Par Chloé Lourenço.
Un article de Trop Libre

Selon la légende, Chypre serait le lieu de naissance d’Aphrodite, déesse grecque de l’amour. Et pourtant, cette petite île méridionale d’à peine 9250 km² est un pays profondément divisé par un conflit qui dure depuis 42 ans et qui oppose les Chypriotes grecs au sud, et les Chypriotes turcs au nord. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de l’Allemagne au moment de la signature du traité de Rome, en 1957.
Divisée dans la foulée du débarquement des forces turques dans le Nord en 1974 après un coup d’État des ultranationalistes grecs qui voulaient rattacher Chypre à la Grèce, les deux parties de l’île ne se parlent plus. Toutefois, un relâchement des tensions se fait sentir depuis quelques mois.
Janvier 2017 : le mois décisif pour Chypre
Au début du mois de janvier, à Genève, un nouveau cycle de négociations, placé sous l’égide des Nations Unies a débuté, avec l’espoir de mettre — enfin — un terme à la partition de l’île. Les deux représentants de gouvernement, grecs et turcs, se sont dits confiants dans l’avancée des pourparlers. L’enjeu principal est d’abattre la dernière frontière coupant en deux une capitale depuis la réunification allemande, Nicosie. Toutefois, il faut souligner que l’issue de la discussion est incertaine : en novembre 2016, elle avait échoué.
Le 24 janvier dernier, lors de l’assemblée plénière du Conseil de l’Europe à Strasbourg, Nicos Anastasiades, Président de la République de Chypre, s’est dit « déterminé à résoudre le problème chypriote » sur la base des valeurs du Conseil de l’Europe (respect des droits de l’Homme et libertés fondamentales). Comme il l’a souligné, c’est une condition sine qua non à la garantie de la paix et de la sécurité démocratique en Méditerranée orientale. Il a également rappelé « l’importance de l’assemblée parlementaire, qui regroupe 47 pays et qui est l’unique forum démocratique où se retrouvent des pays différents culturellement pour tenter de se comprendre mutuellement ».
Sur quoi portent les discussions ?
Afin de mettre un terme définitif au conflit, un projet de réunification fait l’objet d’âpres discussions. Le plan de paix réclamé par Nicos Anastasiades prévoit la rétrocession de certaines parties, actuellement sous gouvernance turque, proches de la zone tampon. Cependant, cela s’apparente davantage à des comptes d’apothicaires qu’à de véritables négociations. Les Turcs, qui occupent et qui gèrent actuellement 36% de la superficie au nord de l’île, se contenteraient désormais de 29,2% du territoire. Mais les Chypriotes grecs ne l’entendent pas de cette oreille, et souhaitent réduire le territoire de leurs opposants à 28.2%. Le contentieux porte sur la ville de Morfou, à l’ouest.
De plus, ces restitutions, tant convoitées par la République de Chypre, permettraient de résoudre le problème des populations déplacées en 1975, qui, de fait, retrouveraient leurs possessions.
Si les négociations aboutissent, le passage de la « ligne verte », la frontière contrôlée à l’heure actuelle par les casques bleus des Nations Unies, serait largement simplifié. Chypriotes, grecs ou turcs pourraient donc se rendre plus facilement dans l’une ou l’autre partie de l’île. On aboutirait alors à une « fédération bi-zonale et bi-communautaire », comme le demande Nicos Anastasiades, à défaut de pouvoir retrouver une île parfaitement réunifiée.
Présence turque à Chypre : gage de sécurité ?
Le problème le plus délicat à traiter est celui de la sécurité des Chypriotes turcs. En effet, les forces militaires turques, toujours présentes à Chypre, refusent de quitter l’île, estimant que la sécurité de leurs populations n’est pas suffisamment garantie par l’UE.
Dans la partie grecque de l’île, si l’on espère leur départ, personne n’exige qu’il se fasse du jour au lendemain, comme l’a fait savoir le ministre grec des Affaires étrangères. Il souligne, pour adoucir le débat, que le retrait des troupes soviétiques avaient pris 4 ans à Berlin.
Un problème pour la Turquie
La résolution de la question chypriote ne concerne pas que la moitié grecque de l’île, mais aussi – et peut-être surtout — la Turquie voisine. En effet, l’UE a fait savoir que tant qu’une solution ne serait pas trouvée, la Turquie ne pourrait pas entrer dans l’UE, son processus d’intégration étant déjà largement mis entre parenthèse depuis 2005.
Tout accord, s’il est trouvé devra être entériné par les électeurs Chypriotes des deux parties de l’île, via un référendum.
Pour aller plus loin :
- http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/01/10/reunification-de-chypre-de-nouvelles-negociations-ont-commence-a-geneve_5060470_3214.html
- http://www.coe.int/fr/web/portal/-/nicos-anastasiades-expresses-his-determination-to-resolve-the-cyprus-problem
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Je suis toujours étonné du laxisme dont on a fait preuve dans le comportement de la Turquie : il s’agit pourtant bien de l’invasion d’un pays souverain par les forces armées d’une puissance étrangère. La seule explication est que à l’époque, la Turquie était un membre clé de l’Otan, permettant d’avoir un accès à la mer noire, et une plateforme avancée sur le flanc sud ouest de l’URSS. Aujourd’hui, tout ceci n’a plus lieu d’être et il serait temps qu’on retrouve vis à vis de cette invasion, un comportement plus en phase avec le droit international.
On va quand même rappeler que l’intervention turque est la conséquence directe du coup d’État télécommandé par la dictature grecque des Colonels qui renversa le président chypriote légitime, l’archevêque Makarios, avec pour objectif le rattachement par la force de Chypre à la Grèce (Énosis). Le tout au détriment de la communauté turque de l’île.
Cette tentative comme celui du plan Annan en 2004 risque bien de capoter. Toujours pour le même problème : le départ des 40000 soldats turcs qui occupent la république auto proclamée du nord de l’ile. Le départ de ces troupes d’occupation est dans l’esprit de la plupart des chypriotes grecs, un préalable à toutes négociations sur une éventuelle réunification.
De même, le cas des des colons turcs originaires d’Anatolie, n’a pratiquement pas été discuté, alors, qu’il est très mal accepté par l’ensemble des chypriotes grecs, dont beaucoup ont étés expulsés de leurs terres ancestrales.
D’autre part le cas de l’autre puissance d’occupation à savoir : La grande Bretagne, complice de l’invasion turque de 1974, n’as pas non plus été évoqué me semble t’il, alors même qu’une très large majorité des chypriotes, des deux communautés cette fois-ci, réclame le départ des britanniques
Bref, il est assez évident que M. Anastasiades va bien au delà du mandat que ses concitoyens lui on donné en négociant, sans préalable, avec M. Erdogan !