Il y a 250 ans : le 14 août 1765… les Fils de la liberté

Comment un groupe de jeunes gens a fait de l’Amérique une nation.

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Boston - Freedom Trail - Faneuil Hall - Samuel Adams statue credits Wally Gobetz via Flickr ((CC BY-NC-ND 2.0)

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Il y a 250 ans : le 14 août 1765… les Fils de la liberté

Publié le 14 août 2015
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Par Gérard-Michel Thermeau.

Boston - Freedom Trail - Faneuil Hall - Samuel Adams statue credits Wally Gobetz via Flickr ((CC BY-NC-ND 2.0)
Boston – Freedom Trail – Faneuil Hall – Samuel Adams statue credits Wally Gobetz via Flickr ((CC BY-NC-ND 2.0)

Une récente mini-série historique, Sons of Liberty, diffusée au début de l’année 2015 sur la chaîne History a remis à l’honneur les origines de la Révolution américaine : « comment un groupe de jeunes gens a changé le cours de l’histoire et fait de l’Amérique une nation » pour reprendre les termes du résumé proposé par la chaîne américaine.

Émeutes à Boston

Le 14 août 1765, une foule en colère se réunit sous un grand orme à l’angle de deux rues de Boston pour y pendre en effigie le marchand Andrew Oliver, chargé de mettre en application une nouvelle taxe sous forme de timbre. Les activistes ont accroché également au mannequin une botte de la cavalerie britannique qui contient un « diable » ricanant tenant un papier marqué Stamp Act. L’arbre devait bientôt être baptisé Arbre de la Liberté. Les plus enragés n’en restent pas là, mettant le feu à la maison d’Oliver.

Devant l’impunité dont ils bénéficiaient, les autorités n’osant pas réagir, les activistes décident d’aller encore plus loin en s’en prenant à Hutchinson, lieutenant du gouverneur. Le 26 août 1765, de nombreux manifestants allument un grand feu devant l’hôtel de ville, et aux cris de « liberté et propriété » boivent un grand nombre de punch pour se donner du courage. L’émeute se déchaîne contre la maison de Thomas Hutchinson qui n’a que le temps de prendre la fuite : cette magnifique demeure d’inspiration palladienne devait être entièrement pillée. Historien et collectionneur de manuscrits, le pauvre Hutchison ne pouvait que pleurer le sort réservé à ses collections.

Tous ces actes de violence vont bientôt être attribués aux Fils de la Liberté, groupe clandestin de colons hostiles à la politique fiscale britannique. Pourquoi cette hostilité ?

Le Stamp Act

La victoire anglaise à l’issue de la Guerre de Sept Ans avait permis d’évincer les Français de l’Amérique du Nord. Mais la victoire avait coûté cher au Trésor britannique. Le parlement britannique trouvait logique de faire payer la note aux colons, principaux bénéficiaires de la disparition de la menace française, sous forme d’impôts indirects. Le Stamp Act, loi sur le timbre, devait rester comme le plus impopulaire de tous ces impôts. Ce timbre fiscal était obligatoire sur les journaux, les livres, contrats et documents officiels. Il devait entrer en vigueur le 1er novembre 1765.

À l’origine de l’organisation des Fils de la Liberté on trouve un petit groupe de boutiquiers et d’artisans prêts à l’action violente. Parmi eux, l’imprimeur Benjamin Edes et John Gill de la Boston Gazette, particulièrement touchés par l’impôt, qui vont donner une forte publicité au mouvement. Le timbre est désigné comme un emblème d’esclavage. Liberty and No Stamp Act, tel était leur slogan. C’est à leurs yeux une « taxe sur la connaissance », une forme sournoise de censure. En très peu de temps, deux cents hommes étaient réunis sous l’autorité d’un cordonnier des quartiers sud, Ebenezer McIntosh, descendant d’Écossais exilés en Amérique par Cromwell, sous l’appellation des Neuf Loyaux (The Loyal Nine).

Ces actions vont rapidement être récupérées par Samuel Adams, entrepreneur raté reconverti dans l’activisme politique et la démagogie. L’organisation va être baptisée « Fils de la Liberté » par l’opinion publique, reprenant la formule devenue immédiatement populaire d’un parlementaire anglais, le colonel Isaac Barré1 fortement opposé aux projets de taxation. L’honorable Charles Townshend ayant présenté les colons comme des « enfants installés par nos soins, nourris par notre générosité et protégés par nos armes », Barré indigné s’était levé et avait répliqué en qualifiant les colons de « Fils de la liberté » : « C’est votre oppression qui les a conduits en Amérique. »

En fait, le terme a fini par désigner tous ceux qui luttaient contre les impôts et mesures prises par la Couronne britannique. Mais le terme Couronne est peut-être impropre : c’est le Parlement qui est dénoncé, les Fils de la Liberté se déclarant fidèles sujets du roi George III. La devise du mouvement devint le fameux « No taxation without representation ». Cela explique en partie l’antiparlementarisme de la révolution américaine et le caractère de la constitution des États-Unis.

À l’origine de la Révolution américaine

Si les premières actions violentes éclatent à Boston et à New York, où des activistes se déclarent prêts à « aller jusqu’au bout » et à faire le sacrifice de leurs vies et de leurs fortunes pour faire triompher leur cause, bientôt des groupes de Fils de la liberté sont créés dans toutes les colonies et très vite des relations se nouent entre eux : pour la première fois un sentiment commun émerge qui unit les colonies dans un objectif commun.

Leurs actions visent à forcer les agents du fisc à démissionner. Ils font aussi pression sur tous les marchands qui ne respectent pas les consignes de boycott des marchandises britanniques. Bien sûr, de tristes individus en profitent pour se livrer à des violences gratuites ou rançonner la population. Aussi les Fils de la liberté se rebaptisent-ils « Vrais » fils de la liberté.

La répression est d’autant plus difficile que nombre de shérifs et de membres de la milice sont également des Fils de la liberté. L’armée ne disposait pas d’effectifs suffisants pour assurer le maintien de l’ordre.

En octobre 1765 les représentants de neuf colonies réunis en Congrès dénoncent dans le Stamp Act une « subversion des droits et libertés des colons. » Aussi l’impôt devait-il être finalement reporté, sa mise en œuvre se heurtant à trop de difficultés.

En décembre 1773, un texte intitulé l’Association des Fils de la Liberté à New York dénonce le Tea Act, nouvelle tentative fiscale, et menace tous ceux qui contribueraient à son application comme « ennemi des libertés de l’Amérique ». Déguisés en « Amérindiens », une cinquantaine d’entre eux, conduits par Samuel Adams, vont s’illustrer lors du fameux épisode connu comme la Boston Tea Party. Pendant la guerre d’Indépendance, les bateaux marchands américains devaient adopter un drapeau avec 13 bandes horizontales rouges et blanches associées aux Fils de la Liberté. Plusieurs figures éminentes de la révolution américaine ont été membres de l’organisation ; outre Samuel Adams, citons Paul Revere, Patrick Henry, James Otis et John Hancock.

Après la fin de la Révolution, ils vont continuer à poursuivre de leur vindicte les loyalistes à New York faisant adopter des lois punitives en décembre 1784.

Le mouvement illustre en tout cas le caractère révolutionnaire de l’indépendance américaine qui est souvent mis en sourdine par tous ceux qui opposent la « bonne » révolution américaine (qui ne serait pas réellement révolutionnaire) et la « mauvaise » révolution française. L’objectif des Fils de la liberté était bien de « terroriser » les fidèles agents du gouvernement anglais et les loyalistes même s’ils ne sont pas allés jusqu’à l’assassinat et se sont contentés de recourir à l’intimidation.

  1. Ce parlementaire britannique doit son patronyme français à un père huguenot.
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