Par Jérôme Faul.
Un article de GenerationLibre

Il existe environ 1 000 sociétés financées par du capital-risque en France ayant une moyenne de 10 salariés. 500 d’entre elles reçoivent des fonds chaque année pour une levée moyenne autour de 1,5 million d’euros. Les chiffres sont modestes au regard de l’activité économique de notre pays mais il faut intégrer la création de valeur que ces sociétés apportent par les innovations qu’elles mettent en œuvre.
Une note du conseil d’analyse stratégique de juillet 2016 reprend les principaux constats que l’on fait sur le capital-risque français depuis sa création à la fin des années 1980, avec 30 ans de retard sur les États-Unis : peu de volume, peu alimenté en amont en projets issus de la recherche académique ou amorcés par des business angels, peu de débouchés, peu d’internationalisation, peu de performance financière.
La note recommande de clarifier les doctrines d’intervention de l’État, pointe du doigt le risque de s’installer dans une stratégie de substitution à long terme au secteur privé, demande à ce que la fiscalité encourage davantage au réinvestissement des plus-values dans l’écosystème qui les a générées.
Les deux premières recommandations ont déjà été plusieurs fois formulées par GenerationLibre. La création d’une nouvelle niche fiscale ou le remplacement d’une ancienne par une nouvelle ne réglera, en revanche, pas le problème sur le fond.
Définir le rôle de l’État
Le premier rôle de l’État devrait être de garantir une stabilité de l’écosystème ou du moins de réformer si besoin, mais sans à-coups ni effets de bord. Une plus grande stabilité et une plus grande justice fiscale pourraient être au moins aussi bénéfiques. Nous sommes sur des cycles longs : un fonds de capital-risque est prévu pour vivre 10 ans, deux quinquennats !
Son second rôle pourrait être de pallier, de façon ponctuelle et limitée dans le temps, des défaillances du secteur privé selon des mécanismes vertueux. La mise en place du programme national d’amorçage est dans cette logique. Les premiers fonds privés ont au départ été abondé à 60% par l’État, les fonds suivants le seront à moins de 50%.
Il est illusoire de penser que la France pourra un jour ressembler un tant soit peu aux États-Unis, à Israël, ou à la Chine. Il faut installer notre propre modèle de capital-risque sur la durée.
La France dispose d’un tissu de grandes entreprises qui ont une capacité à industrialiser et à vendre des produits dans le monde entier. Pourtant, à l’ère du numérique, elles sont incapables de faire émerger des innovations de rupture que ce soit d’un point de vue technologique, d’usage ou de modèle de revenus. Les sociétés financées par du capital-risque peuvent leur apporter ce savoir-faire à condition qu’on leur en donne la chance.
Cela signifie enchaîner trois conditions.
Donner aux grandes entreprises françaises envie d’acquérir les startups les plus innovantes. Entre 2013 et 2015, les 120 plus grandes sociétés françaises ont acquis au total 40 startups innovantes (source BPIFrance) contre 160 pour les 5 géants américains que l’on surnomme GAFAM. Nous saluons toutes les actions prises dans ce sens – en particulier le salon Viva Technology qui s’est tenu au début de l’été à Paris et qui a permis des centaines de rencontres entre grands groupes et startups.
Sortir les projets innovants de leurs laboratoires de recherche ou de leurs incubateurs, les matérialiser sous forme d’entreprises pleinement constituées avec des équipes pluridisciplinaires, accompagnées par des professionnels. Nous nous réjouissons de l’engouement actuel pour les startups auprès du grand public en général et des jeunes diplômés en particulier.
Permettre à ces startups d’atteindre rapidement un niveau de maturité suffisant pour terminer un cycle qui soit suffisamment convaincant pour un acquéreur : disposer d’une version solide de son premier produit, avoir conquis quelques marchés, avoir compris le modèle de revenus associé. Nous constatons que les rendements des fonds de capital-risque s’améliorent d’année en année (source AFIC-EY) : un bon signe pour les investisseurs.
Conclusion et recommandations
La multiplication des initiatives, des projets, des sources de financement, des rencontres ne peut qu’enclencher un cercle vertueux.
Pour renforcer le capital-risque français il faut :
- 1. Permettre aux startups d’émerger – la création de startup doit être encouragée partout où il y a des idées et de la volonté ;
- 2. Leur fournir suffisamment de ressources financières pour se développer – les fonds de capital-risque doivent obtenir plus de moyens qu’aujourd’hui ;
- 3. Leur offrir des perspectives de sortie – les grands groupes doivent jouer un rôle.
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Le premier rôle de l’Etat devrait être de laisser faire la start-up, et prospérer ou disparaître en fonction de sa seule compétitivité. Cela signifie :
1. Laisser les start-ups se créer, croître et se frotter au marché dans un cadre stable, libre de toute intervention présente ou future.
2. Laisser ceux qui ont réussi toucher, puis réinvestir leurs profits ou les refuser, en tout cas ne pas les taxer. Le développement exige discernement et ressources financières propres, surtout pas incitations, aides remboursables et subventions décidées par des fonctionnaires en fonction de critères qui n’ont rien à voir avec le succès commercial (quand ce dernier n’est pas un motif de refus au prétexte d’inutilité ; on n’aide pas les riches, on les punit…).
3. Laisser chacun libre de son mode de croissance, et éviter de faire apparaître le rachat par un grand groupe comme une suite logique, voire un parachute.
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