« Le songe d’Empédocle » de Christopher Gérard

Dans Le songe d’Empédocle, Christopher Gérard fait revivre le paganisme naturel et originel européen à la faveur d’un voyage initiatique et romanesque entrepris par un jeune homme de sa génération.

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« Le songe d’Empédocle » de Christopher Gérard

Publié le 11 mars 2015
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Par Francis Richard.

recension Francis richard mars 2015Les racines spirituelles de l’Europe sont gréco-romaines et judéo-chrétiennes. Même s’ils peuvent sembler aujourd’hui bien diminués, l’un comme l’autre, sous les coups d’un athéisme militant, les deux grands courants spirituels fondateurs, que sont le polythéisme antique et le monothéisme chrétien, continuent d’exister et de s’affronter, sous des formes toutefois bien différentes de celles d’origine.

Dans son livre, Les pierres d’angle, Chantal Delsol observe qu' »au naturel, l’homme est païen, c’est-à-dire polythéiste », que « les dieux du polythéisme sont inventés par les sociétés humaines », alors que « le Dieu du monothéisme se révèle », que « l’athéisme est né contre le christianisme » et qu' »il n’existe pas sans lui ».

L’homme, au naturel, est païen. Le mot important ici est naturel. Le paganisme, naturellement, conduit au temps circulaire, à la prédestination, à la transmigration, tandis que le christianisme, culturellement, induit le temps fléché et défend la croyance que l’individu humain est une personne capable de prendre son destin en main, qu’elle est largement autonome sans être totalement indépendante.

Dans Le songe d’Empédocle, Christopher Gérard fait revivre le paganisme naturel et originel européen à la faveur d’un voyage initiatique et romanesque entrepris par un jeune homme de sa génération. C’est prétexte pour l’auteur à revisiter une vision spiritualiste païenne bien différente de celle du paganisme matérialiste d’aujourd’hui.

L’auteur raconte ainsi, dans ce livre, que, depuis Empédocle, philosophe grec du Ve siècle avant Jésus-Christ, ce paganisme s’est transmis et a survécu, de génération en génération. À partir du XVe siècle, cette transmission et cette survie se sont opérées grâce à l’action d’une société secrète, la Phratrie, fondée par Pléthon.

Le héros du livre, Padraig, est le rejeton singulier d’Hélène, « une svelte Brabançonne », c’est-à-dire une svelte Belge, et de Cathall, « un journaliste venu d’Hibernie », c’est-à-dire venu d’Irlande. Livré tôt à lui-même – son père meurt après avoir sombré dans l’alcool, sa mère s’exile en Espagne -, Padraig hérite de l’hôtel particulier de son grand-père, qui abrite une bibliothèque de vingt mille volumes :

« À condition de vivre chichement, le jeune homme pouvait se permettre un luxe inouï, son rêve le plus cher : disposer de son temps, échapper au travail obligatoire, ne dépendre d’aucun maître. »

Le fait est que Padraig dispose bien de son temps. Il lit, étudie, réfléchit. Un mémoire sur l’empereur Julien, le dernier souverain païen, lui fait prendre conscience qu’il est en fait « un suivant des anciens Dieux » et que sa conversion au polythéisme n’est que l’aboutissement d’un long processus, « sans doute commencé dans l’enfance ».

Padraig entend parler pour la première fois de la Phratrie des Hellènes lors de propos échangés entre son grand-père Léopold Bidez et l’un de ses amis, Pierre Mazée, un dominicain défroqué, dont le pseudonyme, Psellos, lui sera connu par la suite.

Des années plus tard, cette conversation lui revient quand il découvre dans la bibliothèque de son aïeul une liasse, annotée par ce dernier, contenant un document manuscrit intitulé Groupe de Delphes « et comportant des noms manifestement des pseudonymes: Bessarion, Juvénal, Zalmoxis et bien d’autres, tout aussi étranges » :

« Un certain Arminius y apparaissait comme le représentant d’un Collège thiois, secondé de deux autres frères : Psellos et Maugis. »

La rencontre de Padraig avec Arminius, qui habite à deux pas de chez lui va déterminer son  destin. Arminius est certes un Incivique – il a choisi le mauvais camp lors de la deuxième Grande Déflagration et a ainsi commis l’Error le mettant au ban de la Phratrie -, mais c’est à la fois un peintre et un érudit, avec lequel ce jeune esprit indépendant va apprendre beaucoup.

Arminius va ainsi faire connaître à Padraig la longue chaîne des Païens qui, d’Empédocle, en passant par Platon, Épicure, Lucrèce, Virgile, Plutarque, Porphyre, Julien, Simplicius, Pléthon, aboutit au Groupe de Delphes. Il va aussi parler de lui à des membres actuels du groupe, qui perpétuent l’idéal de la Phratrie des Hellènes au Collège de Bretagne, à Brocéliande, où se trouve le maître Mabinog.

Pourra alors commencer l’initiation de Padraig aux mystères, au cours de laquelle il prendra le pseudonyme d’Oribase. Après Brocéliande, il en gravira en effet les degrés en se rendant les années suivantes à Delphes, où vit le maître Bessarion ; à Rome, dans les environs de laquelle vit le maître Cautopatès, près de l’antique Préneste ; à Kashi, en Hindoustan, où vit le Pandit Surya.

À la fin de chacune de ces étapes initiatrices, Oribase subira les assauts d’un des tableaux du polyptique peint par Arminius et intitulé Le songe d’Empédocle : « Chacune des quatre toiles est carrée, et mesure un peu plus d’un mètre soixante de côté, et frappée du même E. » L’Epsilon delphique… Et cela aura pour vertu de parfaire les épreuves qu’il aura préalablement endurées…

Car, devant chacun de ces tableaux, Oribase assistera aux combats incessants entre l’Amour et la Haine, sera aux prises avec « la divine alternance : illusion et réalité, être et non-être, conjonction et dissociation« , subira le flux et le reflux : « l’unité des contraires, depuis toujours et à jamais, ainsi que nous l’enseignent tous les maîtres de vérité« .

Pour un Galiléen, « l’âme, auparavant inexistante, est créée par Dieu chaque fois que se forme un nouveau corps ». Cette création à partir de rien est insensée aux yeux d’un Païen, pour qui l’âme est « éternelle dans l’avenir comme dans le passé »

Cette différence de conception de l’âme, et toutes les différences qui en découlent, empêchent-t-elles un Galiléen de s’intéresser à ce que pense un Païen ? Que non pas, pour peu que rien de ce qui est humain ne lui soit étranger et qu’il ait, de plus, fait ses humanités…

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  • Le retour en force du paganisme décomplexé s’exprime dans l’écologie romantique qui prétend sauver Gaïa, jusqu’à lui attribuer des droits. La nature déifiée a forcément des droits, et même tous les droits puisque c’est la nouvelle déesse des illuminés. Le revers de la médaille est la réification de l’humain afin qu’il puisse être sacrifié sans regret au projet criminel, d’abord sa liberté, puis bientôt sa vie, dans un ahurissant revival de barbarie antique. Bien sûr, tout ceci est parfaitement compatible avec l’autre illumination barbare et périmée de l’époque moderne, à savoir l’idéologie socialiste.

    Pour assister à quelques sacrifices, rendez-vous à Paris, en décembre 2015.

    • L’écologisme politique n’a rien à voir avec le « paganisme », et le paganisme occidental auquel on fait référence est tout aussi mort que les cultes polythéistes grecs ou romains, que de nos jours on appelle d’ailleurs « mythologies ».
      Les mots ont un sens, et qualifier le pseudo-écologisme de paganisme, c’est lui faire beaucoup trop d’honneur.

      Si des écologistes en toc devaient vivre quelque temps avec des païens d’Amazonie ou d’Afrique, je suis certain qu’ils auraient un choc, et repartiraient dans leur occident plein d’amères désillusions sur l’innocence écologique des peuples traditionnels et toutes ces conneries.

      Sinon, c’est quoi cette histoire de sacrifices? Une nouba pseudo-sataniste dans les catacombes parisiennes?

      • Conférer des droits à la nature ou aux animaux comme s’il s’agissait de personnes est une forme modernisée de paganisme. L’écologisme a tous les attributs d’une religion, avec ses faux dieux, ses dogmes, ses grands prêtres, son explication du monde délirante, ses préceptes et interdits pseudo-moraux obsédant ses adeptes. Il s’agit bien de la résurgence d’une religiosité dévoyée dont les faux dieux sont des objets. L’accusation systématique de l’homme et la déification de la nature sont la négation absolue de l’héritage humaniste d’abord chrétien, ensuite des Lumières. Une grande nouba néopaganiste internationale est bien prévue en décembre prochain à Paris.

        • Comparer le pseudo-écologisme contemporain à une religion moderne, pourquoi pas. Mais pour le reste, définitivement pas d’accord.
          Le « païen », l’indigène pygmée ou shipibo dans sa forêt n’idéalise pas la nature, il la respecte à sa façon qui n’a rien à voir avec celle des écolos qui n’y comprennent rien. Il n’en fait pas un paradis immaculé que l’homme corrompt et exploite en affreux kâpitalist. C’est n’importe quoi de comparer leur représentation du monde et de la nature avec les concepts écolo aberrants que vous critiquez à juste titre. Même au Japon ou se pratiquent encore des gestes shinto de sacralisation d’éléments de la nature comme un arbre, un site naturel ou un rocher exceptionnel, on ne prend pas pour autant l’arbre pour « dieu » ni une « divinité », affirmer cela est une totale incompréhension de leur manière de concevoir la nature et l’au-delà. D’autant que les japonais ne se privent pas par ailleurs de massacrer des espèces de baleines et de dauphins protégés, mais c’est autre chose.
          Mettre les deux dans le même panier est une insulte à la connaissance de la nature dont font preuve les peuples traditionnels, nature qu’ils ne « déifient » pas, le concept occidental de religion, de Dieu et de paganisme leur étant la plupart du temps étranger. Et quand leurs ancêtres ont reçu la visite des évangélisateurs, ils en ont fait un syncrétisme qui n’influence nullement leur rapport habituel à la nature.

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