Par Aurélien Chartier.
La sortie d’un film sur la genèse d’un des groupes fondateurs du gangsta rap, dont un des thèmes d’écriture principaux était la dénonciation de la violence policière, prend un écho assez particulier en 2015, après une année qui a vu s’accumuler un nombre effroyable de bavures aux États-Unis, en particulier à l’encontre de la communauté afro-américaine. Difficile en effet de ne pas voir un parallèle marquant entre le cas de Rodney King entraînant les émeutes de Los Angeles en 1992 et ceux plus récents de Eric Garner et son tristement célèbre I can’t breathe et Freddie Gray, suivi par des émeutes à Baltimore. Bien qu’une prise de conscience plus large ait lieu de nos jours, l’absence quasi-totale de réaction des pouvoirs publics durant plus de vingt ans donne froid dans le dos.
Pour en revenir au film, il s’agit d’un des premiers biopics sur les fondations du hip-hop et certainement le premier à obtenir un tel succès, à la fois commercial et auprès des critiques. On avait bien entendu déjà eu 8 mile et Get rich or die tryin’ il y a une dizaine d’années qui s’inspiraient de l’expérience de leurs acteurs principaux, respectivement Eminem et 50 cent. Puis en 2009, un biopic sur la vie de Notorious B.I.G. était passé relativement inaperçu. Il aura donc fallu attendre 2015 pour voir un film sur les origines du hip-hop être considéré grand public. Et même nettement profitable avec plus de 170 millions de dollars de recettes pour un budget de 28 millions !
Le nom du réalisateur F. Gary Gray ne vous dira pas forcément grand-chose, bien qu’il soit loin d’être un débutant avec une dizaine de films à son actif, dont Le négociateur et Friday, comédie culte des années 1990 avec Ice Cube en tête d’affiche. Il a également réalisé des vidéos pour plusieurs artistes hip-hop dont R. Kelly, Cypress Hill ou encore… Ice Cube. Bref, il est loin d’être étranger au monde décrit dans ce film et cela se ressent dans sa direction très naturelle. On aurait peut-être aimé un peu plus d’originalité, mais on est malgré tout capté dans sa retranscription de l’ascension du groupe depuis les quartiers pauvres de Los Angeles jusqu’à la célébrité et au luxe.
Les jeunes acteurs sont excellents et incarnent de façon très réaliste les rappeurs de NWA. Les deux prestations qui ressortent sont celles des personnages principaux : Jason Mitchell dans le rôle d’Eazy-E et le fils d’Ice Cube qui joue son propre père. Tous deux parviennent à donner vie à leurs personnages à tel point qu’on oublierait qu’il ne s’agit pas d’un documentaire. Le plus expérimenté Paul Giamatti livre également une très belle prestation dans le rôle du manager du groupe. La bande son du film se base bien entendu principalement sur les titres de NWA et de ses différents membres, ce qui sied parfaitement.
Malheureusement, Straight Outta Compton n’est pas exempt de plusieurs points critiquables. Le film est long et beaucoup de scènes sur les orgies et la vie de luxe après le succès du groupe auraient pu être raccourcies, sans que cela impacte le déroulement du scénario. Malgré cette longueur, on ne sort guère des sentiers battus concernant l’histoire du groupe. Si cela ne sera probablement pas notable pour les spectateurs ignorant ce qui s’est passé, on regrettera l’absence de surprises, le déroulement du scénario suivant à la lettre des éléments connus depuis longtemps, tel que les conflits de contrats qui finissent par entraîner le départ d’Ice Cube. Enfin, on sera étonné par les rôles très mineurs accordés aux deux derniers membres du groupe DJ Yella et MC Ren, dont l’apport artistique est totalement ignoré. Les crédits de fin ne nous apportent même pas d’informations sur ce qu’ils sont devenus après NWA. Difficile d’estimer l’influence d’avoir Ice Cube et Dr. Dre comme producteurs du film, mais on peut se demander si cela n’a pas impacté l’objectivité du film.
Malgré ces points négatifs, Straight Outta Compton reste un film que l’on prend plaisir à voir et qui a le mérite de ne pas sombrer dans le politiquement correct concernant les travers du milieu hip-hop de cette époque, notamment la misogynie ambiante et la violence omniprésente. La violence policière est également parfaitement retranscrite, tout comme les pratiques douteuses de l’industrie du disque. Les audiences francophones sont généralement peu familières avec l’histoire du hip-hop outre-Atlantique, voilà une occasion parfaire pour rattraper ce retard.
Straight Outta Compton – Bande-Annonce… par Lyricis
- N.W.A – Straight Outta Compton, biopic américain, réalisé par F. Gary Gray (sortie nationale le 16 septembre), avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell. Durée : 2h27mn.
“8 mile” et un oscar pour Eminem. Film très fort, aussi. Est-ce qu’on verra aussi des récompenses pour ce film ?
On s’en tape du rap. C’est une agression sonore, une daube de dégénérés à destination de primitifs. Pondez plutôt ce genre d’articles dans les journaux de bobos, c’est plus sa place…
Analysons le message de “Tabz”, posté le 16 septembre 2015 à 23 h 24 min. Je cite:
“On s’en tape du rap. C’est une agression sonore, une daube de dégénérés à destination de primitifs. Pondez plutôt ce genre d’articles dans les journaux de bobos, c’est plus sa place…”
– Premièrement, “Tabz” nous explique qu’il s’en tape du Rap après avoir cliqué sur un article de Rap.
– Deuxièmement, il qualifie le Rap, genre musical d’inspiration multiple, traversé par une grande variété de styles, et ayant lui-même influencé d’autres genres comme la musique électronique (qui fait elle aussi un grand usage du sampling)…
Notre cher “Tabz”, farouche détracteur du “Rap” (ce qui inclut donc des courants comme le jazz hip-hop, l’abstract hip-hop, etc) qualifie tout ceci de, je cite, “daube de dégénérés à destination de primitifs.”
– Pour finir il conclut en disant qu’un article parlant de coercition policière et d’une succes story comparable sur certains points à celle de jeunes entrepreneurs des nouvelles technologies n’a pas sa place sur un site libéral comme Contrepoints.
Franchement, ne soyons pas ingrats, remercions “Tabz” pour la bonne tranche de rigolade qu’il nous a offert !
Bonne réponse, mais à mon avis incompréhensible pour Tabz. La variété dans ce style musical est si large qu’il est difficile de comprendre qu’on puisse tout rejeter en bloc comme ça. Et je le dis tandis que ce n’est pas moi même qui m’intéresse à cette musique mais que je la découvre par … mes fils. Lesquels sont très critiques vis à vis de certaines productions. Ils parviennent sans difficulté à me trouver des trucs vraiment très sympa à écouter. Américain ou français, en général.