Par Francis Richard.
Le 23 juin 2016, il a été mis fin au conflit entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC, et le gouvernement colombien. Le roman d’Alain Lallemand se déroule au premier trimestre 2014, alors que la guérilla communiste y est déjà en sérieuse perte de vitesse. Il est ponctué de paraphrases de la Genèse :
“Chacun rejoue à sa façon la création du monde…”
Un attentat qui se termine mal
Le protagoniste d’Et dans la jungle, Dieu dansait, Théo Toussaint est un jeune Wallon qui s’est enfui de Belgique après y avoir commis un attentat qui s’est terminé, à sa grande honte, par un homicide involontaire. Théo se rend en Colombie pour rejoindre la guérilla et rendre conformes ses actes à ses idées.
Théo est anticapitaliste. À ce moment de sa vie, il considère que “la main invisible du marché [vient] d’assommer la planète et [s’apprête] à recommencer.” La référence de ce romantique de la révolte limpide, de “la révolte armée [s’il le faut]”, c’est André Malraux, l’auteur notamment de L’espoir :
Théo restait dressé sur les barricades de Barcelone, fidèle à ses valeurs insurgées, à la fois Jack London et Subcomandante “Marcos, un peu du Che et de Castro, quelques pages de Piketty et un riff de Marley, conscient de ne pas trop appartenir au siècle moutonnier.”
Sa rencontre avec la franco-colombienne Angela Restrepo est providentielle. C’est grâce à ses relations dans le pays, qu’il va être introduit auprès des dirigeants des FARC, lesquels vont le considérer, lui donnant le surnom d’El Blanco, comme une recrue de choix.
Théo partage en effet avec leur chef local, El Negro, les mêmes idées : “La lutte contre les injustices. Les inégalités. La lutte contre les grands propriétaires, les exactions contre les multinationales. Chiquita et le financement des paramilitaires”. Et il a bien le droit d’avoir la même folie que lui…
L’effroyable perspective du meurtre
Il y a toutefois un mais. Il veut bien aider, mais il éprouve un malaise avec les armes. La perspective de tuer quelqu’un le glace d’effroi. Même s’il est ébranlé par la confession d’une jeune religieuse, Alba, qui lui avoue avoir tué par deux fois et considère dès lors sa vie comme une punition.
Cette bonne sÅ“ur de choc, entendant une musique qui monte du café d’un hameau débarrassé par les révolutionnaires de toute présence paramilitaire, “se redressa sur ses jambes, releva de vingt centimètres sa robe brune et, avec grâce, dansa subitement quatre pas, quatre allers-retours de merengue. Elle clôtura son ballet d’un clin d’œil. Dieu dansait”.
Le rêve révolutionnaire va cependant tourner au cauchemar djihadiste. La guérilla ne se révèle pas ce que Théo imaginait qu’elle était et, du coup, désillusionné, il veut quitter ce pays devenu fou de violence, où tout le monde, communistes et fascistes, mène décidément une sale guerre :
“Si je ne suis pas toujours certain de savoir qui je suis, Angela, en tout cas je sais ce que je ne suis pas. Je sais ce que je ne veux pas être.”
Mais il n’est pas si facile que cela d’échapper à deux à la jungle colombienne…
- Alain Lallemand, Et dans la jungle, Dieu dansait, Éditions Luce Wilquin, 224 pages.
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