Au Japon, un nouveau monstre économique se prépare

Après le taux zéro et le quantitative easing, voici le QQE : l’assouplissement quantitatif et qualitatif.

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Au Japon, un nouveau monstre économique se prépare

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 octobre 2015
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Par Bill Bonner

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Nous interrompons notre série sur ce qu’il faut faire si vous n’avez pas d’argent… pour vous donner des nouvelles de ceux qui en perdent. Quel était le meilleur endroit pour votre argent à ce jour en 2015 ? Les liquidités ! Par rapport aux liquidités, tout a baissé ou presque.

Nous sommes en route pour le pire trimestre depuis 2011, disait un article en couverture du Financial Times hier. Au total, 10 000 milliards de dollars ont disparu de la richesse mondiale.
Quoi ? Où est allé cet argent ? Les vétérans disent qu’il est parti « au paradis de l’argent ». Nous n’en sommes pas si certains. Mais nous faisons une pause. Nous regardons. Nous examinons la situation comme on observe un cadavre. Qu’est-il arrivé à sa force vitale ? Où est-elle allée ? Pourquoi n’est-elle plus là ?

Nous n’avons pas de réponse. Mais observer une baisse des marchés, c’est comme se tenir à côté d’un cercueil ouvert. Nous restons pétrifiés devant la puissance des dieux, qui prennent aussi bien qu’ils donnent. Ils ne demandent la permission de personne. Ils suivent leur propre programme, qu’ils ne révèlent jamais aux mortels. Et comme les bureaux de l’administration française, ils n’obéissent qu’à leurs propres règles.

Mais qu’est-ce que 10 000 milliards de dollars ? Que sont 10 000 milliards qui, en outre, n’ont jamais existé ? Ça va, ça vient, n’est-ce pas ?

Eh bien… oui et non. C’est généralement un plaisir que d’accueillir un nouveau-né, mais un enterrement peut être douloureux. Et chacun de ces dollars, désormais en route pour le paradis ou l’enfer, manquera à quelqu’un.

Les actions US ont connu un rebond cette semaine, qui a laissé les marchés surévalués de 8 000 points environ. C’est du moins l’estimation du milliardaire et légende de l’investissement Carl Icahn. Le PER est d’environ 22, dit-il, et la moitié de ce chiffre est « de la c***nerie ». L’argent parle, la c***erie se barre », dit une expression américaine. Parfois, la c***erie se barre… avec la caisse. C’est ce qui s’est passé ce trimestre.

Le Japon n’est pas à l’abri… au contraire !

Les États-Unis ne sont pas les seuls concernés. Les plus grosses pertes ont été subies à l’étranger. Le Japon, par exemple, mérite une mention spéciale. Vous vous en rappelez peut-être : notre « Transaction de la Décennie » consistait à vendre les obligations et acheter les actions nippones. Après un quart de siècle de marché baissier, nous étions d’avis que les investisseurs actions avaient de bonnes chances de se remettre à flot. Quant aux obligations du Trésor japonais, elles étaient si surachetées depuis si longtemps qu’elles ne pouvaient échapper aux problèmes.

Cette transaction ne semblait pas trop mal partie jusqu’à il y a quelques semaines. Les actions japonaises avaient grimpé de près de 20% depuis le début de l’année. C’était en grande partie grâce aux « Trois flèches » de Shinzo Abe, le fameux plan conçu pour réduire la valeur du yen. Mais comme toute machination macroéconomique organisée par les autorités, le plan n’a pas tardé à se révéler n’être que des c***eries.

Au lieu de stimuler l’économie, les deux premières flèches d’Abe, les assouplissements monétaire et budgétaire, ont semblé frapper des organes vitaux, laissant échapper le peu de vie qui restait. Les résultats ont été si décevants qu’Abe en a oublié la troisième flèche – les réformes structurelles – et a préféré s’équiper d’un tout nouveau carquois contenant l’assortiment habituel de sottises politiques.

Mais les c***eries se sont barrées quand même, en fin de compte, les valeurs japonaises effaçant tous leurs gains annuels. L’économie japonaise est désormais en récession. Les exportations s’effondrent au taux annuel de 16%. La déflation est revenue à la vie le lendemain du jour où Abe a proclamé sa mort.

Passons à l’étape supérieure

Et voilà qu’arrive Etsuro Honda, décrit comme un « architecte » des Abenomics. Selon lui, il pourrait être prématuré de déclarer le Japon en récession. Non, l’économie est en réalité « statique ». Dans l’entretien accordé cette semaine au Financial Times, il n’a pas reconnu sa responsabilité dans le ralentissement quand bien même il est, autant que tout autre être humain vivant, clairement à blâmer. Il propose à la place encore plus de politiques imbéciles.

Nous avons bien peur que ceci ne soit pas juste un à-côté effrayant. Plutôt une avant-première. Le Japon a mené le monde ces trois dernières décennies, d’abord avec une économie de bulle insoutenable dans les années 80… puis avec un effondrement, suivi d’une récession par intermittences. Le pays a tenté toutes les stratégies possibles pour ressusciter l’économie, sauf celle qui aurait fonctionné. Il a emprunté et dépensé (en pourcentage de l’économie) plus qu’aucune autre nation avant lui. Et il a inventé les taux zéro et le QE comme outils politiques. À présent, déclare Honda, il est « urgent » de faire plus.

N’a-t-il pas déjà fait assez, demandez-vous peut-être ? Non… Il propose désormais le QQE – c’est-à-dire l’assouplissement quantitatif et qualitatif. Quelle est cette nouvelle grotesquerie ? Nous en restons bouche bée. Quelle bête brute traîne la patte vers l’Eccles Building (siège de la Fed)… pour naître enfin ?

Toute l’idée du QE était d’augmenter la quantité d’argent dans le système de manière à diminuer la qualité de chaque unité. L’assouplissement quantitatif, en d’autres termes, était expressément conçu pour réduire la valeur du yen afin que les gens veuillent se débarrasser plus vite de leur argent. Le QQE n’a aucun sens… même selon les termes pervers des magouilles des banques centrales modernes.

Attendez, il y a plus ! Honda déclare que ce sera accompagné « d’un budget additionnel, concentré sur le véritable manque de revenus des ménages à revenus moyens et bas ». Ah ah ! Le voilà, le monstre qui approche des villages voisins. Appelez ça « le QE du peuple ». Appelez ça « de l’argent par hélicoptère ». Appelez ça « complètement insensé ». En tout cas, ce ne sera pas impopulaire. Qui protestera quand les autorités commenceront à distribuer de l’argent aux « ménages à revenus moyens et bas » ?

Nous attendons. Nous observons. Nous nous demandons comment les Japonais tenteront de ramener à la vie l’économie qu’ils ont travaillé si dur à tuer. Et maintenant, partout dans le monde, les planificateurs, les banquiers et les politiciens observent aussi. « Là où ira la Banque du Japon, j’irai aussi », se disent-ils.

Restez à l’écoute…


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  • Le fait que le Japon retombe à nouveau en récession est douloureux à regarder, on a vraiment le sentiment qu’ils n’y arriveront jamais..Cette fois ce n’est que partiellement leur faute par contre étant donné que les exportations vers la Chine et l’Amérique latine s’effondrent, la fameuse dépendance au commerce extérieur, et encore heureusement qu’ils arrivent à les augmenter vers les USA qui sont aussi importants pour eux que l’est la Chine sinon ce serait pire. Le fait que le PIB du pays n’ait quasiment pas bougé (en $) par rapport au début des années 90 est inquiétant tout de même, au lieu de peser aux alentours de 4600 milliards de $ cette année le pays pourrait peser plus de 7000 milliards de $ s’il avait eu une évolution normale.

    Avec la crise démographique qui s’intensifie d’année en année la consommation des ménages finira par flancher et devenir un boulet car cette conso représente 50% du PIB..Donc le pays doit agir vite et ouvrir davantage le pays à l’investissement étranger (qui est bien plus faible que dans le reste du monde développé) et s’ouvrir de nouveaux marchés à l’exportation tout en ouvrant le sien aux autres. Le TPP, traité de libre-échange trans-pacifique, est la clé de tout qui pourrait favoriser la renaissance du Japon s’il est mené à bien.

    • La population japonaise diminuant chaque année, si le PIB reste constant, alors cela signifie que le PIB par habitant augmente de même que la consommation par habitant ….. Le Japon n’est pas en crise, chaque chose est relative

      • le PIB par habitant oui, mais en principe ça ne se passe pas comme ça, je précise qu’on parle d’un pays qui a vu en 2014 le salaire moyen atteindre son plus bas niveau depuis 1999, pas aidé par l’augmentation de la TVA (qui reste malgré tout bien plus faible qu’en France, à 8%) et de probables augmentations futures d’impôts pour rembourser la dette. Si la richesse était également partagée les Japonais seraient sans doute ravis de la situation mais on en est pas là.

      • Avec l’augmentation de la productivité le PIB doit progresser même sir la population baisse. Jusqu’à nouvelle ordre le japon n’a pas perdu la moitié de sa population en 20 ans…

    •  » la fameuse dépendance au commerce extérieur »

      l’économie nipponne n’a plus la structure qu’elle avait dans les années 70 à 90, le marché intérieur prime désormais nettement sur l’export dans un rapport de 2 à 1, et avec une popualtion vieillissante qui consomme moins, cqfd, quant aux exportations vers la Chine, elles sont pour ainsi dire internalisées, en direction de filiales, à près de 70%. Donc le ralentissement de la Chine est la bonne excuse du gouvernement Abe

      • Vu la baisse de la population et donc la baisse de la consommation induite à long terme il est certain que se centrer sur la consommation des ménages n’est pas une bonne idée. Quant aux exportations peu importe comment on le voit elles sont en baisse et ce sont elles qui ont permis au Japon de reprendre le chemin d’une bonne croissance entre 2002 et 2007. Le marché intérieur ne pouvant croître que très peu le pays a besoin du commerce extérieur pour croître correctement et s’enrichir mais le marché mondial peu dynamique et la concurrence forte de la Corée du Sud dans les mêmes secteurs font que cela est difficile, même avec un yen dont la valeur a beaucoup baissé et qui aurait dû booster les exportations massivement en principe. Bref, le pays est malheureusement dans une situation très difficile.

    • On devrait plutôt se poser des questions sur le sens de la croissance : est ce une donnée intrinsèque (ce que pensent tous les socialistes) ou un donnée relative ?

      Pour Friedman, la croissance n’existe presque pas ou n’est pas mesurable, il n’y a que des artefacts monétaires, liés à la manipulation de la monnaie et aux éléments de comparaison (comme le nombre d’habitants) : le revenu n’est pas une valeur instantanée, mais une valeur presque stable qui par moment utilise la monnaie.

      • Aux socialistes, seul importe la croissance de la masse monétaire. On sait très bien pour quelle raison.

      • Oui mais, en réfléchissant, on comprends bien que si UNE (1) banque centrale, d’un seul pays, fait du Q.E., elle dévalue de fait sa monnaie par rapport aux autres.

        Mais que si TOUTES les banques centrales ( avec monnaie DTS ou SDR) le font, on crée bien, artificiellement, une inflation mondiale qui, traduite dans ces devises-là, ne fait qu’augmenter tout aussi artificiellement, une augmentation de PIB, donc une pseudo-croissance faite seulement de papier-monnaie, libellé (dans l’ordre des usages du commerce international) en $ ou USD, € ou EUR, ¥ ou JPY, et en £ ou GBP.

        Le 元 yuan ou 人民币, appelé renminbi ou pinyin ou RMB chinois n’en fait pas partie pas plus que le CHF ou franc suisse, qui reste, à mon avs, une monnaie refuge plus sûre, actuellement.

        En effet, il faudra observer la réaction du FMI face à ces manipulations d’imprimeries des monnaies « officielles »: le FMI n’est pas fondamentalement neutre du point de vue politique, quoiqu’en disent les statuts, si la valeur relative des DTS / SDR ne répond plus exactement à leur définition.

        (On sait depuis longtemps que les USA ont pris l’habitude de faire régler leurs ardoises par d’autres! M.Draghi sera-t-il capable d’en faire autant? Perso, je ne sas toujours pas pour le compte de qui ce personnage roule – en lu, j’ai très peu de confiance, à cause de son passé chez G-S- ?)

        • @Mikylux : le QE ne dévalue pas une monnaie, vous avez je pense une mauvaise compréhension du mécanisme, qui semble assez courante d’ailleurs : le QE ne fait que transformer de l’argent bancaire en argent central. Comme l’argent bancaire est de toute façon garanti par la BC, il n’y a aucune création monétaire, mais en fin de compte destruction des intérêts (si minimes soient ils) perçus par la BC.

          La création monétaire est opérée par les banques.

  • le japon est le pays idéal : ile , dangereuse , civilisation complexe et très structurée , le japonais est adapté a un environnement chaotique , comme la plus part des pays asiatiques . le monde ( nous) peut s’écouler ( s’écroulera) ils survivront !

    • Ça les a pas empêché de se prendre une villaine défaite en 1945…..

      • Défaite toute relative et que leurs adversaires ont dû toutes les difficultés du monde à atteindre, et encore à la fin grâce à un moyen non-proportionnel.

        • La première bombe A aurait suffi: j’en suis bien d’accord, d’autant plus en sachant qu’une seconde n’attendait que d’être larguée rapidement, mas une guerre n’est ni propre, ni juste, ni proportionnée et en ’40-’45, ce qu’on appelle les « dommages collatéraux » (atteignant essentiellement des « civils », n’étaient même pas pris en considération!).

          Par contre que ces bombes aient mis fin à la guerre, sans décès à déplorer du côté U.S. à partir de là, ce n’est pas contestable et c’est bien ce qui détermine le vainqueur, avec, dans ce cas, capitulation de « l’empire » et acquisition d’une occupation de base stratégique pour des années.

          (Je sais bien que certains, en France, nient encore l’échec de Napoléon 1ier à Waterloo, sans aucune logique alors qu’à l’occasion des cérémonies avec la reconstitution du récent 200ième anniversaire – boudé par les plus hautes autorités françaises jusqu’à ne pas répondre aux invitations officielles, grossièreté prétentieuse déplacée -, ont été bien démontrées les erreurs stratégiques et tactiques de ce Corse impérialiste qu trouva là ses maîtres et dont tout ne fut pas glorieux: « la meilleure guerre est celle qui n’arrive pas »: ce n’était franchement pas sa pensée!)

          • Je ne vais pas prendre la défense de Napoléon mais, à son époque, son « impérialisme n’avait rien d’exceptionnel, l’Autriche, la Prusse, l’Angleterre, la Russie étaient tout aussi « impérialiste ». Napoléon avait deux atouts dans la manche : la France, pays le plus riche et peuplé d’Europe et des capacités physique et intellectuelles hors normes. Sans parlé de sa propension lors des combats à se mêler au soldat du front qui est la marque des grand généraux (comme Alexandre qui chargeait toujours en tête de sa cavalerie).
            Quand à Waterloo ce n’est certainement pas une victoire mais la situation était incroyablement défavorable, j’aurais bien aimé voir comment ce serait débrouillé quiconque à la place de l’empereur dans la même situation… Mais dénier à Napoléon son génie militaire c’est faire preuve de beaucoup de présomption.

    • A ma connaissance aucun pays n’a jamais été rayé de la carte. L’être humain à une capacité à la survit en temps que groupe vraiment étonnante.

  • Quand les Japonais arrêteront-ils les politiques keynésiennes? Ca commence à se voir, que ça ne marche absolument pas…

  • Les commentaires sont fermés.

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