Télévision publique : allez fais-moi ton show !

Découvrez Jaffar, écrivain talentueux qu’on a presque vu à la télé !

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France Télévisions (Crédits jean-louis Zimmermann, licence Creative Commons)

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Télévision publique : allez fais-moi ton show !

Publié le 7 octobre 2015
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Par Céline Barré.

France Télévisions (Crédits jean-louis Zimmermann, licence Creative Commons)
France Télévisions (Crédits jean-louis Zimmermann, licence Creative Commons)

Cinq années sans télé

J’avoue, j’écris un article sur un sujet que je ne maîtrise pas. En toute humilité, je reconnais mes péchés et réclame toute votre indulgence.

Pourquoi tant d’années passées à me priver d’une source de divertissements de qualité, d’informations livrées par des pro du journalisme, des présentateurs de JT qui mêlent charisme incandescent, culture et finesse d’esprit, des chroniqueurs de talent qui ne se la pètent pas ? Que des gens qui sont arrivés devant les caméras grâce à leur talent, leur verve, leur travail acharné, rien à voir avec des faussaires qui jouent du carnet d’adresses comme d’autres joueraient des coudes dans le métro afin de se jeter sur LA place qui vient de se libérer.

Oui alors pourquoi ?

Tout simplement pour faire un break comme on dit en anglais. On fait un break avec son amoureux, comme si l’anglicisme pouvait alléger la charge qui pèse sur le ou la délaissé(e). Le parallèle s’arrête là. Lorsque j’ai éteint le poste pour la dernière fois, tout en l’insultant joyeusement (après tout, on peut bien causer à la boîte, elle ne répond pas et ne risque pas de nous mettre un pain) il avait dû se passer un truc, un machin qui m’avait fait sortir de mes gonds.

À vrai dire je ne me souviens plus, je jouais de la zapette et j’ai dû tomber, par un malheureux hasard, sur une abominable émission de télé réalité ou peut-être un journal télévisé présenté par une quiche, allez savoir : côté niaiseries et contre-vérités, on est servi. J’ai, par la même occasion, cessé de regarder le programme télévisé et suis passée à côté de chefs d’œuvre. Je n’ignore pas l’existence d’Arte, pourtant je faisais une sorte de blocage psychologique, j’en avais ras le casque, quoi.

Partir pour mieux revenir ? Pas sûre…

Et puis il y a Jaffar. C’est lui qui m’a donné envie de rallumer l’engin que je n’utilisais plus que pour regarder des séries de qualité (j’oublie les productions françaises et me plonge dans Top of the Lake, True Detective, House of Cards, Real Humans, Carnivale, entre autres pépites).

Ce Jaffar, mais comment a-t-il fait pour que je me cale à une heure précise dans mon canapé, moi qui abhorre toute forme de contrainte ?

Il a tout simplement écrit un récit autobiographique, c’est un auteur indépendant, comme moi, et c’est ainsi que j’ai fait sa connaissance. Je me suis intéressée à Garde ton derrière fermé, l’ai lu, ai été émue. Je me suis sentie plus informée sur la vie dans les cités qu’en regardant un documentaire qui nous sert des soi-disant immersions dans les caves les plus glauques des HLM du 9-3.

C’est la magie de l’écrit, c’est aussi grâce à son talent de conteur. Son style est dépouillé, fluide, la construction chronologique de son opus est des mieux trouvées. Pas de « flash-back » à la noix qui perdent le lecteur. Non, on avance, on suit sa courbe de croissance ainsi que la vie dans sa famille qui se décompose à vitesse grand V. On saisit bien toute la difficulté qu’il a eue à surmonter (dans le désordre) une maman dépassée, un grand frère tyrannique, un père qui décède trop tôt, son attirance pour les garçons, l’emprise d’un imam complètement dingue, les moqueries de ses camarades d’école et j’en passe. Ce qui saute aux yeux c’est la force de caractère de ce jeune homme et sa très grande intelligence. Il voue un véritable culte à l’école de la République, et ça fait plaisir. Sans elle il ne serait pas qui il est aujourd’hui, c’est-à-dire un homme qui a quitté sa banlieue pour intégrer une prépa scientifique au prestigieux lycée Fénelon pour ensuite faire des études d’ingénieur dans une non moins prestigieuse école. Voici un parcours qui force le respect et qui intéresse une grande chaîne de télévision française !

France 2 : pour un peu tu me ferais honte !

Il est 22 heures et quarante minutes ; je piaffe d’impatience à l’idée de mettre un visage sur un auteur. Un auteur indépendant qui sort de l’ombre, ça c’est un coup de maître ! Je sais que Jaffar a été accompagné par une équipe du magazine qui s’intitule « Dans les yeux d’Olivier », je m’attends donc à le voir mis en avant comme ce qu’il est : un jeune homme qui a grandi dans la pauvreté d’une cité, qui s’en est sorti grâce à l’école, la lecture, sa volonté farouche d’exister tout en cachant son homosexualité. J’attends aussi ce moment où le présentateur va faire mention de son récit, c’est, me semble-t-il, la moindre des choses.

Olivier, mais qui êtes-vous donc ?

Jaffar garde ton derriere ferméAvant de découvrir le visage de Jaffar, je m’inflige un supplice : regarder l’émission puisqu’il passera au bout d’une heure. Aucun intérêt à souligner la tristesse qui émane des divers témoignages, ils sont poignants, touchants, criants de vérité. Pourtant je n’ai même pas une larmichette à l’œil. D’ordinaire je suis plutôt lacrimale mais là, je reste sèche comme l’accoudoir de mon sofa. Serait-ce dû à la musique un rien pénible qui tente d’accentuer le pathos dont je suis témoin ? Ou bien le présentateur que je n’avais jamais vu ? Olivier Delacroix, quelque chose en vous ne me plaît pas, un je-ne-sais quoi de présentateur nouvelle génération peut-être ? Dieu que je suis « has been ». Il a le look qui va bien : chevelure blonde façon dreadlocks, épais caban bleu marine dans lequel visiblement il se les gèle, même pas une paire de gants pour protéger ses menottes contre le froid polaire de ce mois de septembre : il gardera les mains dans les poches tout du long… Il y a du conseiller derrière, un gars si ce n’est deux qui lui indiquent comment caler sa démarche lors de ses déambulations, comment lancer un regard caméra qui plombe davantage encore le moral bien entamé des téléspectateurs, quel phrasé utiliser, quelles questions poser, quand interrompre avec délicatesse un témoin qui parlerait trop. Bref, il est épaulé, filmé sous les meilleurs angles possibles et finalement c’est lui qui devient pénible. Ce n’est pas un roquet façon Yann Moix, ni une potiche inutile façon qui vous voulez, vous avez le choix.

Olivier est plutôt sympathique en comparaison avec d’autres, mais il m’agace, il ne s’intéresse pas à ses invités, il les instrumentalise : plus les flots de larmes couleront, plus l’audimat grimpera. C’est devenu le must, il faut regarder la télé avec sa boîte de mouchoirs en papier à ses côtés.

Et la redevance dans tout ça ?

Après tout je n’en ferais pas tout un plat si ce genre d’émission passait sur une chaîne privée. Or, France 2 est une chaîne publique et, à ce titre, financée par notre dur labeur via une redevance dont le prix flirte avec l’indécence morale dans laquelle ses programmes se vautrent.

Terminons sur une note joyeuse : souhaitons que la douloureuse qui ne va pas tarder à débouler dans nos boîtes aux lettres soit utilisée à bon escient : un passage chez le coiffeur et l’achat d’une paire de gants pour Olivier, allez France 2, fais un effort pour le mieux-être de tes présentateurs !

Jaffar, je te mets à l’honneur !

Le lendemain, je prends contact avec mon ami auteur, car je suis un peu étonnée qu’il n’ait pas parlé de son récit ; je souhaite percer ce mystère. Voici, en substance, ce qu’il m’a rapporté.

La production de l’émission est allée vers lui via la fédération LGBT. Plutôt méfiant à l’égard des médias et bien conscient que la récupération était au coin de la rue, il a refusé de participer. C’était sans compter sur l’insistance de France 2 à laquelle il n’a cédé qu’à une condition : pas question de faire de lui une icône gay, il souhaitait témoigner mais aussi (serait-ce là un crime ?) parler de son récit. On l’a rassuré, dorloté et suivi pendant toute une journée. Il a donc mentionné à plusieurs reprises son livre. Mais, puisque c’est Jaffar et pas un auteur publié, il s’est trouvé fort surpris de ne voir que quelques minutes de lui à l’écran ; aucune mention de son bouquin, rien, nada. Avouons qu’un jeune homme en parfaite santé, à la bonne humeur communicative, ça ne doit pas être du goût d’Olivier. Jaffar regrette : il parle de manipulation. Ah ! Mais comment donc, les média nous manipuleraient ? J’en suis tout ébaubie !

Puisqu’Olivier n’a pas trouvé judicieux de souligner que le jeune homme qu’il a brièvement interviewé a écrit plusieurs romans et un récit autobiographique, je le fais. Vous pouvez donc en savoir plus sur cet auteur absolument hors normes, cet être fort sympathique et talentueux en suivant ce lien.

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  • Article vraiment pas intéressant. On aurait pu enlever 90% du contenu, seul le dernier paragraphe a de l’intérêt (si on lui en accorde). Le rabâchage sur la télé est d’une bien-pensance à vomir. Et citer Arte comme seule porte de secours ?! J’ai vraiment cru à du second degré…. mais non.

    Raconter l’histoire d’un gars déçu d’un reportage auquel il a participé pendant une journée… passionnant. Si l’info est traumatisante parce que le gars en question a vécu dans une cité et qu’il est gay, envoyez plutôt le billet à Libé :-/

    George

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