Géopolitique d’internet : qui gouverne le monde ?

Dans “Géopolitique d’internet : qui gouverne le monde ?” les auteurs proposent d’explorer la toile comme un nouveau pouvoir dont la gouvernance reste à construire.

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Géopolitique d’internet : qui gouverne le monde ?

Publié le 7 avril 2017
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

« Internet est devenu indispensable et vital au même titre que l’eau et l’électricité. Son accès est nécessaire pour l’exercice d’activités et de droits fondamentaux. Ses modalités : des enjeux sociétaux majeurs.

En triompher suppose une gestion impartiale et équitable des ressources critiques que sont les serveurs racines, les infrastructures, le système de noms de domaines et les protocoles internet : autant de question sensibles de la « gouvernance d’Internet ».

 Au fondement de la géopolitique de l’internet, la doctrine : accessibilité, ouverture, interopérabilité et neutralité

Au delà du débat de techniciens, la géopolitique d’Internet et sa gouvernance couvrent un large spectre d’enjeux politiques, économiques et sociaux de premier plan, tant pour l’échange d’informations que pour l’avenir de la presse, des médias, mais aussi des secteurs de l’énergie, de l’éducation ou de la santé.

Autant de domaines ou les valeurs européennes, humanistes et libérales, sont au cœur d’une nouvelle gouvernance et contribuent activement au développement d’un nouvel internet, axé sur la création de valeur et les libertés humaines.

L’apparition des « prosumers », contraction de « producers » et « consumers » marque l’entrée dans une société de la désintermédiation : « les organisations pyramidales qui contrôlent aujourd’hui notre vie, c’est-à-dire celle de l’énergie, mais aussi de la banque, de l’assurance, du tourisme et de l’éducation. La neutralité de l’internet, l’harmonisation des droits, l’expression du « 5eme pouvoir », pourront-ils résister aux pressions commerciales et politiques ? Les efforts entrepris sur la cyber sécurité, l’internet des objets, les règlementations et contrôles, le rôle de l’ICANN seront-ils suffisants ?

Société de l’intelligence collective

Pour David Fayon, Joël de Rosnay et Michel Volle, co-auteurs de Géopolitique d’Internet : qui gouverne le monde ?, l’intervention des gouvernements se résume pour l’heure au « soft », pour catalyser, ou neutraliser les débordements sans les réprimer.

D’un point de vue sociétal et politique, nous assistons à l’avènement d’une société de l’intelligence collective, celle de la sagesse des foules qui laisse non seulement entrevoir des opportunités mais aussi des débordements et des challenges ; ceux de la régulation et de la co-régulation de ce nouveau système venant du bas.

« Mais il faudra se protéger de l’info-pollution, et de « l’infobésité ». Les dangers du Big Data et de la désinformation sont réels. Pour construire le réseau internet de demain, nous avons besoin de plus de sagesse et pas seulement de plus d’information.

C’est la voie vers une mondialisation plus humaine et une gouvernance reposant sur l’émergence d’un mouvement civique mondial susceptible d’influencer le politique et le culturel ».

Est-il trop tard pour modifier l’ADN d’Internet, pour en préserver le fonctionnement multifonctionnel et multidécisionnel ? L’avenir de la gouvernance de l’internet jette les bases de notre civilisation numérique, de nos droits, de nos libertés, et de nos démocraties.

Internet : une surcouche qui repose sur des matières premières rares, sources de tensions géopolitiques

En amont du réseau internet, il y a des ressources : les lanthanides , enjeu crucial dans la fabrication de matériel technologique. Les réserves mondiales de ces matériaux sont détenues pour moitié par la Chine, puis les États-Unis et la Russie et dans une moindre mesure, le Canada et l’Amérique du Sud.

Le coltan est une autre de ses ressources précieuses, il est très utilisé dans la fabrication des condensateurs et des composants des téléphones portables ou des ordinateurs. 70% des réserves mondiales de ce composant sont détenues par la République démocratique du Congo.

Les filières de recyclages sont encore trop peu développées dans ces pays. Des considérations écologiques qui encouragent à penser une gouvernance écoresponsable, et plus particulièrement lorsque l’on considère l’énergie consommée par les serveurs pour le stockage des données.

« Les ordinateurs produisent des déchets toxiques en fin de vie. D’où la nécessité de prendre en considération dans la gouvernance de l’internet les questions environnementales de nature à moins produire de gaz à effet de serre et de pollutions diverses » précise Miche Volle.

Les zones d’influence et les acteurs ; le déclin de l’empire américain : vers un monde multipolaire et polycentré

Depuis le début de l’ère informatique, la suprématie américaine n’a cessé de se renforcer, notamment du fait du rôle moteur de la Silicon Valley dans ce développement.

Toutefois, la montée en puissance de la Chine et de la Russie dans ce secteur appelle à mesurer ce constat

« La Chine et à un moindre degré, la Russie, s’émancipent en développant leurs propres outils qui sont souvent des clones d’applications américaines (le graphisme des sites chinois s’inspire des sites occidentaux Renren imite Facebook, Baidu rappelle Google et Youku est calqué sur Youtube, Vkontakte et le clone Russe de Facebook ».

En 2011, lors du sommet mondial de Davos, la Chine plaidait déjà pour une gouvernance « poly-centrée » de l’internet. Sous un angle plus économique, l’atonie de la croissance en Europe et la fragilité de la reprise américaine ouvrent la voie à ce type de gouvernance, du fait des pressions asiatiques, mais aussi du poids croissant des pays émergents sur la scène numérique.

Reste la question cruciale des serveurs américains dont le monde entier rêve de s’émanciper « si le « Jus in bello » était applicable sur Internet, l’Iran aurait pu demander des sanctions internationales à l’encontre des États-Unis, relativement à l’attaque qu’il a subie, par le virus Stuxnet ». 

Cyberguerres et cyber sécurité : course technique ou neutralisation politique et juridique

Internet est un nouveau théâtre de conflits. Changement de paradigme majeur : la baisse du coût de l’attaque, sa rapidité, et la difficulté à identifier l’attaquant. « Si l’attaquant est un État, les ripostes peuvent être diplomatiques (demandes d’enquêtes), économiques (sanctions), militaires, sur internet enfin (attaques contre les serveurs). Dans le cas contraire, il n’existe pas de dissuasion possible, seule la prévention peut jouer ».

Peut-on, dès lors, imaginer la mise en place, parallèlement aux armées dites « cinétiques », d’une « cyber armée », permettant de coordonner les actions d’attaque et de riposte ?

Les pays se dotent progressivement d’instances de prévention des cyberguerres à l’instar des États-Unis qui se sont dotés en mai 2010 de l’US Cyber Command, organisme en charge de la cyber sécurité placé sous l’autorité directe de l’État-major américain.

L’enjeu de la cyber-sécurité

En Europe, l’ENISA « European Network Information Security Agency » aide les entreprises et les états membres à anticiper les failles de sécurité et les attaques en matière de sécurité de réseaux et de l’information. En janvier 2010, la Corée du Sud a créé son centre de cybersécurité pour anticiper les attaques de la Corée du Nord et de la Chine.

La neutralité d’internet est à préserver, elle est gage d’innovation et de libre concurrence et nécessaire à la protection des libertés individuelles. Néanmoins, l’Europe gagnerait par des programmes d’envergure à miser sur les nouveaux usages du numérique (Big Data, Open data, web sémantique, serious games, cloud computing et internet des objets).

Internet est un nouveau pouvoir, pour lequel les auteurs proposent de transposer le principe de séparation des pouvoirs décrit par Montesquieu dans l’esprit des lois : « cela se traduirait par trois acteurs régulant internet à l’échelle planétaire avec une transparence de ces organes de gouvernance internationale – un parlement, un conseil de gouvernance exécutif et un tribunal – ».

Une vision pour l’heure utopiste, mais qu’il convient d’envisager pour l’avenir :

« nous devons nous préparer à plus grand, après l’écriture, l’imprimerie, Internet qui constituent autant de changement d’échelle pour notre mémoire et nos données, à une alliance plus intime entre les objets connectés et nous-mêmes. Et faire en sorte que le plus grand ne soit pas le pire ». 

Pour aller plus loin :

–      « Internet, outil de puissance géopolitique ? », Ina Global.

–      « L’Europe numérique se cherche encore », Méta-média.

–      « La Gouvernance de l’Internet – Conférence Ifri (22 mai 2015) », Rpfrance.eu

–      « La géopolitique d’Internet », Solveig Godeluck.

Sur le web

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  • Quand la gouvernance d’Internet sera mise en place, Internet s’effondrera, comme tout ce qui est gouverné.
    Aligner des mots qui font peur (dans la tête des acteurs de l’ouvrage) comme Bing Data ou même récemment algorithme montre bien qu’ils établissent une Pensée sur un domaine qui les dépasse intégralement.
    Leur peur les incite à formaliser un risque et à chercher à instaurer une autorité qui les en protégé. Folie !

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