Un périple autour du monde : gentillesse incarnée en Zambie et au Malawi

Rencontres joyeuses et chalheureuses en traversant le Malawi et la Zambie !

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Un périple autour du monde : gentillesse incarnée en Zambie et au Malawi

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 juillet 2015
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Parce qu’un con qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis, deux frères sont partis sur les routes depuis de longs mois, traversent les frontières, les villes et les campagnes à l’occasion d’un tour du monde à durée indéterminée, sans casques ni golden-parachutes. Au fil de leur voyage, ils livrent leurs impressions sur des expériences qui les ont marqués.

Aujourd’hui, traversée de la Zambie et du Malawi, occasion de découvrir des peuples chaleureux et accueillants.

Par Grégory.

périple autour du monde libre de droits

Je profitais de quelques jours de repos bien mérités à Livingstone où dès que je sors, les mêmes « artistes de rue » (je leur accorde volontiers que ce sont bien des artistes dans leur genre…) veulent successivement m’arranger du change pour le prochain pays, me vendre des billets souvenirs du Zimbabwe, des bracelets porte-bonheur qu’ils ont fait eux-mêmes depuis la Chine, réparer mon vélo, porter mes courses, m’aider à retirer de l’argent, etc. Ils sont très polyvalents, marrants mais un peu trop insistants à force, même s’il n’y a aucune agressivité de leur part.

Le jour de mon départ, j’entreprends le pari audacieux de retirer de l’argent. Je fais d’abord la queue une heure à Standard Chartered pour essuyer un échec devant le distributeur. L’ATM de Barclay’s décide quant à lui de gober ma carte « on user’s requiest ». Ben voyons. On me propose de me la rendre deux jours plus tard pour des raisons de sécurité. J’ai bien quelques dollars de secours en poche mais faut pas déconner. Il me faudra cinq heures pour la récupérer et une heure de plus pour faire cinq autres distributeurs en ville et retirer 200 balles. Bon, il est désormais trop tard pour partir et j’ai entretemps rencontré deux autres cyclistes au long cours. C’est peu courant en Afrique.

Il y a d’abord Bob, dont j’évoquerai l’histoire lors d’un prochain article quand il m’aura transmis son histoire en détails, avec des passages de CIA, de gouvernement zimbabwéen, de piratage informatique et de trafic d’éléphants.

Et puis il y a Sarah, Québécoise qui descend depuis le Kenya jusqu’en Afrique du sud. Ah ! J’aurais aimé l’avoir sous la main hier, quand cette bécasse d’Américaine me faisait son numéro de féministe malheureuse à qui il est impossible de voyager en Afrique ! Bien sûr qu’il est plus difficile de voyager seule et qu’il faut prendre plus de précautions mais c’est possible quand on le veut vraiment. Il est malheureusement plus confortable d’imaginer et se convaincre qu’on ne peut pas. J’ai depuis découvert cette page qui liste les femmes voyageant seules en vélo, si cela peut inspirer certaines lectrices.

Sarah lève des fonds pour une association qui se propose de construire un « community hall » à Mathare, le plus gros bidonville de Nairobi, pour permettre à la population locale d’y développer des projets. Cet espace commun intégrera notamment des projets éducatifs (salle informatique), et médicaux (dispensaire). Je n’ai jamais bien compris le principe de lever des fonds en pédalant puisque dans mon esprit, les gens pourraient tout aussi bien donner si je ne pédale pas mais je suis sans doute un peu trop terre-à-terre sur ce concept et si certains veulent la soutenir dans son aventure, toutes les infos sont dans les liens suivants :

http://www.roadmaptomathare.org/

https://www.indiegogo.com/projects/a-green-community-centre-in-nairobi-s-oldest-slum

Je filais le lendemain vers Lusaka pour traverser la Zambie en direction de la Tanzanie. J’hésitais jusqu’au dernier moment à faire un détour de quelques centaines de kilomètres par le Malawi, sachant que j’avais rendez-vous avec un ami en Tanzanie deux semaines plus tard environ. Les gens sont d’abord adorables le long de la route avant de changer complètement de caractère à l’approche de la capitale puis surtout dans la capitale. C’est un schéma commun quand on arrive en ville, les citadins sont souvent moins souriants et plus agressifs. Je pense alors que prendre la route de l’est, moins empruntée, me conduira à découvrir des personnes plus agréables et je bifurque au dernier moment en direction de Chipata. Je n’aurai pas à le regretter. J’ai pris un pied incroyable dans la campagne zambienne au contact des locaux. Tous ont une banane de 30cm sur le visage en me voyant et les gamins me courent tous après en criant « How are you ! » ou plutôt « Awayou ! » Ils n’attendent même pas de réponse particulière si ce n’est que je crie moi aussi « Awayu ! » en agitant la main ou que j’organise une tournée de bonbons improvisée, entouré de 20 gamins qui tendent les mains.

Les adultes ne participent pas à la distribution mais sont tout aussi heureux de crier « Awayou ! » à tour de bras. Parfois, je ne salue pas un groupe d’adultes occupés à discuter entre eux ou en train de travailler (ce qui est plus rare). Erreur ! On m’interpelle immédiatement pour que je lève la main ! Bref, j’ai parfois l’impression d’être Chirac au salon de l’agriculture.

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Les Zambiens sont assez fainéants donc. Le constat semble un peu rude mais j’ai laissé la conclusion à un local. Je remarquais bien une activité réduite au maximum le long de la route. On ne distingue pas un jeudi d’un dimanche, la majorité est assise. Les hommes en cercle sous un arbre à discuter et les femmes au bord de la route généralement derrière des fagots de charbon à vendre. Quand quelques uns travaillent ou transportent des sacs sur leur vélo, on a presque envie de leur dire comment ils devraient s’y prendre. Rien n’est pensé pour gagner du temps. Je faisais donc part de mes observations à un fermier chez qui je campais un soir. Sa réponse est implacable : les gens sont fainéants ! Ils font ce qu’il faut pour avoir assez de nourriture au quotidien et arrêtent. Ils ne pensent pas au lendemain.

C’est aussi comme ça que je les aime. S’ils étaient aussi excités que des occidentaux, je prendrais certainement moins de plaisir à voyager dans leur pays, et puis c’est finalement le rythme qu’ils ont choisi et qui leur convient. Je me demande même parfois si le concept de progrès est bien fait pour eux. Ils semblent se contenter de leur mode de vie traditionnelle et de leur habitat bancal. Certains me demandent toutefois ce qu’il faut faire pour aller en Europe ou vivre à l’Européenne, s’imaginant que l’argent tombe du ciel et que mes sacoches sont remplies de billets. Je suis tenté parfois de leur dire qu’il faudra commencer à travailler comme en Europe…

Si les Zambiens sont assez magiques dans leur ensemble, les paysages de la route de l’est ne le sont en revanche pas vraiment, je m’attendais à mieux. C’est loin d’être vilain, mais l’Afrique offre généralement beaucoup mieux que ça.

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J’arrive à Chipata dans un triste état et les vigiles du magasin de fringues décident même de me suivre dans les rayons tellement ma chemise sale et déchirée fait peine à voir. J’imagine que mon odeur doit aussi attirer leur attention. J’achète un pneu de secours dans le petit marché bordélique car l’un des miens a bientôt 20 000km au compteur et s’affine un peu plus chaque jour.

Pour éviter Lilongwe, la capitale du Malawi, et gagner un peu temps sur mon parcours jusqu’en Tanzanie, je décide d’emprunter la frontière de Lundazi plus au Nord. Je n’avais alors pas prévu que je devrais emprunter 80 kilomètres de pistes sans signalisation jusqu’à la ville de Mzimba au Malawi. Je passe la frontière du Malawi à 8h00 après avoir dormi avec les douaniers Zambiens et on me demande pour la première fois les papiers du vélo. Ben voyons, je lui propose de lui griffonner un papier en rigolant.

Perdues dans les pistes, deux ou trois routes s’offrent parfois à moi, et je dois attendre 10 minutes que quelqu’un veuille bien passer par là et m’indiquer la direction. Lorsque je demande, le retour du tarmac est toujours très proche et souvent à 6km (c’est un chiffre porte-bonheur visiblement). J’essaye d’en rire au maximum quand je dois pousser mon vélo dans un banc de sable 15 km plus loin. Le Malawi ne me paraît pas fondamentalement différent de la Zambie en ce qui concerne la population, on y parle toujours anglais, on y est toujours très souriant, serviable, les repas sont toujours composés de milmil/sima avec un peu de viande et des herbes, (comme au Botswana d’ailleurs) et leur prix ne dépasse pas les 2$. On discute toujours sous les arbres.

Le panorama est par contre beaucoup plus joli, vert et vallonné. La route de Mzimba à Mzuzu monte à près de 2000m d’altitude pour offrir alentours des vues superbes avant de redescendre vers la ville où les enfants m’appellent Chuck Norris en raison de ma barbe rousse. Et de ma couleur de peau évidemment. Je me connecte pour la première fois sur internet depuis 2 semaines dans un cyber café. L’ordinateur peine comme jamais pour ouvrir une page Google, je me crois revenu un instant sur mon Pentium 166. Je lis les deux premiers messages : le premier m’indique que la situation de ma petite entreprise australienne est au plus mal et le deuxième est un message de mes parents m’informant qu’ils ont appelé l’ambassadeur du Malawi car sans nouvelles de moi depuis 5 jours, le GPS n’avait pas fonctionné… Cinq jours au Malawi, dans un pays comme la Zambie, où mon seul risque est à peu près de crever un pneu, j’en rigole et me dis qu’il y a des jours comme ça où j’aurais mieux fait de poursuivre ma période anachorète.

La route après Mzuzu est encore plus belle. Je grimpe un bon coup après avoir traversé une longue vallée verdoyante et me retrouve à surplomber le lac Malawi pendant de longs kilomètres de descente au milieu des babouins me montrant leur postérieur lisse avec énergie. Le lac me rappelle les plages du nord de l’Écosse avec ses eaux turquoises et des abords alternant sable blanc et végétation émeraude qui le longent. Une fois en bas dans le village de Chiweta, je m’offre un repas dans un restaurant typiquement africain, moitié catholique, moitié footballeur : les images du Christ et de la Cène voisinent avec celles de Manchester United, Ronaldo et Messi et font face à Puff daddy et 50 Cents.

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C’est assez courant et toujours assez délicieux de voir ce genre d’association dans les pays en voie de développement. Je m’offre ensuite une toilette tout habillé « à la Jacquouille » dans le lac, au milieu des petites embarcations de pêcheurs taillées à même les troncs d’arbres épais qu’offrent ces pays. Je n’aurais croisé que deux blancs durant mes quelques jours au Malawi. Les coins que j’ai traversés semblent très peu touristiques et méritent définitivement d’aller y faire un tour si vous envisagez de partir prochainement.

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Pour ma dernière nuit au Malawi, une anecdote amusante m’est arrivée, rappelant un épisode perturbant d’Amérique Centrale que j’avais relaté. J’approchais alors de la ville de Karonga après une journée de pédalage de 170km (vent dans le dos, ça aide). La pluie commençant à tomber, je pensais trouver refuge à la station de radio de la ville, toute grillagée et dotée d’une superbe pelouse où je rêvais déjà d’y installer ma tente ; mais ce n’est pas autorisé.

Bon… j’aperçois une église Baptiste et vais demander l’hospitalité sur sa pelouse. Si je ne crois pas en Dieu, j’ai bien conscience que les églises restent un lieu paisible où on ne craint rien et qui forcent le respect rien que pour ce point. Afin d’éviter la situation du Salvador où nous avons été importunés une heure durant pour avoir osé avouer notre athéisme, je prétends être catholique quand la question m’est posée, ma famille ayant un background catholique que j’assume sans souci. La religion ne m’est pas utile mais l’a été pendant des centaines d’années pour ériger un semblant de socle commun de lois de bon sens entre les hommes.

Je le regretterai cependant pour deux raisons. La première étant qu’ils ne m’auraient sans doute pas cassé les pieds contrairement à la dernière fois ; et la deuxième étant que, juste avant de partir et de les remercier, j’ai été invité à une prière commune. Pourquoi pas ? Je m’attendais à quelque chose de classique, et je pénètre donc serein dans l’église ; débute alors un chant de style gospel, durant lequel chacun tape dans ses mains. Je trouve cela sympa et y participe, même si je ne pige pas un mot du dialecte. Puis, après l’avoir annoncé, ils se mettent à prier yeux et poings fermés en criant que Dieu allait me protéger, en anglais cette fois ; très gentille attention, dont la forme m’a quand même amené au bord du fou rire. Ils poursuivent ensuite avec Chi Banana, l’un des pasteurs, (« grosse banane », en hommage à son père propriétaire d’une bananeraie, ça ne s’invente pas), qui récite une prière, toujours à mon intention, dans un style plus calme et traditionnel. Et pour finir en beauté, on me demande de prier pour eux à mon tour, à voix haute. Gloup ! Je ne m’attendais pas à cela, et jusqu’ici mes yeux mi-clos pendant les prières pouvaient faire illusion. J’ai donc improvisé un mix de remerciements que je comptais de toute façon leur faire et du « God bless you all » pour m’en sortir, et c’est passé. Pfiuuu, j’en ai rigolé pendant une heure sur mon vélo. C’était quand même plus sympa que le Salvador et cette fois, je n’y suis pas pour rien. La prochaine fois je serai plus honnête, tant pis si je dois essuyer la foudre.

Et n’oubliez pas le conseil hygiène avant de sortir du Malawi :

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  • Vous ne croyez pas en Dieu et en la création, libre à vous.C’est comme si vous disiez que votre vélo n’a pas eu de constructeur,qu’il n’est que le résultat d’un assemblage d’atomes et du hasard.Pauvre occident!

  • Merci pour ce superbe article, je songe à me rendre au Malawi d’ici quelques mois. Et le portrait que tu en fais et très plaisant et m’a fait beaucoup rire !

    • J’ai adoré le Malawi et le conseille vraiment. Mais j’ai entendu des échos plus négatifs de personnes qui ont voyagé dans le sud du pays et notamment la capitale. Je pense qu’il faut éviter les zones trop touristiques et s’enfoncer dans les campagnes.

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