« Femmes et discriminations au Mali » d’Aly Tounkara

Un essai sociologique important pour comprendre le Mali entre tradition et modernité.

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« Femmes et discriminations au Mali » d’Aly Tounkara

Publié le 21 juillet 2015
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Par Noël Kodia.
Un article du site Libre Afrique

Femmes et discriminations au Mali de Aly TounkaraFemmes et discriminations au Mali, publié par l’universitaire Aly Tounkara chez L’Harmattan en 2015, révèle la situation de la femme malienne dans une société elle se voit discriminée à plusieurs points de vue. À travers cette étude, l’auteur tente de réfléchir sur les tenants et les aboutissants de cette discrimination qui frappe la Malienne contemporaine.

Pour Aly Toukara, la Malienne (fille ou femme épanouie) se trouve actuellement entre tradition et modernité. Il nous la présente subissant des discriminations dans une société son éducation traditionnelle est plus stricte que celle des garçons qui disposent de plus de libertés. Elle doit être bien « éduquée » pour être une maman exemplaire. La réflexion d’Aly Tounkara se fonde essentiellement sur une étude sociologique et culturelle de la situation de la femme malienne, de l’indépendance à nos jours. Une analyse qui appelle quelques remarques.

La discrimination de la femme n’est pas une spécificité malienne car on la remarque presqu’au niveau continental. Et le choc des cultures occidentale et africaine, par le biais de la colonisation, a grandement marqué la société africaine. Mais malgré l’indépendance et ses nouvelles institutions calées, avec plus ou moins de succès, sur le modèle occidental qui prône l’égalité du genre, la Malienne continue à subir le poids de la tradition et de certaines visions rétrogrades de l’Islam, la religion majoritaire dans le pays. Force est de donner raison à Tounkara quand il constate sociologiquement que la tradition musulmane affecte fortement de nombreuses lois et dispositions qui régissent le social et le politique dans un Mali enclin à la modernité. Cette lutte contre les discriminations des femmes apparait comme un casse-tête chinois pour le politique. Car comment comprendre qu’en 2010, quelques timides réformes adoptées par l’Assemblée pour l’amélioration de la condition féminine, ont fait l’objet d’une seconde lecture car n’étant pas totalement acceptées par moult associations islamiques qui n’auraient pas approuvé certaines concessions faites aux femmes ?  Même si le Mali est un État laïc depuis son indépendance, comme le révèle Toukara, le perpétuel conflit idéologique est toujours de mise entre le politique qui se veut laïc et les populations majoritairement islamisées depuis des siècles. Un travail de conscientisation de longue haleine devrait être réalisé par l’éducation civique.

Pour Tounkara, l’inégalité du genre est notoire dans la société malienne, et cela, malgré les efforts de démocratisation et de liberté d’expression que les politiques maliens essaient de promouvoir. Les discriminations sexuées existent encore, et ce n’est pas en quelques décennies que l’on peut effacer une culture vieille de plusieurs siècles qui prône la dépendance de la femme vis-à-vis de l’homme. Un constat chiffré de l’auteur : en 2008 les Maliennes constituent la frange démographique la plus importante (50,5% de la population). Paradoxalement, il n’y a que 24,6% de femmes alphabétisées contre 43,1% d’hommes. Dans la société moderne malienne, les filles sont plus orientées vers les études littéraires et les garçons sont prioritaires dans les séries scientifiques. Et même quand les Maliennes intègrent le monde du travail, elles sont souvent discriminées. Les postes de responsabilité dans certains secteurs d’activité leur sont souvent fermés. Ici, l’auteur oublie de mentionner l’égoïsme et le complexe de supériorité de l’Africain moderne qui porte encore en lui certaines tares d’une tradition qui relègue la femme au second plan. Pour s’arrimer au monde moderne, le gouvernement malien se montre réaliste en promouvant les droits des femmes à travers des déclarations et la ratification des conventions internationales à la lutte contre les discriminations faites à leur endroit. Aussi, le Mali se trouve actuellement au centre des mutations internationales  qui sont pour l’émancipation de la femme malgré la persistance de quelques relents traditionnels et religieux. Car comment comprendre que certains conflits conjugaux sont encore réglés par des mécanismes coutumiers et religieux en lieu et place du code constitutionnel ?

Pour Tounkara, le Mali est en mutation car sa société se trouve au carrefour de l’attrait de l’Occident et le refuge dans ses valeurs traditionnelles marquées par l’influence de l’islam.  De l’indépendance à nos jours, les constitutions qui se sont succédées au Mali assurent l’égalité entre homme et femme. Mais cette équité est loin d’être acceptée dans cette société où les lois sont parfois en porte-à-faux avec la modernité. Les enquêtes qu’il a effectuées auprès de la population (surtout féminine) prouvent que la situation de la Malienne est encore complexe. D’un côté, il y a celles qui essaient de se révolter contre la domination de l’homme, et de l’autre côté, celles qui se résignent à supporter la dictature de l’homme et n’hésitent pas parfois à accepter, malgré elle, la polygamie.  Et devant cette situation complexe, une solution à long terme s’impose : l’alphabétisation des populations en mettant en exergue l’éducation civique. Cette alphabétisation et cette éducation civique devraient enseigner la place de la femme dans cette Afrique qui bouge et où elle occupe maintenant des places importantes dans le monde politique, économique et culturel.

Écrit par un sociologue qui connait bien son pays, Femmes et discriminations au Mali apparait comme une mine indéniable pour comprendre la société malienne en général et en particulier la place de la Malienne à cheval entre tradition et modernisme. Une réflexion dont l’originalité se fonde sur le métissage entre pratique traditionnelle et apport de la modernité au Mali. Un travail qui prouve sa valeur scientifique par les enquêtes menées par l’auteur sur le terrain et quelques données statistiques qui accompagnent son analyse.


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  • Je suis ravie que sur le continent africain aussi ces questions sont désormais posées. L’alphabétisation est importante … tout commence par là.

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