sondages, avec la présence au deuxième tour de Marine Le Pen, Présidente du Front National. Autant en 2002, c’était une surprise, autant, aujourd’hui, ce n’était plus le cas. Si l’on s’en tient au premier tour des élections présidentielles du 23 avril 2017  la distribution est la suivante :

Les résultats observés ont confirmé les prédictions des sondeurs1 avec un déplacement des votes de Hamon vers Mélenchon et de Le Pen vers Mélenchon suite à une mauvaise campagne du candidat socialiste et une excellente de Mélenchon.

Quels enseignements tirer des résultats du 1er tour ?

Pourquoi proposer une analyse spatiale de la distribution des votes ? La raison en est simple : la façon dont la vie politique d’une nation se développe est décrite par la distribution des votes le long d’un axe gauche-droite mesurant les préférences politiques. Les caractéristiques de cette distribution, symétrie ou asymétrie, uni modalité ou multimodalité, hauteur des modes et emplacement de la médiane jouent un rôle essentiel dans la stratégie à suivre pour emporter le vote de ce que l’on appelle l’électeur médian. Un personnage inconnu, dont les préférences sont telles que tout parti avec un programme éloigné des préférences de cet électeur n’accède pas au pouvoir. L’élection de 2017 a plusieurs particularités dont la première est la tentative de créer « un pacte républicain » au centre de l’axe gauche-droite dans une configuration où les intentions de vote pour l’extrême droite amènent ce parti à être qualifié pour le second tour comme en 2002 ou aux régionales de 2015. Nous avons analysé la dynamique de ce pacte républicain en janvier 20162, nous ne reviendrons pas sur ce point mais sur les traits essentiels de la distribution des votes observée au premier tour des présidentielles de 2017.

L’analyse spatiale des votes est un modèle. Elle présuppose donc des hypothèses. Nous en retiendrons cinq.

1) Les candidats peuvent être identifiés le long d’un axe gauche-droite (Macron est-il au centre ou au centre gauche, à gauche ou à droite ?).

2) Les électeurs votent pour leur candidat préféré, et non de manière stratégique. La distribution des votes doit donc représenter les préférences réelles des votants (il n’y a pas de vote utile pour Macron).

3) Le scrutin majoritaire est à deux tours, les électeurs se reportent au second tour sur le candidat le plus proche de leur préférence exprimée lors du premier tour.  (L’extrême gauche va-t-elle voter FN ou se reporter sur Macron?)

4) Pour gagner, les candidats cherchent à se rapprocher des préférences des électeurs. (Macron et son programme attrape-tout)

5) Enfin, nous ne tenons pas compte des tentatives de manipulation du système de vote qui consistent à favoriser les divisions à l’intérieur de son propre camp ou dans le camp de l’opposition. (coup de Jarnac contre Fillon).

6) Le gagnant est le candidat (ou le parti) le plus proche de l’électeur médian (50 % plus une voix).

À la lecture des résultats, le parti socialiste des frondeurs, la France insoumise et l’extrême gauche cumulent 27,3% des votes. Le parti socialiste recomposé sous la bannière de Macron obtient 24% (moins que prévu en mars 2017). Les Républicains totalisent 20% des votes et l’extrême droite (Dupont-Aignan inclus) obtient 27% des voix (moins que prévu par les sondages). Si l’on somme toutes les voix de droite et d’extrême droite3, la droite est à 3% de l’électeur médian en totalisant 47% des votes. Le parti socialiste, l’extrême gauche et le parti socialiste recomposé totalisent 51,3% des votes. Bien aidé par le coup de Jarnac de Macron, à son adversaire de droite, le camp de Macron emporte le vote de l’électeur médian et le premier tour de la présidentielle.

Reports de voix : les jeux sont faits

L’enjeu du deuxième tour semble plié, tous les sondages prévoient un score de 60%/40% en faveur de Macron. L’idée qui prévaut chez les sondeurs est celle de reports équilibrés des électeurs vers le candidat adjacent. Les électeurs de Mélenchon se reporteraient sur Macron et les électeurs de Fillon se reporteraient ou sur Macron ou sur Marine Le Pen.

Les reports de voix sur les partis adjacents ne sont pas assurés à gauche comme à droite. Traditionnellement, les reports de voix de la gauche sur le candidat adjacent se font très correctement contrairement aux reports de voix à droite où en 1981 (RPR), en 1988 (FN) et en 2012 (FN) une fraction des électeurs de ces partis se reportent sur le candidat « ennemi ». Il en va de même avec cette élection, sauf que l’on peut anticiper qu’à gauche les reports des 19% de la France insoumise ne vont pas se reporter en totalité sur le candidat adjacent Macron, ils peuvent se réfugier dans une abstention massive comme en 1969 avec le slogan bonnet blanc (Poher), blanc bonnet (Pompidou) ou voter Front national. De manière identique, une fois Fillon éliminé du second tour, les reports de ses électeurs en direction de Macron risquent de ne pas être nombreux sur les candidats adjacents, Macron et Marine Le Pen. Là aussi, ces électeurs peuvent se réfugier dans une abstention massive.

Une abstention massive ne changera rien au résultat du second tour

Est-ce qu’une abstention massive de la France insoumise et des Fillonnistes permettrait à Marine Le Pen de l’emporter ? Ce n’est pas certain. Admettons que tous les électeurs de Mélenchon et ceux à son extrême gauche s’abstiennent de voter et que les électeurs de Fillon les imitent. Cela fait 41,5% des électeurs qui ne participent pas au second tour. Les électeurs qui participent au scrutin du deuxième tour sont ceux qui votent Macron (y compris le parti socialiste de Hamon) et les électeurs de Marine Le Pen (y inclut Dupont-Aignan) soit pour Macron 24% + 6,36% + 1,21 (Lassalle) des votes, d’où un total espéré de 31,58% ; à l’extrême droite nous avons seulement 27% de votes. Si on enlève les 41,5% d’électeurs qui s’abstiennent, il reste 58,5% de votants sur lesquels 31,58% voteraient Macron et 27% Marine Le Pen, le score prévu serait donc de 54% pour Macron et 46% pour Marine Le Pen. L’hypothèse d’une abstention massive de la France Insoumise et des électeurs de Fillon n’handicape pas le succès attendu de Macron. Par ailleurs, une telle hypothèse nécessiterait une action collective pour inciter tous ces électeurs à boycotter les élections. Même si elle avait un retentissement médiatique et serait une entreprise de salubrité publique, elle serait difficile à mener et incertaine dans ces résultats car les électeurs sont des groupes latents aux intérêts très dispersés.

Ipsos offre une réponse en analysant dans un récent sondage les intentions de reports sur le second tour. Cet Institut nous propose au 26 avril 2017 les reports suivant. En fonction des reports estimés, le score de Macron serait de 58% et celui de Marine Le Pen 37%. Sauf événements inattendus, les jeux sont faits. On peut aller à la pêche.

Reports Hamon 6,36% Mélenchon 21,49% Fillon 20% Score Macron Score Le Pen
Macron 76% = 4,83% 52% =11,2% 47% =9,4% 49,4%
Marine Le Pen 23%=4,6% 31,5%
Abstention 1,5% 36%= 7,73% 30% = 6% 100-15,2 =84,8 100-15.2 =84,8
Score prédit par les reports 58,2% 37%

Les extrêmes sont majoritaires !

Mais la question principale n’est pas de savoir qui va gagner le second tour, mais d’imprimer dans son esprit ce qui crève les yeux :  pour la première fois, à une élection présidentielle, les extrêmes dépassent les partis situés à droite et à gauche de l’électeur médian. Ce phénomène n’est pas souligné publiquement par les commentateurs y compris politologues et spécialistes des sondages. Ils devraient s’en inquiéter. Au référendum de 2005, rappelons-le, le traité européen proposé au vote a été rejeté par les extrêmes, et tout de suite le vote du peuple a été renié par les élites qui se sont empressées de faire passer une nouvelle constitution devant le Sénat et l’Assemblée Nationale réunie en Congrès à Versailles ; la trahison des hommes politiques vis-à-vis du vote populaire a révélé la véritable nature de cette élite. Beaucoup de Français en ont le souvenir. Ils peuvent rééditer le même scénario et faire comme si ce fait n’existait pas. Mais là, ils prennent un risque.

Classons les partis politiques en quatre classes : extrême gauche, gauche, droite et extrême droite, la distribution des votes donne :

Conclusion : tout gouvernement, en provenance de la gauche modérée ou de la droite, ne dispose pas d’une majorité dans l’opinion publique puisque 54,2% des électeurs ont voté aux extrêmes contre les partis traditionnels – dont le mouvement En marche! fait partie sous l’impulsion du pacte républicain puisque cette opération consiste justement à recomposer la vie politique au centre dans une tradition propre à la 4ème république. Ce parti que l’on pourrait appelé Parti de la Liberté Économique et du Progrès Social4 peut certes, au parlement, obtenir une majorité de gouvernement, grâce à la prime en sièges donnée au parti qui emporte les législatives (souvent celui du camp vainqueur à la présidentielle).

Vers une paralysie du pouvoir

Cependant cette majorité parlementaire saura déjà que les lois qu’elle édictera se feront contre l’opinion de la majorité des Français. Le quinquennat qui vient, si une transition économique graduelle est envisagée, est voué à l’échec. Seule une thérapie de choc profonde appuyée sur un régime politique fort et « autoritaire » pourrait sans doute le sauver. Mais Macron ne semble pas avoir la stature pour relever un tel défi, contrairement à son rival qu’il a éliminé de la compétition. Cette option étant éliminée, nous allons vers une paralysie du pouvoir pendant 5 ans avec un risque majeur d’un effondrement post 1989 tel qu’observé dans les pays de l’Est des années 1990. N’oublions pas que l’État Français est le champion de la dépense publique (57% du PIB, il a socialisé via la redistribution massive toute l’économie) et a une dette proche de 100% de son PNB. Le moindre accident de taux d’intérêt, et la France saute.

Le mouvement En marche! et les futurs gouvernants de gauche n’ont absolument pas pris la mesure des enjeux. L’urgence est institutionnelle, il faut à tout prix pacifier la société et éviter un tel tournant. Cela implique de changer de régime politique pour une 6ème République. Malheureusement, seuls les deux partis extrêmes ont proposé dans leur programme un tel changement. L’extrême gauche envisageait une constituante et l’extrême droite une réforme de la constitution pour faire passer des décisions politiques en s’appuyant sur des referenda et un scrutin proportionnel. Malheureusement, chacune de ces propositions révèle les intérêts particuliers des partis qui les avancent et non le souci de pacifier la société. Nous avons suggéré d’autres solutions dans d’autres textes sur notre page personnelle. Le lecteur peut s’y référer. Entre la fragmentation du pays en régions politiquement homogènes avec une forte dévolution en matière fiscale, la sécession, le fédéralisme local ou la privatisation des gouvernements, il y a le choix. Mais les Français doivent abandonner leur croyance sur la nature véritable des États modernes : les hommes qui les gouvernent ne sont ni omniscients ni bienveillants à l’égard du peuple, ils sont concentrés sur un seul but, la conquête d’un pouvoir hors du commun, celui de la Vème république, et ils sont prêts à toutes les bassesses pour y arriver.

D’une façon générale les Français ont tort d’attendre d’un nouveau Président de la République des solutions miraculeuses, il n’est pas le Messie. En général, l’État n’est pas la solution mais trop souvent le problème. À vrai dire, nous n’avons pas vraiment besoin d’un Président de la République. Ce type d’élection d’un président élu au suffrage universel bloque la vie politique et économique du pays, le Président, compte tenu des pouvoirs hors du commun qu’il détient se croit obligé de se mêler de tout, de compatir à tous les événements dramatiques qui frappent ses concitoyens, fait la guerre comme bon lui semble sans le consentement de ceux qui paient, les contribuables, fait la morale avec un ton de curé des années 1950 etc. Le mieux qu’on puisse lui demander c’est de ne rien faire. Un Roi fainéant est un bon Roi. En fait, on peut vivre facilement sans Président de la République, à la rigueur avec un monarque ou un Président sans pouvoir. Les Australiens ont refusé d’avoir un Président préférant davantage la Reine d’Angleterre, une étrangère qui ne se mêle pas des affaires australiennes. Les Français doivent réapprendre à vivre comme des êtres libres, adultes, à compter sur eux et non sur les autres, à boycotter les élections qui font croire au peuple qu’il consent à une chose à laquelle il ne peut pas consentir, à désobéir sans vergogne à toutes les lois en provenance du parlement français ou européen qui les oppriment.

Méditez l’article II de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen inscrit au préambule de la constitution et exigez son respect par les hommes politiques et de tous les corps qui détiennent une parcelle de l’autorité publique au nom de l’État, cette fiction que personne n’a jamais rencontrée mais au nom de laquelle la plupart de nos contemporains cherchent à nous faire passer sous leurs fourches caudines.

Article II :
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme, ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.


Sur le web.

  1.  Les instituts sont : BVA, OpinionWay, Harris interactive, Ifop-fiducial et Elabe.
  2. Bertrand Lemennicier, 2016, « À la recherche d’une recomposition du paysage politique autour d’un grand parti social-démocrate : une stratégie nouvelle de Hollande pour franchir le premier tour ? »
  3. L’hypothèse 3) est satisfaite.
  4. En référence aux temps anciens où les libéraux authentiques de ce pays s’étaient réunis dans une association qu’ils avaient nommée l’Association pour la Liberté Économique et le Progrès Social (ALEPS) pour ne pas choquer le politiquement correct de l’époque dicté par le parti communiste.
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  • Le problème est que la France n’est PAS une démocratie!

  • Excellent article 🙂

    Je ne voterai pas ce jour, et pour les législatives sans doute de même.
    Halte au cirque actuel ❗

  • Les commentaires sont fermés.

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