Du zouk pour tous

Un projet de loi va (enfin !) imposer un quota de zouk aux radios et télés françaises. Décidément, la culture dirigée par l’État, y'a que ça de vrai !
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Du zouk pour tous

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 14 septembre 2016
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La question taraude tout le monde… Ou disons, tous les artistes dont la survie dépend, in fine, du bon vouloir de l’État et de leur ministère de tutelle : comment s’assurer que l’argent public continuera de couler comme il faut, là où il faut, alors que (horresco referens) les entreprises privées investissent de plus en plus dans les biens culturels ?

Oui, bon, certes, je sais que cette terrible angoisse ne doit pas étreindre tant de monde que ça, mais il n’en reste pas moins que la question reste posée, pleine d’anxiété, par un récent article du Monde entièrement consacré à cette palpitante question : comment bâtir une politique culturelle alors que des entreprises privées qui ne dépendent pas de l’impulsion politique peuvent, à tout moment, créer des fondations, des musées ou des happenings culturels festifs, citoyens et surtout pas payés avec l’argent des autres ? Comment orienter toutes ces masses d’argent bien juteux vers les bons artistes officiels ?

Pour Le Monde et son journaliste, la question se pose avec acuité en ces termes : la France a inventé l’État culturel (ben oui, ce que faisaient jadis les Soviets avec leurs artistes officiels n’a rien à voir, bien sûr), mais l’argent du privé y prend de plus en plus de place et pas seulement au travers du mécénat : certains musées, monuments ou salles de concert, aux ressources financières de plus en plus réduites, se retrouvent forcés aux pires extrémités consuméristes pour équilibrer leurs budgets. Pire, on voit même de la part du privé un plaisir non feint à se substituer à la puissance publique :

« Le privé voit bien que l’État souffre, et il en profite pour être plus intrusif. »

oooh filocheRooOooh ! Quel salaud ! Profiter d’un État à terre pour ainsi prendre la relève et subventionner des artistes à fonds perdus ou pire encore, avec de viles envies de profit derrière ! Mais ce n’est pas tout ! L’intrusion du privé sur les plate-bandes de l’État se traduit aussi, de l’autre côté, par une diminution du mécénat direct : ce que les fondations mettent dans un beau musée tout neuf, elles ne le mettent pas dans des dons généreux aux institutions officielles. Et ça, mes petits amis, c’est un bon gros manque-à-gagner pour la puissance publique qui risque de se retrouver en slip à force de ne plus pouvoir tabasser le contribuable de nouvelles taxes.

Oh, zut et zut à la fin.

oh noes

Vous le voyez bien : cette question, qui paraissait presque badine pour le citoyen lambda, celui qui travaille, paie des impôts et subventionne donc les cacas thermomoulés de Piotr Vladüuisky ou un plug géant place Vendôme sans le savoir, est absolument cruciale pour toute une population d’artistes et surtout d’intermittents de la culture qui papillonnent fiévreusement autour et dont le job serait subitement remis en cause par la disparition aussi souhaitable que douloureuse du Ministère de la Dépense Publique Pour Favoriser Une Culture Plutôt Qu’Une Autre.

À lire le papier du Monde, on comprend que l’heure est grave et on saisit l’ampleur de l’effroi qui mouille leurs petits yeux et agite leurs esprits de cette question lancinante : « comment faire pour que l’État conserve ses doigts dans le pot de confiture et puisse arroser ceux qu’il veut ? »

Je voudrais cependant les rassurer : nous sommes en France et, à tout problème de distribution gratuite d’argent des autres correspond une solution simple qui passe par l’extorsion et l’utilisation de la coercition. Avec ou sans le sourire. Autrement dit, dans tous les domaines y compris le culturel, il suffira toujours à l’État de passer une loi pour transformer un « manque à gagner » en milliers d’opportunités sonnantes et trébuchantes.

C’est d’ailleurs exactement ce qu’entendent faire nos députés grâce au projet de loi relatif à « l’égalité et à la citoyenneté », qui contient quelques croustillantes dispositions relatives aux médias, dont l’obligation pour les diffuseurs (chaînes de radio et de télé) d’une proportion de 4% d’œuvres musicales interprétées dans une langue régionale en usage en France, et ce dans le cadre de leurs obligations déjà existantes d’œuvres musicales d’expression française.

gifa yeah ok great

Très concrètement, cela revient à imposer un quota d’œuvres musicales spécifiques dans le cadre déjà contraignant des œuvres musicales françaises que les radios françaises ont l’obligation de diffuser, coûte que coûte et vaille que vaille. Pour les télés, outre plus de pouvoir au CSA, ce projet de loi prévoit aussi d’introduire des impératifs de diversité, pour contrecarrer la « sous-représentation » des personnes « perçues comme non-blanches » (selon les termes de l’article).

Au terme de la loi, ceci aboutirait à imposer des quotas de chants corses ou en créole à toutes les radios françaises, et ce alors que ces œuvres ne s’inscrivent pas toujours dans la ligne éditoriale de la radio (« Skyrock, Rap and R’N’B and I Muvrini non stop » ?) et, pire, que la quantité de titres disponibles ne permet probablement pas d’atteindre ces fameux quotas (et non, on ne peut pas toujours tout combler, même avec du Frankie Vincent).

Pour le moment, le projet de loi, adopté à l’Assemblée nationale, est en cours d’examen par le Sénat. Peut-être la Chambre haute, sentant l’aspect rocailleux et assez impraticable des amendements et nouveaux articles introduits, va-t-elle édulcorer un peu les consternantes idées de nos députés, mais l’idée générale est là, lancée, et n’attend qu’un bon moment pour mûrir et rentrer en force.

Or, c’est bien de force qu’il s’agit et qui permet d’apaiser définitivement nos artistes et nos intermittents de la subvention : quoi qu’il arrive, si jamais l’État devait vraiment manquer de fonds pour une exposition absolument indispensable à la perpétuation du phare de l’Humanité, si jamais (ô, horreur !) la Culture devait être trop envahie de ces fonds privés qui ne dépendent que du bon vouloir d’un riche magnat et non de la force publique à discrétion d’un ministre ou d’un politicien habile, rassurez-vous : la Loi saura remettre de l’ordre, la loi agira pour prendre dans les poches de Pierre et donner à Paul, la loi interdira les uns et adoubera les autres.

Car l’État sait mieux que le marché ce qui est culturellement bon pour vous.

crotte de chien volante, par Paul McCarthy
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  • « L’état qui souffre » alors qu’en obésité morbide il écrase le pays sous son poids… Il y a vraiment des claques qui se perdent du coté de l’imMonde…

  • C’est bien simple : il suffit d’interdire le mécénat privé et de créer un impôt nouveau sur les gros patrimoines, pour encourager, subventionner, diffuser l’art officiel avec un comité de contrôle pour orienter la création selon les besoins du moment (plus bobo, plus militant. .selon les circonstances).

  • Hahahaha ! C’est tellement ça, je ris pour ne pas pleurer. Les différents ministères de la Kulture qu’on aura eu depuis bientôt 40 ans tentent de fonctionnariser l’art sous toutes ses formes en le nivelant à leur prisme. Avant, quand on n’entrait pas dans le cirque des quêteurs de subventions, on se débrouillait pour faire sans l’État. Aujourd’hui, on travaille malgré lui et contre ses desiderata, ce qui est de plus en plus compliqué.
    Le résultat, c’est qu’à part quelques stars-témoins, on n’a plus d’architectes, de sculpteurs ou de peintres dignes de ce nom. Le cinéma va de plus en plus mal, le théâtre tire une langue blême chargée de mauvaises pièces, les auteurs ne vivent plus de leur plume. On étouffe sous un plafond de verre de plus en plus épais, à travers lequel on aperçoit les godillots lourdingues des artistes-pompiers officiels (dont un paquet est tout sauf français, d’ailleurs), semeurs de scatologies égotistes qui ne savent plus ce qu’est l’humilité, le travail, le rêve et la beauté (pardon, là, je dis des gros mots, notamment « beauté »). Tout est devenu ultra bavard et vain. C’est à la fois déprimant et cocasse, parce que plus personne n’est dupe, au fond. Pour bien des artistes, la solution est la fuite à l’étranger, qu’elle soit virtuelle (groupes musicaux français chantant en anglais) ou physique (peintres français exerçant avec succès aux US ou ailleurs). Même dans l’univers de l’édition, le salut vient de l’achat et de la traduction de nos bouquins et de leurs ventes hors des frontières. C’est dire une fois de plus le succès du collectivisme dogmatique de ce pays foireux.

  • Bon c est pas pour etre lourd mais je vous rappelle que l’oeuvre de McCarthy ( le « plug » ) a été financé par de l argent privé, pas un seul sou du contribuable la dedans. La polémique a déjà fait couler beaucoup d encre dans un de vos précédent article : http://www.contrepoints.org/2014/10/19/185158-plug-vendome
    Voilà sinon merci pour vos articles que je lis quotidiennement et toujours d aussi bonne qualité depuis plusieurs années. Le problème des commentaires c est qu on en met seulement quand on repère une coquille 😉

    • Et la location de la place, qui a payé ?

    • Et donner une telle visibilté à cette « oeuvre » ce n’est pas de la subvention selon vous ?
      D’une part en l’affichant sur cette place, d’autre part à travers tous les medias subventionnés ?

      Imaginez qu’un constructeur automobile ait pu exposer un de ces modèles gratuitement sur cette place, qu’en aurait pensé les autres constructeurs ?

      Vous oubliez aussi tous les ouvriers municipaux, les réunions diverses et variées et la police municipale pour essayer d’assurer la sécurité.
      Ce choix c’était manifestement de la connivence.

      • Vous faites preuve de mauvaise foi. D une part les medias on choisit d eux meme de parler de ce projet personne ne les y a contraint. Je suis, par exemple, sur que h16 n a pas été subventionner pour faire de la pub à McCarthy. D autre part les mesure de sécurité dont vous parlez n importe quel commercant y a droit et ce serait plutot à l artiste de s en plaindre vu qu il a été agréssé a 3 reprises et que son oeuvre a été détruite. Quand à la location de la place : depuis quand a t on besoin de payer un emplacement lorsque l on participe a une foire automobile et que l on reste dans l emplacement qui nous est dédié ? Ne vous en faites pas, la foire internationale d art contemporain (FIAC) n a pas eu cette emplacement gratuitement… Quand a l exemple du constructeur automobile j imagine juste un instant quel aurait été votre réaction si le pdg de mercedes avait été agréssé place vendome par des bobos parisiens qui trouvaient le modèle exposé trop « bourgeois » et auraient brûlé la voiture.

        On peut être en désaccord avec la manière dont fonctionne la culture en France mais il faut trouver de bons arguments plutot que de tergiverser sur cette exemple pour le moins ambigüe l auteur aurait mieux fait de parler de certains bloc de glaces qui fondaient en plein centre de Paris pendant la cop21….

        • mais je vous rappelle que l’oeuvre de McCarthy ( le « plug » ) a été financé par de l argent privé

          C’est clair, on devrait plutôt parler du budget du ministère de la « culture » qui est équivalent à celui de la justice qui est une fonction régalienne, essentielle de l’état.
          Mais le « plug » est un symbole.

          Et parler de « privé » pour cette connivence mafio-étatisée c’est un peu abusif :

          « …les ressorts du système économique de l’art contemporain : une coterie de riches, de critiques et de fonctionnaires de la Culture s’accaparant l’espace public pour décréter « œuvres » des signes qui servent de plus en plus la rente financière et sa défiscalisation massive. Un secteur en plein essor. »
          http://www.marianne.net/Le-plug-anal-de-McCarthy-place-Vendome-un-accident-industriel_a242263.html

          les mesure de sécurité dont vous parlez n importe quel commercant y a droit

          Faut oser la sortir sans rire celle-là après des mois de dégradation impunies dans les villes+les agressions quotidiennes+les 750 zones de non droits+les 100’000 peines de prison jamais effectuées.

        • @moloch

          Cette « oeuvre » c’était de la provocation. Quand vous provoquez, faut pas venir se plaindre.
          La sécurité c’est pour ceux qui vivent paisiblement.
          Si je vais un mechoui de cochon dans la cité du coin, faudra pas que je vienne me plaindre si je me prends un pain.

          D’autre part une place publique telle que celle-ci devrait se louer au moins 50,000€ par jour vu la visibilité, sans compter la sécurité qui devrat être assurée par le privé et à charge de celui qui expose. C’est ce que paierait une société comme Mercédés pour exposer en public un de ses modèles.

    • La Place Vendôme est un cadre ancien, pensé dans son unité, et qui se suffit à lui-même. Y mettre ce truc revenait, toute proportion gardée, à modifier la « Joconde ».

  • Il me semble qu’un monsieur avec un chapeau et une écharpe rouge avait dit un truc du genre : « Radios libres ». Son nom était Mittérand, socialiste. « Libres » dans le sens de Mittérand c’était juste pour créer la dite radio (et contrer les « radios pirates ») et diffuser sur les ondes, sur un panel donné, les fréquences étant règlementées, comme un peu partout. Mais c’était au siècle dernier, c’est ‘has been’, un truc rétrograde, arriéré. Les radios, télés et autre presse ne sont maintenant que les porte-voix « libres », sous conditions, de l’Etat. J’ai l’impression que c’est plutôt cela qui est rétrograde.

    @Ilmrym
    L’Etat est obèse mais ce n’est pas sa faute, il y a trop à manger et la soupe est si bonne ! Ou alors c’est génétique. Vous avez bien raison, il nous écrase et nous étouffe sous son poids.

  • vous vous emporter pour pas grand chose , qui écoute encore la radio à part quelques émissions phares comme les grande gueules ou les grosses têtes et les flash infos ?? pas moi.
    ces histoires ne sont qu’un système pour permettre a la sacem et a des radios  » nazes » d’exister et diffuser de la pub et occuper quelques enfants de bonnes familles

    • reactitude: qui écoute encore la radio

      Plus de 5 millions d’auditeurs quotidien juste pour radio moscou France Inter selon médiamétrie.
      Les gens écoutent spécialement le matin en allant au boulot, avec la propagande les infos en provenance directe du café de l’amicale staline.

      Un truc qui ne choque plus personne en France mais qui est ahurissant quand on vient d’ailleurs : sur n’importe quelle affaire les médias interrogent systématiquement et souvent uniquement les syndicats.

      A croire que c’est eux qui dirigent le pays et que les journalistes ont totalement abandonné toute éthique et impartialité de l’information.

      • ils font tous partie d’un système de vases communicants avec la pompe a finance de bercy …integrité, ethique , impartialité ….ça n’a jamais existé , se sont des fantasmes ,comme liberté égalité fraternité, issus de l’esprit de révolutionnaires sans culottes et poètes mais qui depuis en ont remis une…jusqu’au jour où on leur retirera de force.

        • ils font tous partie d’un système de vases communicants avec la pompe a finance de bercy …

          Tout à fait.

          Mais contrairement à ce que tu pensais les radios ont une audience très importante spécialement chez les actifs et coté impartialité et traitement de l’info, si france-inter par exemple est une véritable catastrophe, les autres n’ont pas un traitement de l’info idéologiquement très différent.

          Ce qui explique qu’a la fin de la journée, quasi toute la france est persuadée que le patron d’Alstom est une ordure et que les problèmes n’ont rien à voir avec son seul client pour les emplois en France: l’état.

    • Pas grand chose?! Augmentation du budget de la culture cette année:5% (déjà à 7,3 Md€). Plus de 4Md€ pour l’audiovisuel public. Personnellement ça me fait un peu mal au fondement.

  • Les commentaires sont fermés.

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