Le Japon a-t-il corrompu pour avoir les Jeux Olympiques en 2020 ?

La justice française a ouvert une enquête pour corruption dans le cadre de l’attribution des Jeux Olympiques à Tokyo 2020. Sont aussi dénoncées ses pratiques de lobbying, pourtant admises et indispensables à la bonne marche du sport mondial.

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Le Japon a-t-il corrompu pour avoir les Jeux Olympiques en 2020 ?

Publié le 8 juillet 2016
- A +

La justice française enquête sur des soupçons de corruption liés à l’attribution des Jeux olympiques 2020 à Tokyo. Mais cette enquête révèle davantage le procès fait au lobbying, une pratique pourtant largement admise dans les hautes sphères du sport mondial. Un lobbying professionnel, sans lequel les villes candidates n’ont, aujourd’hui, aucune chance de l’emporter.

Par Alice Perrin.

Le Japon lobbyiste pour avoir les JO, et alors ?
By: Alistair RossCC BY 2.0

Après Londres et Rio, c’est au tour des Jeux olympiques (JO) de Tokyo d’être sous les feux des critiques. Depuis plusieurs éditions, le dénigrement des pays hôtes fait en effet figure de nouvelle discipline olympique, tant sont systématiquement décriées, en amont des jeux, les conditions d’attribution ou d’organisation de ceux-ci. La justice française s’intéresse donc de près à la manière dont le Comité de candidature japonais a rémunéré un cabinet de lobbying singapourien, qui l’a aidé à remporter l’organisation de l’édition des JO 2020.

L’argent et le lobbying, nerfs de la guerre olympique

Les villes et pays candidats aux grands événements sportifs que sont les JO ou la Coupe du monde de football s’engagent pour longtemps, et surtout pour des sommes de plus en plus astronomiques. Il s’agit de satisfaire aux conditions d’organisation de la compétition, de sécurité, de logement, de transport, de logistique et de solidité économique requises par le Comité international olympique (CIO). Mais avoir un bon dossier ne suffit pas toujours, comme l’a appris à ses dépens la candidature de Paris pour les JO 2012.

Si la candidature de Londres l’a emporté sur celle de la capitale française en 2005, c’est en grande partie parce que les Britanniques, emmenés par un Premier ministre, Tony Blair, roué aux exercices d’influence, ont adopté les techniques de lobbying depuis bien longtemps. Est-ce en raison de cette défaite que le lobbying a si mauvaise presse en France ? Toujours est-il que la capitale française semble avoir appris de ses erreurs passées, ravalé sa morgue et qu’elle investit désormais complètement ce terrain, en vue de la préparation de sa candidature pour les Olympiades de 2024.

Les responsables de la candidature tokyoïte ont, eux aussi, mis tous les atouts dans leur manche. Et cela passe par le recrutement des meilleurs experts en communication et lobbying, qui sont à même de les guider dans les méandres du CIO, dont les rouages restent obscurs aux non initiés. Ces cabinets de lobbying savent, par exemple, qu’il est presque impossible de remporter les JO dès le premier tour de scrutin. Les villes candidates les recrutent donc pour établir un plan de bataille, lister des arguments spécifiques et des éléments de langage, catégoriser les membres du CIO selon qu’ils soutiennent ou pas telle ville et, surtout, identifier les indécis.

Et le moins que l’on puisse dire est que l’équipe japonaise a parfaitement su tirer profit de cette fine cartographie, lorsqu’elle a raflé la mise en septembre 2013. Ainsi, la candidature de Tokyo a obtenu 42 voix lors du premier tour, contre 26 à chacune de ses concurrentes, Istanbul et Madrid. La majorité étant établie à 48 voix, l’enjeu pour les Japonais était de s’assurer du meilleur report de voix aux tours suivants. Objectif plus que rempli, puisque Tokyo a remporté l’organisation des JO 2020 par 60 voix contre 36 à Istanbul, lors du troisième tour.

Un enjeu plus que sportif pour le Japon

japon rené le honzecAu-delà de l’enjeu sportif et économique, l’attribution des Jeux 2020 à Tokyo est un symbole, pour un pays martyrisé par le tsunami de 2011 et la catastrophe nucléaire de Fukushima qui s’ensuivit. Par un vote massif, le CIO a voulu récompenser « la tradition et la stabilité » qui émanait de la candidature japonaise, seulement quelques années après que le pays ait été si durement touché.

Que l’attribution d’événements sportifs à telle ou telle ville soit questionnée est un processus normal. Ainsi de la capacité du Brésil à endiguer l’épidémie de Zika avant les JO 2016, ou de celle de Paris à assurer les conditions de sécurité de l’Euro de football 2016 dans un contexte de menace terroriste. Mais polémiquer sur les efforts de lobbying engagés par les villes candidates pour s’assurer un maximum de chances face à des instances sportives au fonctionnement souvent opaque, relève, en 2016, d’une conception dépassée de la pré-compétition sportive mondiale. Le sport est, définitivement, un business comme un autre.

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  • Jusqu’à faire une coupe de monde au Qatar en plein hiver, au grand dam des calendriers des équipes européennes. Et à s’offusquer ensuite de l’esclavage des ouvriers, qui était pourtant prévisible.
    Ou à refaire la géographie et à intégrer Israël dans les compétitions européennes.
    Oui, le sport international est à l’image de tous les business. Et cette image n’est pas vraiment bonne AMHA.

  • Bof, ne pas obtenir les jeux olympique s’est juste éviter de débourser des sommes considérables en pure perte, en fait c’est une bénédictions…

  • Les commentaires sont fermés.

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