Marre de la Grèce ? Parlons de la Chine !

Les marchés chinois plongent-ils ? L’analyse décapante de Charles Gave.

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Chine (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Marre de la Grèce ? Parlons de la Chine !

Publié le 14 juillet 2015
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Par Charles Gave.
Un article de l’Institut des Libertés

Chine (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)
Chine (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

Tout le monde sait que la Chine vient de connaitre un krach boursier et les journaux se sont fait une joie de répercuter la nouvelle. Ceci étant acquis, je vais poser une question aux lecteurs : quelle est la performance du marché Chinois (Shanghai-Shenzhen) depuis un an, compte tenu de ce krach ?

-10% ? -20% ? -30% ?

Réponse : +91% !

Des krachs à + 91%, on en redemande !

Plus sérieusement, l’indice des valeurs chinoises cotées à Hong-Kong, le China Enterprises Index, que le monde entier peut acheter librement est en hausse de 9% sur les 12 derniers mois en dollars US et de 31% en euro, après ce krach. Ce qui me parait bien. Essayons de résumer ce qui s’est passé exactement pour mieux comprendre.

Pour être bref : en avril 2015, les bourses chinoises se sont littéralement envolées, l’indice des valeurs chinoises cotées à Hong-Kong (le moins volatil de tous les indices chinois) passant de 12000 à 15000 en un mois, pour retomber à 12000 en juillet. Donc nous avons eu un mois d’euphorie, corrigé dans les trois mois qui ont suivi et nous nous retrouvons là où nous étions au début de l’année. Dans le fond, il ne s’est pas passé grand-chose…

Il n’en reste pas moins que la brutalité du mouvement et les commentaires que ce krach a entraîné m’amènent à faire un certain nombre de remarques.

Question : qu’est-ce qui a amené cette hausse brutale ? Réponse : la perspective que la monnaie chinoise, le Yuan, devienne convertible et entre comme composant dans les fameux DTS.

Je m’explique.

Les Droits de Tirages Spéciaux ou DTS sont une moyenne pondérée par leur utilisation dans le commerce international de quatre monnaies : dollar, euro, livre sterling et yen et sont gérés par le FMI. Pour faire bref, ces quatre monnaies sont celles qui sont autorisées par le FMI pour solder les transactions que les pays peuvent avoir et donc sont privilégiées dans la constitution des réserves de change par tous les autres pays.

Or le yuan chinois devrait entrer dans ce club très fermé à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine, et donc la demande pour le yuan va augmenter de façon significative.

Cette monnaie pourrait de ce fait monter et les taux d’intérêts en Chine baisser, ce qui serait très favorable au marché des obligations chinoises ou internationales cotées à Hong-Kong (les fameux Dim Sum bonds).

Mais il y a plus. Très rapidement, la monnaie chinoise deviendrait convertible, ce qui permettrait au monde entier d’acheter des actions chinoises… Or la capitalisation boursière de la Chine doit être aujourd’hui la seconde du monde. À ce moment-là, tous les fonds indiciels seront obligés d’en acheter, ce qui créera une demande immense et donc une hausse très forte de ces actions.

C’est sur ce raisonnement, que j’ai tenu sur le site de l’IDL, que les actions chinoises ont explosé à la hausse en avril, et il reste valable bien entendu.

Mais les deux grandes sociétés qui calculent les grands indices internationaux, FT et MSCI ont fait savoir au mois de mai que, certes, elles incluraient les valeurs chinoises dans les indices, mais avec une sage lenteur, doucement, doucement…

Et comme tous les opérateurs chinois avaient acheté sur marge (c’est-à-dire en empruntant l’argent nécessaire à ces achats), en espérant bien sûr revendre leurs titres à des fonds indiciels d’ici à la fin de l’année, ils se sont retrouvés sans les acheteurs qu’ils espéraient voir surgir et ont donc été obligés de revendre à… d’autres Chinois, qui ne se précipitaient pas pour acheter.

D’où le krach en juin-juillet, qui a été sévère… Mais il y a krach et krach.

Dans ma carrière, j’ai connu deux sortes de krach :

  • Ceux qui étaient parfaitement justifiés comme 1974 ou 2008 : dans ce cas, il est urgent de ne rien faire, sauf si l’on est investi bien sûr (auquel cas il faut vendre en prenant ses pertes), et d’attendre sagement que les événements se tassent. Après la phase initiale d’un krach justifié, il faut bien se garder d’acheter. Du krach, on va passer à la lente dégringolade, ce qui est bien plus usant et peut prendre de 12 à 18 mois.
  • Ceux qui étaient la conséquence d’un phénomène technique interne au marché comme en 1987 : ce krach fut déclenché par la croyance qu’il était devenu possible de s’assurer contre la baisse éventuelle des marchés grâce à un système informatique appelé assurance de portefeuille. Ce système non seulement ne fonctionna pas, mais surprise, surprise, il accentua les baisses et c’est simplement quand les ordinateurs furent débranchés que la baisse prit fin…

La baisse chinoise actuelle fait partie clairement de la deuxième catégorie.

Il s’agit d’une baisse consécutive à un accroissement de l’endettement en vue d’acheter des actions, fondé sur la croyance que tout risque de baisse a disparu dans le marché. Dans ce second cas cependant, les niveaux atteints après le krach sont en général des niveaux d’achat. Par exemple, après cette baisse, les grandes valeurs chinoises cotées à Hong-Kong (c’est-à-dire celles que les lecteurs de l’IDL peuvent acheter) sont à moins de 10 fois les bénéfices tout en offrant des rendements et des taux de croissance de leurs bénéfices très satisfaisants. Dans ce cas de figure, il faut rapidement mettre en place des ordres « stupides » (parce que très inférieurs aux cours actuels, dans l’espoir d’être exécutés lors d’une vente forcée), à l’achat bien entendu et sur les valeurs que l’on veut avoir sur le long terme et ne pas lire les journaux.

Quelques remarques supplémentaires.

  • Certes, la baisse en Chine a été sanglante, mais elle n’a eu un impact que pour ceux qui ont acheté en mai ou en juin en s’endettant pour ce faire, c’est-à-dire pas grand monde. Elle ne devrait donc avoir aucun effet sur l’économie du pays.
  • Qui plus est, cette hausse et cette baisse n’ont touché que de petites valeurs spéculatives cotées à Shenzhen, et que pas un étranger ne possède, et beaucoup moins les grosses valeurs qui, elles, peuvent être détenues par des non-Chinois.
  • Enfin, les autorités Chinoises ont immédiatement pris les mesures habituelles pour enrayer les ventes dites «forcées ».

Donc rien que de bien normal dans les événements du dernier mois en Chine.

Mais quelque chose m’a cependant surpris dans tout ce tohu-bohu. Toute la presse occidentale a fait ses gros titres et ses premières pages sur la baisse des marchés en Chine, en expliquant que c’était le début de la fin et que l’économie de l’Empire du Milieu allait s’écrouler. Et là, je ne comprends pas très bien, ou si je comprends, je n’aime pas ce que je comprends.

Les lecteurs de l’Institut des libertés savent que je peste depuis des années contre la destruction de nos monnaies par nos banques centrales aidées par nos gouvernements. Or, la Chine est le seul pays qui tente de créer une monnaie de qualité pour lutter contre ces tentatives de destruction de cette dernière. Ce pays en effet est en train de se diriger à grand pas vers un régime où les taux d’intérêts et les taux de change seront régis par le marché tout en développant des organismes internationaux pour concurrencer le FMI ou la Banque mondiale.

Clairement, la Chine veut faire du yuan un concurrent au dollar, ce qui est pour une certaine partie des classes dirigeantes américaines une vraie déclaration de guerre.

Certes, je ne suis pas un grand partisan de la théorie des complots, mais beaucoup de personnes dans le monde espèrent de tout cœur qu’échoue l’expérience chinoise. Imaginons un instant qu’elle réussisse et la plus vieille loi mise à jour en économie se mettrait en branle, je veux parler de la loi de Gresham : « la mauvaise monnaie chasse la bonne », ce qui voudrait dire que de moins en moins d’individus épargneraient en dollars et de plus en plus en yuan. Voilà qui serait un vrai mouvement des plaques sismiques, dont chacun sait qu’il déclenche de grands tremblements de terre.

Et je pense donc réellement que les forces considérables qui ont organisé chez nous les expériences monétaires dont nous souffrons actuellement espèrent de tout cœur que l’expérience chinoise de retour à une monnaie saine va échouer.

Pour parler brutalement, si l’expérience chinoise réussit, l’autre échouera. C’est aussi simple que cela.

Ce qui m’amène à la conclusion boursière (on ne se refait pas). À mon avis, l’expérience monétaire chinoise va réussir et la nôtre échouer puisque la première est fondée sur la réalité de ce qu’est vraiment une monnaie et que la deuxième nie cette réalité. Et donc, épargnants de tous les pays, unissez-vous, vous n’avez que vos chaînes à perdre et cap à l’Est.


Sur le web

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  • Ô , si seulement ça pouvait arriver.
    Mais les ricains sont trop fort, ils ont déjà une parade.

  • « Cap à l’est  » ok…. quelqu’un a le manuel ?

  • « -10% ? -20% ? -30% ?

    Réponse : +91% ! »

    Et cette réponse vous la sortez d’où exactement ? De votre chapeau ?

  • Le jour où le yuan délogera le dollars sera quand le marché intérieur de la Chine prendra le pas sur le commerce extérieur. L’économie actuelle de la Chine a besoin que celle des USA soit ce qu’elle est et changer cet équilibre prendra du temps. Puis la corruption étant ce qu’elle est, la philosophie pragmatique de la classe dirigeante et des multimilliardaires chinois, me dit qu’il faut mieux subir l’impérialisme américain que le risque d’être considéré comme des pions selon une échelle de valeur dépendant de critères bien différentes des nôtres.

  • dollar, euro, livre sterling et yen …Bref, cela viendrait (l’effet Yuan) à remettre en question la coopération « politico-économique » existante et mettre en danger la « bonne gouvernance » …..
    Aurons-nous droit à une commission « quadrilatérale » ?

  • Marre de la Grèce, 6 parlements dans 6 pays doivent voter sur l’accord Grec -si Un des pays dit NON-

    ce sera pire que « Un Jour sans fin » un film avec Bill Murray, Andie MacDowell. …le « Jour de la marmotte » qui recommence, encore et encore…

    La Chine : c’est pas de conséquence pour les étrangers, mais les petits épargnants Chinois ont pris une sacré claque dans leurs économies.

    Le Yuan monnaie convertible : c’est déjà en cours avec le Japon, la Russie et L’Inde.
    Et le montage d’un FMI – et Banque Mondiale : Yuan est en cours et les Chinois vont vite.

    Il faut une réévaluation du Yuan de 30%, mais qui le veut, tout les produits de bas de gamme Chinois deviendraient tellement chers.

    Les Milliionaires pleuvent : mes voisins en Chine, sont vite passés de la Moto électrique à la BMW X6, achètent de tout et voyagent; On multiplie ces richesses par toute la Chine, ce sont des milliards de billiards.

    Une fois de plus le sérieux l’emporte : Ils ne supportent pas les produits Chinois : pas assez chers, alors les Marques Allemandes sont reines des voitures : BMW et Mercedes, et pratiquement tous les taxis sont de VW.
    Leur chauffe-eau et A/C sont de SIEMENS. Les produits blancs pour salle de bain de ROCA…
    Les riches sont des frimeurs qui veulent exposer leur argent : comme de nombreux Français et autres Européens.

    Le marché intérieur est très développé : c’est comme ici , supermarchés remplis, marchés, quartier de centre-ville avec les mêmes boutiques, restaurants de toutes sortes— sauf que les immeubles sont plus jolis et les quartiers si sûrs et si propres.

    Par contre les WC dans les grandes surfaces d’électronique et autre… sont « à la turc »en enfilade …sans portes.. Là il faut qu’ils progressent, car ça surprend et ça la coupe..

  • Article brillantissime de M. Gave, comme très souvent.

    J’ai juste tiqué à l’évocation de la fameuse « loi de Gresham », une tarte à la crème qui fait aujourd’hui partie du patrimoine mondial de l’humanité.

    Si l’on regarde l’histoire, la « loi de Gresham » est issue d’une simple observation effectuée à l’époque du bimétallisme en France (coexistence de pièces d’or et d’argent servant de monnaie) par un dénommé Gresham. A cette époque, dans son éternel amour du Grand Machin Unique, les fonctionnaires de l’Etat français n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de fixer (par décret !) un taux de change fixe entre l’or et l’argent. Par contre, en Angleterre, rien de tel : or et argent continuaient à fluctuer entre eux au gré de l’approvisionnement de ces métaux. Résultat 100% prévisible : il suffisait que l’on découvre de nouvelles mines d’or en Californie ou en Australie pour que l’or (qui fait alors office de « mauvaise monnaie », vu son afflux subit sur le marché) dévalue par rapport à l’argent sur le marché libre de Londres. Mais si l’or dévaluait à Londres, les bureaucrates français (qui n’aiment rien moins que « lutter contre les marchés ») faisaient de la résistance, et maintenaient néanmoins une artificielle parité or-argent en France, à des niveaux de change totalement déconnectés du marché libre. Ils ont ainsi offert aux trafiquants un beau plateau d’opportunités de s’enrichir au détriment des comptes de le l’Etat : les trafiquants arrivaient par barque d’Angleterre avec de gros sacs chargés d’or (la « mauvaise monnaie »), le changeaient ensuite en France contre de l’argent-métal (la « bonne monnaie ») à la parité super-favorable offerte par l’Etat français, puis retraversaient la Manche pour ré-échanger cet argent-métal contre de l’or, sur le marché libre cette fois, et recommencer le carrousel. Puisque l’or valait moins sur le marché libre, les trafiquants pouvaient, à Londres, obtenir, en échange de leur argent, bien davantage d’or qu’ils n’en avaient amené en France au départ. Comme quoi, déjà à l’époque, il y avait moyen de s’enrichir grâce aux bien-aimés « régulateurs de l’économie ». Gresham, qui observait le carrousel depuis la France, a alors simplement constaté, au comptoir du café du commerce, que « la mauvaise monnaie chasse la bonne, n’est-ce pas ma bonne dame » ! Ce qui n’est évidemment vrai que dans le pays à taux de change réglementé. Mais, vu d’un pub anglais, il aurait aussi bien pu dire « la bonne monnaie chasse la mauvaise, n’est-ce pas milady ? », puisqu’en Angleterre, c’est la monnaie faible qui sortait, et la monnaie forte qui rentrait. Qu’à cela ne tienne : la formule plaisait tellement aux partisans du monopole monétaire qu’elle a ensuite été enseignée à des générations de perroquets, jusqu’à nos jours !

  • En boucle sur les chaines d’infos françaises et internationales.
    Dans tous les editos des journaux.
    https://www.google.fr/?gws_rd=ssl#q=bourse+chine+chute

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