Par Vladimir Vodarevski.

Saluons la presse qui fait son travail, en l’occurrence Le Figaro.fr signalant la commémoration des 800 ans de la Magna Carta, dans un article assez bien écrit.
La Magna Carta est peut-être un des premiers actes de libéralisme. En effet, son objet est de limiter le pouvoir arbitraire du roi. Elle préfigure les réflexions de John Locke ou de Benjamin Constant sur la limitation du pouvoir de l’État.
Bien sûr, la comparaison avec les temps modernes est limitée. La Magna Carta protège les nobles de l’arbitraire du roi, le peuple étant largement constitué de serfs. Elle protège aussi la liberté de circulation des marchands.
Cet anniversaire est l’occasion de rappeler ce que les Lumières Françaises doivent à la Perfide Albion. Voltaire et d’autres étaient inspirés par le développement des droits au Royaume-Uni. La première Révolution a été la Glorieuse Révolution de 1688. L’Habeas Corpus est aussi une invention britannique.
C’est aussi l’occasion de souligner le lien entre liberté et prospérité. Est-ce un hasard si c’est le pays qui a le premier protégé les droits de ses sujets (il n’y avait pas de concitoyens à l’époque), qui a connu le premier la révolution industrielle, et une expansion et une puissance fantastique ? Et surtout un niveau de vie pour sa population bien supérieur à celui du continent ? Je me souviens d’un texte du voyage d’un Anglais en France, fin 18ème ou début 19ème. L’Anglais était stupéfait par la misère des campagnes françaises. Les pays socialistes ont essayé de copier les techniques pour connaître la prospérité, mais ils se sont effondrés économiquement et socialement, car ce n’est pas la technique qui fait la prospérité.
Cependant, au-delà de la prospérité économique, la Magna Carta est le début de l’affirmation de la liberté de l’être humain, du rejet de l’oppression et de l’aliénation. Le début de l’humanisme, qui s’étendra peu à peu à tous.
Joyeux anniversaire !
—
“L’Anglais était stupéfait par la misère des campagnes françaises” c’est qu’il ne connaissait pas ses classiques et ce à une époque d’une prédominance culturelle française qui fut réelle bien qu’inimaginable aujourd’hui. Ainsi p. ex. le roi Frédéric II de Prusse (de qui Napoléon, devant sa tombe à la crypte de la Garnisonskirche Potsdam, disait ‘lui vivant, je ne serais pas ici’) écrivait un très mauvais allemand lardé de mots français, en petits caractères et avec tous les accents bien sûr; son admiration pour Voltaire est connue, tandis que la “Spintisiererei” des poètes allemands le faisait sourire
Or donc
“L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes ; ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racine : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé”, La Bruyère, “Caractères, ‘De l’homme'” XI, 128
Par contre les quelques clauses antisémites, et celle qui interdit de mettre des pièges à poissons dans la Tamise ternissent un peu la grandeur libérale de la Magna Carta, traité mort-né…
Le Roi n’a jamais été aussi puissant.
Un roi angevin qui a du céder à des barons normands.