« Des geôles » de Jean-Yves Dubath

Le dernier livre de Jean-Yves Dubath met en scène le petit monde qui constitue l’univers carcéral sous un angle très personnel.

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« Des geôles » de Jean-Yves Dubath

Publié le 2 juin 2015
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Par Francis Richard.

Des geôles de Jean Yves DubathL’univers carcéral est une source intarissable d’inspiration. Le dernier livre de Jean-Yves Dubath, Des geôles, s’en inspire mais d’une manière originale. En effet il parle moins du monde de la prison proprement dit que de protagonistes qui ont partie liée avec lui et qui en subissent l’influence.

Ces protagonistes sont au nombre de trois: un prisonnier, Albert Wasser, un visiteur de prison, le docteur Raoul Aeschlimann – tous deux ont en quelque sorte, fruit de leurs rencontres, de l’affection l’un pour l’autre -, et une assistante sociale, Brigitte Rietberger.

Albert Wasser a tué. Condamné à la prison à vie, il a été surnommé l’assassin de Lucerne. Avant être incarcéré à S., dans les Grisons, où il se trouve depuis quatre ans, il en a passé dix dans un pénitencier de Zurich. Il est « décrit inapte à toute existence dans la société des hommes ». Il a pour compagne de cellule une perruche calopsitte, Mlle Juliette.

 Raoul Aeschlimann est visiteur d’Albert, qui lui a été recommandé par l’Armée du Salut grisonne. Il essaye d’être responsable devant Albert d’« images dont il pourrait abondamment se nourrir ». Il est marié avec Katia qu’il a aimée tout au plus pendant vingt-deux mois… et avec laquelle il ne peut plus rien partager.

 Brigitte Rietberger fait des remplacements à la prison de S. Lors d’une de ses visites à Albert, elle fait la connaissance du docteur Aeschlimann et s’attache immédiatement à lui, au point de se demander, tout en restant dubitative, s’il ne serait pas souhaitable de le prendre dans ses bras et de se donner à lui.

 Mlle Juliette occupe une place importante dans ce récit. Cet animal de compagnie d’Albert lui a évité la chimie. Il lui a été donné « par un codétenu peu de temps après son arrivée dans les montagnes grisonnes ». Mlle Juliette a une aile coupée en son milieu. Elle ne vole plus. Mais elle sait se montrer présente et donner du réconfort.

 Des geôles raconte les fantasmes d’Albert, qui fait de Brigitte, après une sortie expérimentale dans la forêt aux pives avec elle, un personnage fictif; puis ceux de Brigitte, qui cherche comment plaire à Raoul; enfin ceux de Raoul, qui, une nuit, évoque les hanches larges de l’assistante sociale du pénitencier de S…

 Ces fantasmes, des uns et de l’autre, ne sont pas sans conséquences. L’une est qu’Albert est muté par Brigitte dans un établissement neuropsychiatrique à Rheinau. Les autres sont que, lors la fête de printemps du 10 mai 1997 à S., le sort met aux prises Brigitte et Raoul de manière inattendue et que leur vie à tous deux, si je puis dire, en est bouleversée.

 Le style de Jean-Yves Dubath est recherché et n’est pas d’un abord immédiat. Aussi faut-il s’habituer à son rythme, à ses constructions, aux images qui le caractérisent, à la longueur parfois de ses phrases. Mais, une fois cette habitude prise, il se révèle tout à fait approprié pour rendre compte des méandres oniriques, voire poétiques, des protagonistes, de leurs fantaisies, au sens étymologique, qui, ensemble, composent un récit bien sombre.

 Ainsi, par exemple, Albert, après une rêverie nocturne, la prolonge-t-il en refusant de se livrer à toute activité, de quelque sorte que ce soit, à la prison de S., ce qui lui vaudra sa mutation à Rheinau :

« Wasser, au sens propre, n’avait ni déraillé, ni dévissé, ni perdu l’esprit. Simplement, il persistait, il forgeait, et tout comme le talerschwinger persiste, et forge. Simplement, tant qu’il le pouvait, pour son plaisir, son ascèse, et les élancements qui allaient avec, et toujours en égoïste, mais grand prince, désormais, Wasser se repassait en mémoire les situations logiques dont il disposait, et il insistait, et d’une manière ou d’une autre il acceptait à bras ouverts cette ambiance parfois douce, parfois excessivement violente, et formulée l’œil ouvert, en ne dormant pas tout à fait – elle devait lui servir, épisodiquement, puis continuellement, afin d’arroser, afin de renouveler de manière surprenante, chaude, permanente, le style autant que les termes du pieux devoir que nous impose la nature – le vingt-deux heures quinze, que nombre de détenus traduisent par un lapidaire « Moi, je fais ma lessive tout seul… ». »

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