« Le Bonheur, comme l’eau » de Chinelo Okparanta

Un recueil de nouvelles invitant au voyage entre Amérique et Nigeria…

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« Le Bonheur, comme l’eau » de Chinelo Okparanta

Publié le 19 février 2015
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Par Francis Richard.

francis richard recensionSouvent les recueils de nouvelles portent le titre de l’une d’entre elles, mais pas toujours. Celui-ci, signé de la Nigériane Chinelo Okparanta, provient d’un passage extrait de l’une d’elles, Grace :

« Le bonheur est comme l’eau, dit-elle. Nous essayons toujours de le saisir, mais il nous file toujours entre les doigts. »

Le Bonheur, comme l’eau comporte dix nouvelles, qui illustrent ces propos. Il est en effet, dans chacune de ces nouvelles, question de bonheur insaisissable. À se demander, s’il ne vaut pas mieux d’ailleurs renoncer à le rechercher…

Un jour, un sympathique jeune homme, Eze, se présente chez Chinwe et sa maman. Il est témoin de Jéhovah. Il a une belle situation, chez Shell. Bref c’est un beau parti pour Chinwe. Encore faut-il qu’elle devienne témoin comme lui si elle veut l’épouser. C’est la condition. Chinwe accepte. Ils se marient et ont tout pour être heureux à Port Harcourt. Voire. Les choses changent lors de la nuit des cambrioleurs…

Ezinne est mariée à Chibuzo. Elle n’arrive pas à concevoir. Elle ne voudrait pas subir le sort de la femme de Mbachu, qui l’a répudiée pour cette raison. Sa mère, Nneka, a connu ces mêmes affres, mais une guérisseuse, une dibia, est venu à bout de ce trouble, de ce wahala. La dibia chez qui tous trois se rendent supprimera-t-elle la douleur d’Ezinne qu’elle ressent violemment chaque fois que Chibuzo s’insère en elle ? Rien n’est moins sûr…

Toutes les filles de la classe sont en quête du bon ton, autrement dit elles aimeraient toutes avoir la peau claire comme Onyechi, qui prétend avoir blanchi sa peau à l’eau de Javel. Uzoamaka ne fait pas exception et veut faire de même. Eno, la petite domestique de ses parents, est d’accord pour tenter la première cette expérience déraisonnable en plongeant la tête dans le liquide concentré…

Nneoma s’est imaginée mariée à Obinna le directeur de l’école où elle est institutrice, mais c’était pure imagination et Obinna l’a remise à sa place. Elle est restée vieille fille et n’a pas eu d’enfant. Elle raconte la même histoire, à des années d’intervalle, à des femmes en espérance, dans l’église de la Rumuola Road, celle d’une femme qui s’est endormie pour toujours avec l’enfant qu’elle portait et, ce qu’elle se garde de raconter, qu’elle aurait bien aimé emporter…

Pour payer les soins coûteux de sa mère malade, Ada finit par se résoudre à être fille de compagnie, comme son amie Njideka. Dont les clients sont des Yahoo Boys – qui ont fait fortune en fraudant sur internet – ou des mugus, des hommes plus âgés – qui sont des cadres du pétrole. Elle saura utiliser à bon escient l’argent de la seule soirée où elle a franchi le pas et à laquelle elle ne pense pas sans être submergée de honte…

Elle et Gloria sont ensemble depuis deux ans. Sa maman en est toute triste : sa fille n’aura pas de mari, donc elle pas de petits-enfants. Gloria a l’opportunité d’aller en Amérique où un poste lui est offert. Un an plus tard cette dernière est en visite au Nigeria et toutes deux décident qu’elle essayera de la rejoindre là-bas. Mais il n’est pas si facile que ça de s’arracher au pays qui vous a vu naître et où vous avez vécu…

Ils ont émigré en Amérique, elle, maman et papa. Lequel les roue de coups toutes les deux. Aussi, elle et maman, quittent-elles le domicile familial et se rendent-elles à un refuge, comme il en existe là-bas, destiné à accueillir les victimes de violence domestique. Elles devraient être en sécurité maintenant. C’est une femme rencontrée à l’arrêt de bus qui leur a donné cette adresse, mais qui a oublié une chose essentielle…

Grace est étudiante, d’origine nigériane. Elle, elle donne des cours sur l’Ancien Testament dans une université américaine. Grace est venue la trouver pour lui poser des questions sur la Bible et, sachant que le fait pour un homme de coucher avec un homme est une abomination, elle lui demande à dessein : « Est-ce aussi une abomination si une femme couche avec une femme ? ». Question d’autant moins fortuite que le mariage de Grace a été arrangé par sa mère au pays…

Infeinwa et lui sont en Amérique. Ils sont tous deux amis d’enfance, venus du Nigeria, et vont se marier. Lui pense à Céleste qu’il a rencontrée à l’université quand il est arrivé et parle d’elle à Ifeinwa. Bien qu’il soit tard ce soir, Céleste doit passer lui apporter des plans. Céleste arrive. Ils trinquent tous trois à la future noce. Céleste s’en va. Mais il court après elle parce qu’il a oublié de lui rendre le tube qui contenait les plans…

Elle est venue du Nigeria en Amérique avec papa et maman. Il a un cancer et on doit lui enlever la glande thyroïde. Avant la maladie il battait sa maman et il la battait elle parce qu’elle s’interposait entre eux. Sa maman dit que sa maladie à lui l’a changé. Elle, elle est incrédule. Le passé ne plaide pas en sa faveur à lui. Elle reste convaincue, et sans doute n’a-t-elle pas tort, que sa maman fait passer les besoins de son père avant les siens…

Chinelo Okparanta, dans ce recueil, parle de Nigeria et d’Amérique, avec le regard d’une Nigériane, qui y a immigré il y a vingt-cinq ans. Les personnages y apparaissent avec une grande authenticité humaine, parce qu’au-delà des singularités culturelles des permanences universelles y sont bien présentes et donnent matière à réflexion.

Quand l’auteur dit le Nigeria, les images de ce pays surgissent avec les vêtements qu’y portent les femmes et les hommes, les tissus dont ils sont faits, les spécialités culinaires que l’on y mange, les langues que l’on y parle, les mots que l’on y emploie – un glossaire se trouve en fin d’ouvrage – et les croyances qui le caractérisent.

Quand l’auteur dit l’Amérique, le Nigeria n’a certes pas complètement disparu de la communauté nigériane qui y a immigré. Le pays d’origine a en effet laissé sur elle une empreinte persistante. Si cette empreinte est encore forte sur les parents, elle est toutefois bien moindre sur leurs enfants, qui s’en affranchissent en adoptant davantage la façon américaine de vivre.

La traduction de ce livre, écrit en anglais, est de Mathilde Fontanet. Il est bien difficile d’apprécier si une traduction est fidèle à l’original quand on n’a pas celui-ci sous les yeux, mais il est, du moins, possible de dire que la présente traduction sonne juste et possède toutes les qualités propres à un texte agréable à lire et bien écrit en français.

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