Bac philo 2022 : comment parler de la liberté en philosophie ?

La liberté, sujet fréquent du bac philo. À côté des philosophes qui ont défendu la liberté, il existe ces faux amis de la liberté qu’Isaiah Berlin a pu repérer avec finesse.

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Bac philo 2022 : comment parler de la liberté en philosophie ?

Publié le 15 juin 2022
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Par Damien Theillier.

Le bac de philo, c’est aujourd’hui. Chaque année, sont donnés au programme un certain nombre de notions ainsi qu’une liste d’auteurs académiques, de Platon à Sartre, pour résumer.

C’est un programme éclectique, qui laisse au professeur une grande marge de manœuvre pour faire les choix qui conviennent à son cours. La contrainte étant de fournir aux élèves un aperçu suffisamment complet des grandes écoles de pensée, afin qu’ils puissent traiter les sujets du bac sans faire de récitation, mais en exerçant leur jugement et leur raisonnement.

Plutôt que de confiner le libéralisme dans l’étude de quelques auteurs canoniques, anciens ou modernes, il m’a toujours semblé plus utile de montrer que des philosophies comme celles d’Aristote, de Saint Thomas, de Descartes, de Spinoza, de Schopenhauer, d’Alain, de Nietzsche ou même de Freud, comportent de nombreuses affinités avec la pensée libérale, telle qu’on la trouve formulée chez les auteurs estampillés « officiellement » comme libéraux dans les manuels, comme Smith, Locke, Tocqueville, ou Constant.

Mieux, il est pertinent de présenter des auteurs qui argumentent directement contre la liberté, ou bien, plus subtil encore, qui semblent au premier abord défendre la liberté mais qui finissent par promouvoir une forme d’utopie collectiviste totalitaire qui abolit toute liberté individuelle.

 

berlin la liberté et ses traitresLes défenseurs de la liberté sont parfois ses plus grands ennemis

C’est précisément ce que fait Isaiah Berlin dans un livre intitulé Freedom and its Betrayal: Six Ene­mies of Human Liberty1.

Il s’agit d’un recueil de textes datant du début des années 1950, prononcés d’abord sur les ondes de la BBC, avant d’être traduits en français et publiés en 2002. Dans ces conférences, le philosophe et historien des idées d’Oxford (d’origine russe) s’intéresse aux doctrines des Lumières qui furent les matrices des dictatures modernes. Rousseau figure ainsi, avec Helvétius, Fichte, Hegel, Saint Simon et de Maistre, parmi les six grands ennemis de la liberté.

Ces philosophes ont eu un rôle trouble dans l’histoire des idées. Selon Berlin, ces précurseurs ou héritiers de la Révolution française ont défendu une conception à la fois idéaliste et autoritaire de la liberté (voir mes articles en complément en bas de ce texte). Ils ont prétendu défendre la liberté tout en proposant des solutions collectivistes aux problèmes sociaux. Chez chacun de ces six « mauvais maîtres », Berlin isole ainsi le noyau irréductiblement autoritariste ou antilibéral qui vient restreindre la portée théorique de leur pensée ou obscurcir leurs intuitions ponctuelles.

Ainsi par exemple, le raisonnement de Rousseau consiste à dire que les hommes ne savent pas ce qu’ils veulent vraiment car ils sont gouvernés par leur moi égoïste. Ce qu’ils veulent vraiment, c’est une fin rationnelle, même s’ils ne le savent pas. Et donc le pouvoir, en voulant pour eux cette fin rationnelle, en la voulant à leur place, leur donne ce que sans le savoir, ils veulent eux-mêmes « en réalité ». Il est parfaitement légitime, selon Rousseau, de contraindre des hommes au nom d’une fin (la justice ou l’égalité) qu’eux-mêmes, s’ils avaient été plus éclairés, auraient poursuivie, mais qu’ils ne poursuivent pas parce qu’ils sont aveugles, ignorants ou corrompus. La société est donc fondée à les forcer à faire ce qu’ils devraient désirer spontanément s’ils étaient éclairés.

Sitôt que l’on se place dans cette perspective, dit Berlin, on peut se permettre d’ignorer les désirs concrets des hommes ou des sociétés, les intimider, les opprimer au nom de leur « vrai » moi. On peut même, comme le fait Rousseau, prétendre qu’on ne les contraint pas en le faisant. « Le mal causé par Rousseau, écrit Berlin, c’est la mise en circulation de cette mythologie de l’être véritable qui me donne le droit de contraindre les gens. »

La faute de Rousseau, c’est d’avoir donné au mot liberté un sens complètement différent de son sens originel. Il a détourné le sens du mot pour lui faire dire exactement le contraire. Dix ans plus tard, Berlin développera plus complètement ses idées sur la liberté dans son célèbre essai de 1969 : Two Concepts of Liberty.

 

berlinLiberté négative et positive

C’est à ce texte de Berlin que je fais appel en début d’année pour parler à mes élèves de la liberté. La grande idée de notre auteur, c’est d’opérer une distinction entre deux types de liberté2, avec des implications morales et politiques très différentes.

Selon Berlin, la liberté négative est l’absence d’obstacles, d’entraves ou de contraintes. Il s’agit donc de préserver et d’élargir les possibilités d’action du sujet, à l’abri de l’arbitraire des pouvoirs ou des autres individus. Elle correspond au cœur de la pensée libérale. Comme l’écrit Benjamin Constant, « il y a une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante, et qui est de droit hors de toute compétence sociale ».

C’est exactement ce que rappelle Berlin à propos des philosophes qui défendent la liberté négative :

« Les uns et les autres s’accordaient à penser qu’une part de l’existence devait échapper au contrôle social. Envahir ce domaine réservé, aussi petit fût-il, aurait conduit au despotisme. Benjamin Constant, le plus brillant avocat de la liberté et du droit à la vie privée, n’avait pas oublié la dictature jacobine lorsqu’il déclarait qu’à tout le moins la liberté de religion, d’opinion, d’expression et le droit de propriété devaient être protégés contre toute ingérence arbitraire. Jefferson, Burke, Paine, Mill ont chacun dressé leur catalogue des libertés individuelles, mais leur argument pour maintenir le pouvoir à distance était toujours en substance le même. Si nous ne voulons pas « renier notre nature ou l’avilir », nous devons veiller à conserver un minimum de liberté indi­viduelle. […] Quel que soit le principe sur lequel repose cette aire de non-ingérence, que ce soit la loi naturelle ou les droits naturels, l’utile, un impératif catégorique, un contrat social inviolable ou tout autre concept par lequel les hommes se sont efforcés d’expliciter ou de justifier leurs convictions, être libre en ce sens signifie être libre de toute contrainte et marque l’absence d’ingérence au-delà d’une frontière mouvante mais toujours reconnaissable. « La seule liberté qui mérite ce nom est celle de poursuivre notre propre bien comme nous l’entendons », disait le plus célèbre de ses champions [Mill] ».

On le voit, la liberté négative s’énonce en termes de limites, comme par exemple dans le Décalogue (« Tu ne voleras pas ») ou la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Et cette liberté négative implique le droit de propriété, aussi bien la propriété de ses facultés que la propriété des fruits de son travail. Dans cette approche, à tout droit correspond un devoir. Le droit de propriété implique logiquement le devoir de respecter la propriété d’autrui. Pour la plupart des auteurs classiques, ces droits sont universels et naturels, c’est-à-dire qu’ils ne découlent pas d’une convention arbitraire, relative à un pouvoir humain quelconque. Pour d’autres, les conséquentialistes, ils sont justifiés par leurs conséquences.

isaiah berlin 2

L’autre type de liberté est la liberté positive. Celle-ci est la capacité d’agir de manière à devenir maître de soi et à réaliser ses objectifs fondamentaux. Cette seconde notion de liberté s’énonce en termes de droit à quelque chose. Le droit au travail, à la santé gratuite, à l’éducation gratuite, au salaire minimum etc. Les droits à sont alors perçus comme une réponse au problème du déterminisme social. Si les hommes sont irréductiblement soumis au déterminisme, leur volonté n’est pas libre et ils ne sont pas maîtres de leur destin. La liberté positive repose donc sur la revendication d’une créance à l’égard de la collectivité, justifiée par le développement des possibilités effectives d’action de chacun.

Liberté négative et liberté positive ne semblent pas nécessairement contradictoires a priori et pourraient même se compléter dans certains cas. Pourtant, explique très bien Berlin, l’histoire des idées nous montre que certains auteurs ont théorisé le sacrifice de la liberté négative au nom de la liberté positive. C’est le cas à notre époque de tous ceux qui se réclament de Rawls. Ils justifient l’intervention de l’État et des institutions publiques, et par conséquent la violation arbitraire des droits de propriété, pour établir en permanence une équité dans la répartition des biens dits sociaux : libertés de base, revenu et patrimoine, position sociale, etc. Berlin suggère avec raison que cette liberté positive n’est autre que celle que défend le marxisme, l’exercice d’une liberté dite réelle justifiant le mépris des libertés dites formelles, celles de l’homme égoïste, du bourgeois.

C’est là qu’un clivage profond sépare la philosophie en deux camps : les individualistes et les collectivistes.

D’un côté, ceux qui défendent le primat des droits individuels et le retrait de l’État hors de la sphère privée. Certains invoquent le droit naturel au fondement de leur défense de la liberté négative (justnaturalistes), d’autres invoquent plutôt l’utilité générale, le plus grand bonheur pour le plus grand nombre (conséquentialistes).

De l’autre côté, nous avons ceux qui défendent le primat de l’action collective sur les droits individuels et l’extension de la sphère publique via les droits sociaux (les droits à) et la justice sociale. Chez ces derniers, le concept d’égalité ou d’équité, tend à prendre le pas sur le concept de liberté.

Ces précisions permettent de mieux cerner les divergences philosophiques entre ces deux branches issues des Lumières. Mais ce clivage se retrouve également dans l’interprétation qui est faite de certains auteurs. Prenons un exemple : Kant, une référence incontournable dans l’enseignement de la philosophie en classes de terminales.

 

Isaiah-Berlin-Quotes-4

Kant est-il un précurseur de la justice sociale et de l’État providence ?

Kant est souvent interprété par les philosophes comme un simple continuateur de Rousseau, dans la ligne d’un étatisme républicain et anti-libéral, devenu populaire en France au XXe siècle (et baptisé liberalism en Amérique par un curieux détournement de sens qui date du début du XXe siècle et dont John Rawls est l’héritier).

Mais il est une autre interprétation, celle que je défends, qui rattache Kant à la liberté négative. C’est d’ailleurs cette interprétation, qui a prévalu au XIXe siècle, par exemple chez Germaine de Staël et Wilhelm von Humboldt. Et c’est elle qu’on retrouve au XXe siècle chez des penseurs comme Isaiah Berlin, Ludwig von Mises ou Robert Nozick.

Dans la Doctrine du droit, Kant aborde le problème de la contrainte. Il écrit que la contrainte est justifiée contre toute action qui constitue une entrave à la liberté d’autrui3. Il pose le principe du respect pour la dignité des personnes comme un principe inconditionnel. Kant préconise que l’on traite sa propre personne aussi bien que les autres « toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen », ce qui interdit toute forme d’agression ou d’initiation de la force. C’est par rétorsion que la coercition étatique contre un criminel est justifiée : car il utilise sa liberté pour entraver la liberté d’un autre. L’utilisation de la coercition étatique sous forme de taxes est également légitime selon Kant, pour financer les institutions de défense du citoyen : la police et l’armée.

Mais peut-on en dire autant de la fiscalité redistributive ? Peut-on justifier la contrainte de l’impôt redistributif au nom d’une protection de la liberté d’autrui ? Oui selon certains interprètes de Kant qui se disent pourtant libéraux (Rawls, Dworkin, Van Parijs). Pour cela ils élargissent la notion de liberté afin d’y inclure la liberté positive. Ainsi, selon eux, les inégalités seraient une entrave à la liberté d’autrui en ce qu’elles empêcheraient les personnes les plus fragiles d’accéder à la propriété, à la santé, à l’éducation, au logement. Ils en arrivent ainsi à justifier la redistribution, au nom du kantisme.

Une telle interprétation est contestable en ce qu’elle pervertit le concept de liberté, le confondant avec le concept de capacité économique ou sociale ou de pouvoir, ce que Kant ne fait jamais. Le point de vue d’Isaiah Berlin sur ce point est clair. Il écrit :

« C’est tolérer une confusion des valeurs que de prétendre renoncer à sa liberté [négative] afin de permettre l’accroissement d’un autre type de liberté [positive], sociale ou économique ».

En résumé, Kant n’a rien fait d’autre qu’élaborer une théorie de l’autonomie de l’individu, qui défend le pluralisme des fins et la responsabilité de chacun devant ses choix. Et la seule obligation de l’État selon lui est négative : protéger les libertés individuelles, à l’intérieur comme à l’extérieur. Kant sépare de surcroît les domaines de la morale et du droit, du vice et du crime.

Là encore, il est sans ambiguïté : « il ne faut pas assigner au droit le but de rendre les hommes vertueux4 ». C’est pourquoi le paternalisme est « le plus grand des despotismes », en « faisant de la vertu l’alibi de l’accroissement du pouvoir5».

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Le bois tordu de l’humanité

Il faut donc toujours rappeler avec Kant que c’est la liberté négative, et elle seule, qui permet non seulement l’harmonie des intérêts mutuels mais aussi l’éducation à la responsabilité qui en est la condition.

« Le pluralisme, écrit Isaiah Berlin, avec ce degré de liberté “négative” qu’il implique, me semble un idéal plus véridique et plus humain que l’idéal de maîtrise de soi “positive” des classes, des peuples ou de l’humanité tout entière que certains croient trouver dans les grands systèmes bien ordonnés et autoritaires. Il est plus véridique, parce qu’il reconnaît que les fins humaines sont multiples, pas toujours commensurables et en perpétuelle rivalité les unes avec les autres6 ».

La raison donnée par Berlin est, in fine, anthropologique. À la suite de Kant, il est convaincu de cette vérité que « le bois dont l’homme est fait est si tordu qu’on ne voit pas comment on pourrait en équarrir quelque chose de droit »7. Autrement dit, il n’y a pas de monde idéal dans lequel les hommes seraient bons et rationnels et dans lequel il serait possible de parvenir à des réponses tranchées et certaines. D’où l’appel de John Stuart Mill en faveur de « nouvelles expériences de vie », avec le risque permanent de se tromper et de choquer. D’où l’importance d’une liberté d’expression véritable et d’un libre marché des idées8. Ceux qui, comme Helvétius, Fichte, Hegel, Saint Simon et de Maistre, aspirent à une solution définitive et à un système totalisant en sont pour leurs frais.

À lire pour compléter :

Deux conceptions de la liberté. Par Isaiah Berlin

Helvétius ou comment transformer les citoyens en esclaves

Henri Saint-Simon, apôtre de la technocratie

Joseph de Maistre, le précurseur du fascisme

Rousseau et la mythologie du moi véritable

Sur le web

 

Un article publié initialement le 15/06/2016

  1. Traduit en français sous le titre : La liberté et ses traîtres : six ennemis de la liberté. Rivages, Petite bibliothèque, 2009.
  2. Isaiah Berlin, « Deux conceptions de la liberté », in Éloge de la liberté, Paris, Presses-Pocket, 1990, p. 167-218.
  3. Kant, Métaphysique des mœurs.
  4. Kant, Religion dans les limites de la simple raison, l, § II.
  5. Kant, Théorie et pratique, II, 1.
  6. Berlin, Éloge de la liberté, Deux concepts de liberté, Calmann-Lévy.
  7. Phrase de Kant dans l’opuscule Idée d’une histoire. C’est aussi le titre d’un livre de Berlin : Le Bois tordu de l’humanité : Romantisme, nationalisme, totalitarisme, Albin Michel, 1992.
  8.  Cf. mon chapitre dans Libéralisme et liberté d’expression, sous la direction d’Henri Lepage, Texquis, 2015.
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  • Merci mr le professeur.
    Mon prof de philo grand admirateur de nietzsche, n’evoquait jamais ce genre d’argumentation.

    Je n’ai d’ailleurs aucun souvenir concernant les grands auteurs libéraux qui devaient être censurés, pour notre bien, par cette personne qui ne cachait pas ses intentions de vote « gauchiste »(au sens français d’ultracollectiviste forcené) , et qui répondait à celui qui proposait un autre choix: « vous êtes donc pour la loi de la jungle ! « 

  • Merci pour cet article de qualité. Peut-on en espérer d’autres du même genre, sur les aspects libéraux de la pensée de Nietzsche par exemple ?

  • Excellent article. Si mon professeur de philosophie du lycée avait eu ces formulations, je serais certainement devenu libéral dès le lycée. Mais bon, il était un fervent défenseur de Rousseau et son contrat social… ça n’aidait pas.

  • « Liberté négative et liberté positive ne semblent pas nécessairement contradictoires a priori et pourraient même se compléter dans certains cas. »

    Du moment où, pour obtenir la mise en place d’une situation permettant l’exercice à plein de sa propre liberté, la liberté positive est considérée comme fondant une créance envers la société (donc d’autres individus), liberté négative et liberté positive sont nécessairement contradictoires.

    Cessez d’être philosophe et devenez juriste un instant. Une créance n’a de sens que parce qu’elle est associée à un droit d’action (au sens juridique du terme), qui en permet l’exécution forcée par l’usage d’une contrainte si l’obligé ne s’exécute pas. Certes une créance peut perdurer dans certains cas alors que le droit d’action s’est éteint ou qu’il n’a jamais existé, mais ces cas sont particuliers et sont rares. Ils sont l’exception. Le principe général c’est qu’une créance est associée à une action par devant les juridictions compétentes pour faire reconnaître la validité de la créance et en obtenir l’exécution forcée.

    Si la créance existe de iure parce que posée dans la loi car rattachée au concept de liberté positive et ex nihilo parce que non librement consentie, alors son exécution forcée vient nécessairement empiéter sur l’une ou l’autre des libertés négatives de tiers. Comment décrivez-vous la possibilité de forcer un tiers à faire quelque chose pour vous alors qu’il n’y a pas consenti, autrement que par une contrainte ou une entrave sur l’exercice de ses libertés négatives? Pour que vous ayez un droit d’accès à la santé au logement, à l’éducation, au salaire, etc., etc., d’une façon ou d’une autre il faudra bien qu’un tiers renonce à l’exercice d’une de ses libertés négative en raison de la menace que l’usage de la force fait peser sur lui ou directement par l’usage de cette force s’il ne s’y plie pas.

    Le plus souvent c’est la propriété qui est affecté, même si d’autres libertés peuvent aussi l’être. Pragmatiquement, si vous avez un droit à l’éducation, quelqu’un doit bien en supporter le coût, si vous avez un droit au salaire minimum, un employeur ou un tiers doit bien vous fournir la rémunération au delà de celle convenue librement, etc., etc. Et peu importe que ce soit un individu particulier, un ensemble que la créance vise directement un individu ou exercée contre la collectivité, donc les contribuables dans leur ensemble. Quelqu’un doit nécessairement renoncer à une liberté négative sous la menace de l’usage de la contrainte ou par l’usage direct de cette contrainte. A défaut, votre créance est une coquille vide.

    Si la liberté négative se définit comme l’exercice d’une liberté en dehors de la contrainte, on viole nécessairement ce type de liberté lorsqu’on instaure de une liberté positive, correspondant à une créance et un droit d’action associé.

    Dans le cas contraire, il faudra nous expliquer comment vous établissez une créance qui donne un droit d’action sans qu’il n’y a aucune entrave à la liberté des autres. On peut avoir quelques exemples?

    Vous me permettrez de finir avec une citation (je la fais de mémoire vous me pardonnez donc l’imprécision sur les propos que je rapporte) qui résume de façon assez lapidaire la question. Un jour Lamartine dit à Bastiat: « votre principe n’est que la moitié de mon programme, vous en êtes resté à la liberté, j’en suis à la fraternité ». Et Bastiat de lui répondre: « La deuxième moitié de votre programme détruira la première ».

    • Pas la peine de prendre des tons grandiloquents de moralisateur-censeur l’ami libertarien, nous sommes d’accord, c’est pourquoi j’avais pris la peine de dire « dans certains cas », c’est-à-dire dans le cas ou la liberté positive est une réalisation personnelle, comme le sage de l’Antiquité et non une réalisation collective par le biais de la loi. Mais merci pour ces précisions qui apportent un approfondissement de mon article.

  • Monsieur Theillier, je vous remercie pour votre article et, plus généralement, pour toutes vos prises de positions auxquelles j’adhère la plupart du temps.
    Pour cette raison, j’ai une requête à vous présenter. Je suis tarabusté par une question (à la limite de plusieurs disciplines, dont la philosophie) pour laquelle je ne trouve pas de réponse vraiment structurée. Accepteriez-vous de me donner votre avis sur le sujet que je cherche à éclairer en vain.
    Si vous me faisiez l’honneur et le plaisir d’accepter, je ne sais pas comment nous pourrions entrer en relation directe?
    Bien cordialement,
    Yves

  • Un plombier est plus utile que tous ces ratiocineurs qui n’ont pas du tout fait progresser l’humanité.
    Quelle perte de temps pour obtenir un diplôme donné maintenant à tout le monde par pure démagogie .

    -1
  • Bravo, cher Damien, pour cet article que je trouve très éclairant.
    Il me semble qu’il manque un aspect de la liberté que je n’ai trouvé que dans la DSÉ (Doctrine Sociale de l’Église) et, bien sûr, dans la Bible (Nouveau Testament, surtout) : la notion de liberté intérieure (la liberté extérieure étant l’absence de contrainte extérieure, ce que tu appelles la liberté négative). Je trouve celle-ci bien exposée à l’article 135 (qui traite du principe de base de la DSÉ, le principe personnaliste) du Compendium de la DSÉ : « La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle, et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure ». Être libre intérieurement, c’est donc être affranchi de toutes les poussées instinctives que son les addictions (drogue, jeu, sexe, argent, écrans,…) , la soif de pouvoir, le désir de vengeance, l’amour-propre, la colère, la peur (de la mort, notamment), le conformisme social, l’obéissance aux injonctions et aux conditionnements, etc.
    Il me semble que ma recherche de liberté intérieure est prioritaire par rapport à ma recherche de liberté extérieure. D’une part parce qu’elle ne dépend que de moi, et d’autre part parce que l’absence de liberté extérieure est la conséquence du manque de liberté intérieure de la population : c’est parce que j’ai une addiction à la drogue ou à l’argent que je vole, c’est parce que j’ai soif de pouvoir que je mens aux électeurs et les soumets à ma contrainte, c’est parce ce que j’ai une dépendance au sexe que je viole, c’est parce que je ne maîtrise pas ma colère et ma soif de vengeance que je tue, etc.
    J’apprécierais de connaître ta réaction à ce commentaire et t’en remercie par avance.
    Pour info, je développe ces idées via Syndicatho (http://syndicatho.fr) où j’aimerais pouvoir reproduire (au moins partiellement) et mettre en lien ton article, si Contrepoints et toi m’y autorisez.
    Pour info également, le Compendium défend ainsi ce que que tu appelles la liberté négative, aux articles 155 (« Tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit ») et 421 (« La société et l’État ne doivent pas contraindre une personne à agir contre sa conscience, ni l’empêcher d’agir en conformité à celle-ci »).

  • Il m’apparait qu’au-dessus de la philo…planent les sciences sociales. Mon prof était Passeron, collègue puis valet de Bourdieu. La sociologie est devenue une métaphysique. C’est un grand dommage pour la pensée !

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