Gérard Depardieu : “Innocent”

L’acteur se livre dans cet ouvrage franc et simple.

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Gérard Depardieu : “Innocent”

Publié le 28 décembre 2015
- A +

Par Francis Richard

ob_1c44ed_innocent-depardieu“Etymologiquement, l’innocent, c’est celui qui ne nuit pas.”

C’est ainsi que Gérard Depardieu se définit, Innocent.

Il développe :

“L’innocent ne juge jamais les gens.
L’innocence, c’est le respect des autres.
C’est un débile aussi, un innocent, il a un côté pur et sans malice.”

Il précise encore :

“Ce n’est pas une façon de voir la vie, non, c’est une façon de la recevoir. Et ce n’est pas une façon de la connaître non plus, mais de la reconnaître.”

Le fait est que, dans ce livre éponyme, Gérard Depardieu se livre, sans malice, et qu’il est bien pur d’une certaine manière, lui qui ne voit pas le mauvais côté des choses.

Il appartient à une autre France, celle d’avant 1968, s’il faut la dater, à une autre époque “où on pouvait encore vivre ses passions, faire de sa passion un art”.

Depuis, a été remise au goût du jour “la France de l’épuration, de la dénonciation, la France du “oui mais”, celle où il faut que tout soit propre, cette soi-disant propreté dans laquelle nous sommes tous en train de crever”.

Sa conception de l’art, qui n’est utile que s’il est dangereux, du cinéma qui doit être vrai et témoigner d’une culture, d’un pays, d’une identité, n’est bien sûr pas compatible avec la bienveillance et l’hypocrisie calibrées d’aujourd’hui.

Les hommes de pouvoir ? “La seule chose qui leur fait peur, c’est l’honnêteté.”

Les gens de France ? Ils ne disent plus rien :

“On est dans un pays muet. On les désespère tellement, on leur fait tellement peur, on les abrutit tellement à force de conneries qu’on a fini par leur couper la parole, ce qui, pour moi, est la pire des violences.”

Il ne faut rien attendre des politiques :

“Il y a simplement à vivre les choses qui nous arrivent et à se démerder seul pour essayer de les vivre au mieux.”

Les politiques traitent la diversité humaine et naturelle en bloc :

“Ils veulent que tout le monde se conforme aux mêmes choses, ils nous balancent des règles et des lois à n’en plus finir, comme s’ils ne comprenaient pas ou ne supportaient pas que chacun soit différent.”

Il y a en lui du Audiard, cet anar littéraire qu’il aime, quand il écrit :

“Changer de trottoir pour éviter les cons, j’ai toujours fait ça.
La différence c’est qu’il y a de plus en plus de cons, alors je suis obligé d’aller de plus en plus loin.
Enfin, quand je dis des cons… je parle de ceux qui prétendent des choses, qui prétendent prendre votre vie en main, vous informer, faire votre bien, diriger.
Je parle de ces masses-là, pas des individus.”

Il va donc de plus en plus loin, sans valise. Il ne s’installe pas. Il ne l’a jamais fait. Il passe. Il s’émerveille. Ça le tient en vie :

“Et ce qui m’émerveille par dessus tout, ce qui a toujours guidé mes pas, ce sont les autres.
Quelqu’un qui est fatigué, c’est quelqu’un qui ne regarde plus les autres.
Je suis sans arrêt en train de regarder les gens, leur terre, là où ils vivent, comment ils vivent.”

L’histoire le fascine. Ce qu’il aime en elle, c’est la création, qui le fascine depuis toujours. Aussi l’histoire est-elle “le contraire de l’ignorance”, “le contraire de la bêtise”. Le fascine également depuis toujours le mystère de la vie et de la nature. C’est de là que lui vient son sens du sacré.

Il n’a rien contre la foi :

“Le vrai danger, ce n’est pas la foi, ça n’a jamais été la foi, le vrai danger c’est quand l’homme avec toute son arrogance, sa perversion et son ignorance se met à interpréter les textes sacrés dans le seul but, pas forcément conscient, de se mettre à la place de Dieu.”

Il n’a rien pour la raison :

“Avec ça tu n’es jamais en paix, tu es toujours plus ou moins en conflit avec ton prochain. Les textes des Lumières sont des textes politiques, des textes de combat souvent, des textes qui en tout cas nous éloignent de l’innocence.”

Il est vrai que, dans les Lumières, tout n’est pas lumineux… et qu’il faut du discernement pour séparer le bon grain de l’ivraie.

Au-delà de la politique, au-delà de la raison, au-delà de ce qui est formulable, il y a sa relation avec le cosmos. Il est citoyen du monde dans le sens qu’il est :

Citoyen d’un monde dans lequel les gens, où qu’ils soient, peuvent éprouver, par instants au moins, un lien avec les autres et le cosmos, une foi en tout ce qui les entoure.
Éprouver cet état d’innocence et de confiance.”

La mort n’a rien d’encombrant pour lui. Ce qu’il en dit pourrait même lui servir d’épitaphe :

“Ma mort, je la vois comme une belle paix.
Et d’une certaine façon comme un soulagement aussi pour ceux qui sont autour de moi.
Je ne les ferai plus chier, ils vont pouvoir m’aimer tranquillement, enfin.”

  • Gérard Depardieu, Innocent, Cherche Midi, 192 pages, 2015.


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Voir les commentaires (6)

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  • Bravo Gégé. Pour t’avoir connu et perdu de vue, je retrouve LE BLOC magnétique et vrai, a l’arrache.
    Refait nous un éclat de rire on en a besoin en ces temps pour aborder la nouvelle année.

  • Gérard nous représente tellement, je l ai déteste et aime , il ne nous laisse jamais indifférent, c est un monument vivant de notre culture , de notre identité. C est un signe très fort qu il soit parti.

    • “C’est un signe très fort qu’il soit parti.”

      +1, bien dit.

      Parce que Gégé, c’est l’acteur qui incarne le mieux l’âme française, tout en sensibilité et en révolte, en sentiments et en colère, et tellement plus encore.

  • Avec Depardieu, “le nivellement par le haut”, c’est celui de la bouteille dans laquelle il urine dans un avion!

    • Depardieu n’a jamais eu la prétention de niveler quoi que ce soit par le haut. En revanche, votre racontar de tabloïd procède bien d’un nivellement par le bas.

  • “Il est vrai que, dans les Lumières, tout n’est pas lumineux… ”
    C’est agaçant, cette légende des Lumières.
    L’esprit scientifique est né au Moyen-Âge, quand on cherchait vraiment la vérité, au point de s’y former par la maîtrise du trivium.
    Le 18e siècle a bénéficié de siècles d’efforts, mais il n’a certainement pas apporté la rupture qu’on lui attribue.
    C’est du révisionnisme historique socialiste.
    Dans ses mémoires, Revel l’agnostique regrettait la probité intellectuelle surannée de ses maîtres jésuites…
    Le conformisme socialiste l’a éradiquée à coup de monopoles violents sur l’école, les institutions et les médias.

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