Révision constitutionnelle : interdisons le chômage !

Pourquoi François Hollande n’a-t-il toujours pas interdit le chômage ?

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Révision constitutionnelle : interdisons le chômage !

Publié le 6 février 2016
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Par Anthony Escurat.
Un article de Trop Libre

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En annonçant devant le Congrès son projet de réviser la Constitution, François Hollande a incontestablement réussi son coup. La droite comme la gauche de la gauche furent prises au piège de l’union nationale, condamnées à applaudir en chœur un discours non pas seulement de président de la République mais de candidat en campagne. Car en empruntant – ostensiblement – des propositions au camp adverse, le chef de l’État s’est posé en digne héritier de François Mitterrand ; pratiquant avec (presque) autant d’habileté l’art de la triangulation. Mais cette technique trigonométrique souvent utilisée par nos responsables politiques peut rapidement tourner à la strangulation si la ficelle s’avère trop grosse en bout de course. Pour réussir son coup de billard constitutionnel de « pré-campagne », le président de la République aurait dû donner un gage à sa gauche afin d’avoir les coudées franches dans un an et éviter ainsi une primaire qui lui pend au nez. Et pourquoi ne pas imaginer une idée folle en interdisant le chômage dans la Constitution ?

Le pari de François Hollande est relativement simple : en choisissant de ratisser sur sa droite il espère tirer profit de l’espace laissé au centre par Nicolas Sarkozy et une partie des Républicains, obnubilés par leur chasse aux voix frontistes. Persuadé que la popularité d’Alain Juppé se fracassera sur le mur des primaires de la droite et convaincu que la gauche de la gauche ne pèsera pas bien lourd au soir du premier tour de l’élection présidentielle, il marche ainsi dans les pas de François Mitterrand qui, en 1988, s’était posé en président de tous les Français, au-dessus des partis et surtout d’une droite qui à l’époque s’était déjà « droitisée ».

La triangulation a pourtant tout d’un jeu dangereux. Avec son numéro d’équilibriste, François Hollande a joué avec le feu et pris le risque de réveiller la fronde à sa gauche : profondément sonnés suite à la litanie de revers électoraux essuyés depuis 2012, les « frondeurs », les Verts et le Front de Gauche étaient KO depuis la victoire – écrasante – de la motion gouvernementale lors du dernier congrès socialiste. Inaudibles dans leur dénonciation des reniements de l’« ennemi de la finance », la révision constitutionnelle leur offre aujourd’hui une fenêtre d’opportunité unique et plus que jamais revigorante. Une occasion en or rouvrant l’idée – enterrée il y a encore quelques mois – d’une primaire à gauche ; signant de facto les limites de la tactique du chef de l’État au-dessus de laquelle plane l’ombre du sphinx dont il fut le collaborateur à l’Élysée sans en être ni un intime du premier cercle, ni un thuriféraire post-morterm.

Afin de tordre – définitivement – le cou à la gauche de sa gauche, François Hollande aurait dès lors été bien inspiré d’imprimer dans son projet de révision constitutionnelle un marqueur fort à son endroit, façon « discours du Bourget » nouveau millésime. Ré-exhumer des cartons le droit de vote des étrangers aux élections locales (engagement n°50 du candidat socialiste en 2012 rappelons-le !) eut été dans le contexte actuel plus qu’impensable. Pourquoi, dès lors, ne pas porter la focale sur le principal échec du quinquennat hollandien en interdisant carrément le chômage ?

Certes, la proposition peut paraître de prime abord des plus fantaisistes. Mais à mesure que la croissance molle semble s’installer insidieusement dans la majorité des pays de l’OCDE, les propositions et initiatives iconoclastes fleurissent ces dernières années dans les esprits à la fois des économistes et des responsables politiques. Dépoussiérant, stagnation faisant, les vieilles recettes devenues inopérantes pour sortir de l’ornière la « génération sans emploi ».

Pour preuve, confrontée à un net ralentissement de son économie, la très sérieuse Finlande planche actuellement sur l’expérimentation d’un revenu universel mensuel de 800 euros, assuré de la naissance à la mort à tous citoyens, riches comme pauvres. L’objectif de cette antienne formulée en son temps par Thomas More : enrayer le chômage, et vite.

Dans ce sillon, le non moins sérieux député socialiste Laurent Grandguillaume a, quant à lui, proposé de créer des CDI pour les chômeurs de longue durée, les plus éloignés de l’emploi. Une proposition de loi qui, dans un œcuménisme parlementaire plutôt rare, a reçu les faveurs des deux chambres du Parlement et qui devrait sortir relativement indemne de sa commission mixte paritaire. Enfin, l’Institut Montaigne milite depuis longtemps pour la mise en place d’un « CDI pour tous », censé mettre un point final à la traditionnelle dualité tricolore du marché du travail qui pénalise toujours plus les « outsiders ». Des propositions encore jugées utopiques il y a une décennie mais qui, aujourd’hui, sont observées avec acuité en hauts lieux.

Dans une inspiration un peu folle, François Hollande a, à l’été 2013, lié son destin présidentiel à l’inversion de la courbe du chômage. Bien qu’il s’en défende bec et ongles, pas besoin d’être diplômé d’économie pour comprendre que ses récentes propositions sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi (+ 500 000 cette année) tiennent davantage du traitement statistique (en faisant glisser subrepticement une partie des inscrits de la catégorie A vers la catégorie D, en dehors des écrans radars si contrariants de l’INSEE) que de la réforme structurelle. Surtout, face au peu de temps qu’il lui reste à quasi un an de l’échéance présidentielle et aux difficultés que risquent de rencontrer les organismes de formation pour absorber – former ! – ces 500 000 demandeurs d’emploi en l’espace de quelques mois, le pari est risqué pour le locataire de l’Élysée, aspirant – en dépit de son mutisme assourdissant sur le sujet – à renouveler son bail.

Or, depuis 2012, plutôt que d’engager de véritables mesures de structure, François Hollande a préféré casser la tirelire (publique) en multipliant les contrats aidés ; sans effets sur l’emploi de l’avis de tous les spécialistes (même à gauche !). Dès lors, à des fins autant stratégiques que tactiques, il eût été plus audacieux de proposer d’interdire le chômage dans la Constitution. Une idée folle certes, mais qui le temps d’une séquence médiatique inédite aurait pour effet bénéfique premier de ressouder une gauche en lambeau autour de lui. Plus sérieusement et concrètement, pourquoi ne pas imaginer octroyer à chaque demandeur d’emploi, aujourd’hui tributaire des allocations chômage, un emploi public assorti d’obligations plus restrictives qu’elles ne le sont actuellement en matière de retour à la normal vers l’emploi privé. Ipso facto, en délestant les entreprises des cotisations patronales afférentes, cette idée folle permettrait de réduire massivement le sacro-saint coût du travail pour, en bout de chaîne, relancer la « job machine ».

Ainsi, exit les mauvais chiffres à commenter chaque mois et donc exit les habituelles circonvolutions langagières de la rue de Grenelle pour mieux masquer la chienlit. Exit aussi Pôle Emploi et ses files d’attente interminables. Exit encore la dette astronomique de l’assurance-chômage et exit sa (non) gestion par des partenaires sociaux paralysés (et donc paralysants !). Exit au passage le refrain de l’inversion d’une courbe décidément contrariante en Hollandie et plus coopérante chez nos voisins de la zone OCDE. Exit enfin l’épée de Damoclès du « j’y vais pas si la baisse de la tendance haussière repart à la hausse ! ». Et surtout, exit les réformes structurelles qui, un jour, devront pourtant bien être mises en œuvre… On a toujours le droit de rêver !

Sur le web

Lire sur Contrepoints notre dossier spécial courbe du chômage

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  • Effectivement, interdire le chômage au niveau de la constitution de notre pays serait possible à condition de se donner les moyens de condamner les français sans emploi ou qui refusent d’embaucher.
    On pourrait par exemple condamner des chômeurs récidivistes à la perte de la nationalité française.
    On pourrait également condamner, à la même peine, les employeurs qui refusent d’embaucher des chômeurs en recherche d’emploi qui se présentent spontanément à la porte des entreprises.

  • C’est pourtant facile de régler le problème, cela a déjà été inventé, et j’ai bien l’impression que nous y allons à grand pas.
    Comment? tout simplement en instalant en France le régime pur et dur de l’ex-URSS.

    Bien sûr, pas de la même façon, l’expérience a prouvé que le système original a été catastrophique, il faut seulement l’adapter aux temps nouveaux.
    – Supprimer les libertés individuelles : c’est fait, aujourd’hui l’Etat peut officiellement fouiller et lire votre courrier et votre vie privé sans même l’accord de la justice, sans même que vous le sachiez. Rien ne les empêche maintenant d’en faire autant avec votre courrier postal.
    – Votre vie professionnelle est surveillée, tous les ans les banques et employeurs remettent à l’Etat tous les relevés de vos avoirs financiers, vous n’avez même plus a déclarer vos revenus, le fisc remplit vos déclarations de revenus à votre place.
    – Les entrepreneurs? seuls ceux qui ont tenté l’experience pourront vous dire quel est l’insupportable et cauchemardesque étau de l’appareil administratif français.
    – la fonction publique, seul créneau de développement réel de l’emploi, grossit indéfiniment au gré de la multiplication des mille-feuilles administratifs. Encore de beaux jours devant elle.
    – L’agriculture? le monde paysan survit grâce aux aides directes de l’Etat ou de Bruxelles, mais jamais par son travail. On y assiste à des suicides journaliers sans que le gouvernement ou les médias s’y intéressent. Ah si seulement ils travaillaient à France Télécom…
    – Les médias, justement, tous subventionnée à un degré plus ou moins élevé suivant leur orientation idéologique. L’humanité à 45%, le Figaro a 16%, mais tous vont à la gamelle. Et aucun n’est indépendant. Et je n’ose même pas parler des niches fiscales des journalistes.
    – Etc… bref, je suis sûr que vous trouverez encore beaucoup d’exemples.

    Alors dites-moi, que reste-t-il de différent, pour l’essentiel, avec les régimes soviétiques? TOUS les français sont aujourd’hui sous la tutelle pratiquement totale de l’Etat, et le dernier maillon approche à grands pas, avec l’Allocation Universelle.

  • instaurer un revenu universel, c’est ce que proposait Ch. Boutin, et toute la gauche se moquait en disant que c’était n’importe quoi, complètement irréaliste, etc. Pourtant, maintenant, la Finlande en parle. Que diront les économistes de gauche si elle le fait?

  • J’imagine qu’il y a bien pensé, mais que quelqu’un lui a rappelé que l’interdiction du chômage était une proposition de Bernard Tapie dans les années 80.

    Quant à la proposition de donner un emploi public provisoire avec l’allocation, j’ai d’abord cru à de l’ironie, mais comme à seconde lecture ça n’en est peut-être pas, n’est-ce pas un subtil mélange de la formation professionnelle qui prélève 40 Mds. par an sur l’économie avec les résultats que l’on sait sur l’emploi, des Ateliers Nationaux, et une bonne raison d’embaucher 1 million de fonctionnaires de plus, permanents ceux-là, pour gérer les activités des chômeurs publics dans une sorte de super service civil ?

  • Je me demande ce que fument ou avec quoi se piquent les partisans de cette allocation. Obliger les chômeurs à travailler et les patrons à embaucher représente l’ineptie absolue. Ubu ne ferait pas mieux, car forcer quelqu’un à effectuer un travail pour lequel il n’est pas forcément compétent voire qu’il n’aime vraiment pas faire où contraindre un employeur à recruter un salarié dont il n’a pas besoin et auquel il n’a pas d’activité à confier, relève du plus pur délire. Il faudrait pour autant rémunérer le travail fourni par le salarié à sa juste valeur, voire lui demander de payer d’éventuels gâchis de produits engendrés par le manque de compétence ou de motivation et indemniser le patron pour compenser tous les frais sans création de valeur ajoutée. De plus, est-ce qu’une simulation économique a été faite et si cette usine à gaz est déficitaire, qui finance quoi et avec quels moyens? Mais, j’y pense, l’État a déjà la recette avec les « emplois aidés », le déficit budgétaire et l’emprunt. Puisqu’il est question de revoir la Constitution, il faudrait en profiter pour interdire aux politiciens d’intervenir dans l’économie comme le suggérait Bastiat.

    • Dans votre intervention vous mettez l’accent sur l’impossibilité de mettre en adéquation l’équilibre financier, qui est la préoccupation première de tout chef d’entreprise, et l’aspiration de beaucoup de personnes à bien vivre au moindre effort, en travaillant peu, ou même, si possible pas du tout.
      Il faut également avoir à l’esprit que la rupture de l’équilibre financier de l’entreprise a pour conséquence sa liquidation judiciaire et donc sa disparition.
      La rupture de l’équilibre financier de l’organisation étatique française a pour conséquence le déficit budgétaire et l’augmentation des charges financières à la charge des entreprises et des citoyens payant actuellement impôts et contributions diverses, variées et croissantes…

  • C’est plus de la faute du monde du travail s’il y a des chômeurs.

    Dire que les chômeurs sont fautifs reviendrait à dire qu’il y aurait 3 millions de places vacantes actuellement que les chômeurs se refusent d’occuper…

    Ouvrons les yeux : il n’y a pas de postes vacants pour tous. Et ce n’est pas du fait des chômeurs.

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