Carmaux : une ville industrielle, deux modèles économiques

Carmaux est une ville à deux facettes : socialiste, mais avec un passé libéral.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Carmaux-centre CC BY-SA 3.0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Carmaux : une ville industrielle, deux modèles économiques

Publié le 6 juin 2016
- A +

Par Jean-Baptiste Noé.

Carmaux-centre CC BY-SA 3.0
Carmaux-centre-wikipediaCC BY-SA 3.0

Carmaux, dans le Tarn, est une des villes symboles du socialisme.

Carmaux ville socialiste

C’est la ville de Jean Jaurès, qui en fut le député. C’est la ville où François Mitterrand et François Hollande ont commencé leurs campagnes présidentielles victorieuses. Hollande avait prévenu : « Ségolène Royal a perdu en 2007 parce qu’elle n’est pas venue à Carmaux. » Le candidat socialiste avait promis de se rendre dans cette ville lors de sa campagne : il a tenu sa promesse et y tint un grand meeting en 2011.

Carmaux, c’est la ville du charbon et du bassin minier qui s’y développa dès le milieu du XVIIIe siècle. Cette extraction fournit l’énergie nécessaire au développement d’une verrerie qui, sous l’égide de Jaurès, devient une des premières verreries ouvrières de France. Le député journaliste, fondateur de L’Humanité, a sa statue sur la place principale, entre la place Gambetta et les rues au nom des socialistes locaux.

C’est dire que Carmaux est une terre de gauche, marquée par l’histoire ouvrière et l’aventure du charbon. Comme toutes les cités industrielles, elle souffrit de la fermeture des mines engagée dès les années 1970. Les subventions et les aides sociales remplacèrent alors la vente du charbon. On y développa une mine à ciel ouvert, promesse de pérennité de l’exploitation minière, qui s’avéra surtout être un gouffre financier. Le trou de la découverte a tenté une reconversion dans l’aménagement touristique, qui n’a pas encore donné toutes ses promesses.

Carmaux ville du libéralisme

Carmaux, ville du socialisme, est aussi celle du libéralisme. Comme c’est souvent le cas en France, la cité est le cadre d’une guerre des mémoires. L’activité industrielle a été développée par le chevalier Gabriel de Solages, qui crée la verrerie royale de Carmaux en 1751 et qui reprend l’extraction houillère en 1752. La famille géra les mines jusqu’à leur nationalisation en 1946. Soucieux du bien-être de leurs salariés, les Solages développèrent toute une politique sociale que les historiens marxistes appelèrent paternalisme avec dédain.

Construction de maisons avec jardin (encore habitées de nos jours), plantation de parcs aux nombreuses fontaines, ouverture d’un hôpital et d’écoles, fondation d’églises, de bibliothèques et de mutuelles de secours. Les rapports de médecine effectués dans les mines françaises à la fin du XIXe siècle soulignent tous que les mineurs de Carmaux sont ceux qui se portent le mieux en France. Les Solages financent une grande partie des Å“uvres sociales, ils aident à l’instruction des enfants et ils se préoccupent du repos de leurs salariés.

Ce n’est pas un cas isolé en France, dans ce XIXe siècle qui vit des patrons se préoccuper sérieusement de la question sociale, et apporter des réponses qui empruntèrent un chemin différent que l’intervention de l’État. Une entreprise providence qui s’avéra bien adaptée aux défis de l’époque. Un thème avant-coureur de la responsabilité sociale de l’entreprise dont on parle beaucoup aujourd’hui. Ludovic de Solages affronta Jaurès aux législatives. Il le vainquit une fois (1898) et perdit ensuite.

Cette défaite politique s’accompagna d’une défaite mémorielle. Aucune rue de la ville ne porte le nom de la famille, pourtant fondamentale dans l’histoire de la commune, et l’expérience libérale des mines de Carmaux est effacée au profit de son développement socialiste. Deux mémoires qui reflètent bien les affrontements intellectuels de la France.


Sur le web

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)
  • J’ai lu cet article parce que j’ai un ami (socialiste) originaire de cette ville, ce qui m’a permis de connaître une partie de son histoire.
    Je lis Contrepoints parce que je me sens proche de la philosophie libérale, dont je n’ai trouvé aucune trace dans cet article (hormis le mot cité 4 fois).

    • http://www.jbnoe.fr/Liberalisme-pourquoi-tant-de-haine

      ceci explique cela , il semblerait que le socialisme soit le résultat d’un libéralisme d’état. à Carmaux l’état à laisser agir le patron comme bon lui semble et celui ci a pratiqué le ..socialisme et ça marche..tant qu’il y a du charbon .
      et oui , nous sommes dans une société libérale contrariée par un état socialiste ..la politique est vraiment un dur métier , pas facile a expliquer à des électeurs que pour faire du socialisme il faut un état libéral !

    • La note libérale n’est-elle pas dans le regard que l’auteur porte sur cette ville et son histoire?

      • @ Dominogris

        Elle est surtout dans le fait que G.de Solages, n’a pas eu besoin de l’état pour créer le bien vivre de ses ouvriers-mineurs et de leur famille sans pour cela, utiliser l’argent des autres ni faire de dettes inconsidérées: c’est le réel qui dit le possible, pas l’idéologie délirante qui n’en tient pas compte!

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
Les réflexions pleines de pertinence et de bon sens d’un esprit libre et empli de courage.

Il est question ici de courage, d’ignorance, de servitude heureuse, de bêtise. Autant de sujets que nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion d’aborder ensemble.

Après une entrée en matière non dénuée d’ironie et agrémentée de treize citations d’une grande profondeur, c’est avec le sens de la dérision que Boualem Sansal donne le ton du livre, avec « en guise de préambule, une interview qui n’a pas eu lieu et qui, normalement, jamais ne pourra... Poursuivre la lecture

Qui a dit que les humanités ne servent à rien ? Jean-Baptiste Noé montre leur rôle et leur importance fondamentale dans notre société et nos libertés.

Cet ouvrage trouve bien sa place dans cette série. En effet, nous vivons à une époque et dans un monde où les technologies ont pris une place prépondérante, où tout va vite, où on entend à la fois se tourner vers un futur mû par les promesses en partie inquiétantes de l’Intelligence Artificielle et un désir de sombrer dans le présent et la tyrannie du divertissement. En quoi les humanités sont-... Poursuivre la lecture

Je prévoyais initialement de consacrer ce vingtième volet à la littérature russe. Tolstoï, Dostoïevski, Gogol, Tchékhov, Pouchkine, assez nombreux sont les romans de ces auteurs que j’ai lus. Malheureusement, j’en garde trop peu de traces écrites pour pouvoir proposer quelque chose de suffisamment satisfaisant. C’est pourquoi j’improvise cette évasion bucolique aux parfums de fin d’été.

 

Le Mur invisible, de Marlen Haushofer

Voilà un thème qui est aujourd'hui régulièrement l'objet de scénarios multiples : la fin du monde e... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles