Un milieu associatif opaque : entretien avec P-P. Kaltenbach

Le secteur associatif français a un fonctionnement opaque et rarement dénoncé publiquement.

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Un milieu associatif opaque : entretien avec P-P. Kaltenbach

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 novembre 2014
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Entretien avec Pierre-Patrick Kaltenbach, ancien magistrat à la Cour des comptes, spécialiste du milieu associatif, président des Associations Familiales Protestantes. Pierre-Patrick Kaltenbach avait accordé aux Contribuables associés cet entretien en février 2013, dans le cadre des Dossiers du Contribuable « Associations : le scandale des subventions » (numéro épuisé). Pierre-Patrick Kaltenbach est décédé en mars 2014.

Propos recueillis par Didier Laurens.
Une enquête des Contribuables associés.

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Pierre-Patrick Kaltenbach, quelles sont les caractéristiques du système associatif français ?

Dans son ensemble, le système public français se caractérise par le refus de définir, de dénombrer, de rendre compte. Le système associatif affiche la même opacité. Récemment, les rapports des députés Morange (2008) et Perruchot (2011) ont tenté d’apporter un éclairage sur les ressources du monde associatif 1 comme sur le financement des syndicats 2. Tous les deux ont été enterrés à l’unanimité.

À quoi et à qui servent les associations françaises ?

associations rené le honzecLes associations « dépendantes » peuvent être liées aux urnes, aux guichets sociaux, aux corporations… Les associations subventionnées servent de courroie de transmission aux pouvoirs publics. Elles constituent l’outil de l’ensemble « corporatif et étatiste » alimenté par l’argent public. On retrouve là l’exception française avec ses partis politiques sans adhérents, ses syndicats sans syndiqués, ses églises officielles sans fidèles, ses journaux sans lecteurs et ses associations sans bénévoles.

À partir de quand les associations françaises ont-elles commencé à se multiplier ?

L’explosion a commencé en 1975. Elle est concomitante du premier choc pétrolier. Entre 1975 et 2000, on est passé de 10 à 15000 associations déclarées annuellement à 60, 70000. Entre 1980 et 1990, il y a d’abord eu la vague culture, santé, jeunesse, loisirs puis une autre vague, écolo, bio, sans oublier le patrimoine, l’antiracisme…

Ces associations ont-elles un point commun ?

Oui, le refus de la transparence et de la séparation des pouvoirs. L’article 16 de la Constitution de 1791 3 est nié. Le mouvement associatif aidé (800000 salariés, 40000 employeurs) s’est constitué en MEDEF de l’aide publique opaque. Face à ce « prolétariat » on dénombre seize millions de bénévoles et six millions de donateurs écartelés entre « grande surface » et « gagne-petit » de l’associatif, qui n’ont rien de commun avec les salariés de ce milieu. En tant que tel, le peuple associatif n’existe pas.

Politiquement, qui pilote le système associatif subventionné ?

Les classes moyennes protégées. J’entends par là, la fonction publique, ses obligés et tous ceux qui vivent de l’argent public : 25% à 27% de la population active et de l’électorat. Les salariés de l’associatif forment une classe moyenne protégée mais mal payée, féminisée à 70%, précaire, intermittente, exploitée. Elle a pour mission de relayer l’action de l’État et des corporations à travers toute la France. Ces salariés sont en quelque sorte les harkis des fonctions publiques.

Comment le monde associatif se perçoit-il ?

Avec l’aide des médias, les « associations » se pensent comme un univers moralement autonettoyant, justifiées par leur statut et l’objectif affiché : « Le Bien ». Les « associatifs » se définissent comme les porteurs du Vrai, du Juste, du Beau, et tous ceux qui refusent cette prétention incarnent pour leurs contempteurs ce Mal qu’est le marché.

Quel est le coût des associations subventionnées pour la société française ?

Il faut distinguer entre deux coûts : d’abord le budget nécessaire pour faire tourner l’outil. Puis, la dépense nationale associative, c’est-à-dire l’argent public et privé qui transite sous le pavillon « loi 1901 » (retraites complémentaires, formation professionnelle, 1 % logement…). Cette dépense nationale représente 10 à 12 % du PIB français 4.

Comment l’État vérifie-t-il que l’argent public versé aux associations est bien employé ?

Tout le problème est là : l’État s’y refuse. Sinon, la politique associative française sortirait de son triple déficit, de connaissance, de cohérence et de gouvernance, comme c’est le cas en Angleterre grâce au « Charity Act ». Mais la « Charity Commission » mobilise autant de moyens financiers et humains que la Cour des comptes… La transparence démocratique a un coût. La « Charity Commission » emploie 500 personnes qui examinent annuellement le détail des comptes. En cas d’anomalie, les coupables sont radiés de l’emploi associatif, à vie. Elle a une éthique : le patron du système anglais est toujours un homme de l’opposition, tout comme l’était Didier Migaud, l’actuel président de la Cour des comptes, nommé par Nicolas Sarkozy.

Vous avez proposé un système de certification des associations. De quoi s’agit-il ?

Il s’agit de demander à un organisme indépendant de certifier les comptes des associations qui en font la demande, afin de fournir une véritable garantie de transparence financière et organisationnelle. Lorsque j’étais à la Cour des comptes, l’Arc, l’Armée du salut et le Téléthon ont, par exemple, demandé cette certification fournie par le bureau Veritas. Puis nous avons dû utiliser l’Afnor 5 et, désormais, la société Ideas.

Que peuvent faire les politiques pour le secteur associatif ?

En cette fin 2012, les pouvoirs prétendent retrouver notre confiance. Qu’ils commencent par la plus civile et la plus tocquevillienne de nos libertés : l’association. Et qu’ils nous proposent un parti dont les structures, procédures et disciplines aient un parfum de séparation des pouvoirs.

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Sur ce thème, nous vous recommandons la lecture du nouveau numéro des Enquêtes du contribuable « Associations : comment elles vivent de l’argent public » (parution le 1er décembre 2014, commmande dès à présent en ligne).

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Sur le web.

À lire aussi : Il faudrait créer un label « Association sans financement public »

  1. Rapport de Pierre Morange, député des Yvelines, sur la gouvernance et le financement des structures associatives, 1er octobre 2008.
  2. Voir le précédent numéro, Dossiers du Contribuable n°10 « Enquête sur la CGT ».
  3. « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »
  4. Soit près de 200 milliards €. Viviane Tchernonog évalue le chiffre d’affaires du secteur associatif à 70 milliards d’euros, dont la moitié provient des subventions.
  5. Association de Loi 1901 reconnue d’utilité publique, l’Association française de normalisation est placée sous la tutelle du ministère chargé de l’Industrie. L’Afnor est une association faux nez de l’administration. Elle a perçu, en 2011, 15,4 millions d’euros de subventions provenant de huit ministères différents.
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  • Les associations dans les secteurs économiques de services (sport, aide à la personne, éducation, loisirs…) ne sont que des montages juridiques pour installer une main mise politique sur ces secteurs :

    – Subventions
    – Locaux gratuits ou à prix réduit
    – TVA à 0%
    – Accès aux structures municipales

    Montages qui rentrent en concurrence directe et déloyale avec les initiatives privées et bloquent complétement toute initiative entrepreneuriale. Essayez de créer une salle de sport dans une petite ville de province … c’est quasiment impossible : vous avez face à vous des associations qui font exactement la même chose, pour des prix absolument imbattables.

    Non seulement ce système associatif est opaque, et clientéliste, mais en plus il paralyse des pans entiers de l’économie et fige des milliers d’emplois dans des situations précaires et mal payées.

    Que l’on me cite une seule bonne raison qui puise légitimiser le statut spécial dont bénéficient les associations fournissant des services.

    • Bonjour Stéphane Boulots
      Tout à fait d’accord, soit une association est une petite structure (qq personne local) et cette structure peut être informelle, soit elle bascule dans le droit fiscal commun.

    • Je pense que vous vous trompez de cible. Imaginez une association de services disposant :
      – de subventions privées ;
      – de locaux prêtés par un organisme privé ;
      – d’une TVA couverte par les subventions ;
      – d’accès à des structures privées,
      votre conclusion serait la même : concurrence directe et déloyale.

      Le fond du problème n’est pas le status des associations mais l’intervention de l’état dans les associations.

      • Absolument pas d’accord, il faut arrêter de rendre l’état responsable de tout : le problème que j’évoque est la formation d’entités commerciales à but complétement lucratif où d’entités lobbyiste à but politique partisan ou commercial (où les deux, c’est le cas pour les clubs de foot) en détournant le statut légal des associations. Et je ne parle pas des montages mixtes associations/privé.

        L’état est responsable dans le sens où il laisse faire et que dans la majorité des cas, les bénéficiaires de ce détournement sont des élus, des communes, des lobbys, voire des particuliers et dans quelques cas rare l’état.

        Si les entreprises pouvaient ‘déporter’ certaines de leurs activités dans des structures associatives, comme vous le dite, ca fait longtemps qu’elle l’auraient fait (et cela aurait d’une certaine façon réglé le problème)

        Alors, oui l’état est responsable, mais plus parce qu’il laisse faire, sous la pression des associations et des gens qui en profitent, mais pas vraiment parce qu’il intervient : le budget alloué aux sports est ridicule dans le budget de l’état, par rapport au chiffre d’affaire de la profession, chiffre d’affaire qui serait encore plus grand si les associations n’avaient pas ce statut privilégié.

        Les associations sont comme des ilots kolkhoziens perdus au milieu du droit commercial.

      • Stéphane Boulots et Xenox je ne comprend pas ce qui vous oppose.
        Il est bien évident que si l’État, ou Bill Gates, ou Google, ou un réseau de bénévoles autofinancé volontairement par eux-même ou des souscription publiques, fournit un service gratuit, il n’y a plus de place pour le même service payant.
        Et il est bien évident que la différence essentielle c’est que dans le premier cas c’est de la fausse gratuité car c’est le public qui paye quand même d’une façon où d’une autre, alors que dans le second c’est de la vraie gratuité.
        Bref : si le politicien puise dans la caisse publique pour fournir un service qui pourrait être commercial, on a un problème. En revanche si il puise dans sa propre poche, pourquoi s’en offusquer ? Faire un cadeau, même en nature, ça reste permis, non ?

        • Le point est que le statut d’association ouvre le droit à tout un paquet de privilèges que n’ont pas les structures privées : TVA à 0%, accès aux structures municipales (stades, salles des fêtes…), publicité via les structures municipales etc, etc…

          L’état n’a pas besoin d’intervenir dans les associations, ce sont les loi qui régissent les associations qui leur donne des droits qui tuent complétement le marché.

          En gros, le politicien n’a pas besoin de puiser dans la caisse publique pour fournir un service qui pourrait être commercial : la loi autorise tout à fait des services qui pourrait être commerciaux à exister sous forme associative. Un grand nombre d’associations sportives ne sont pas (ou très peu) subventionnées.

  • Il suffit de fermer… le robinet à pognon gratuit.

    Inutile de perdre son temps à enquêter, légiférer, poser des garde-fous.

    Il suffit de les asphyxier.

    Et vous verrez, les problèmes, et ces « associations », disparaîtront comme la rosée du matin sous le soleil.

    • Parfaitement dit.

      On coupe le robinet à pognon public : tout se normalisera de lui même.

      • bonsoir un jeune, évident mais quelquefois difficile à défendre . Membre d’une association privée de propriétaires de petits voiliers de croisières ,fondée il y quelques 30 ans ,nos pères fondateurs ont fait en sorte de ne pas se déclarer « association sportive  » ,ne subvenant à son fonctionnement que par les cotisations de ses membres ,refusant toutes subventions venant de l’état ou de collectivité locale .
        Nous sommes régulièrement sollicité pour adhérer à la fédération française de voile , ce que nous refusons . Nous sommes tous bénévoles ,entretenons notre site et nos installations (faites par nous-mêmes ) ,entretenons nos bateaux à domicile ou chez des pros , à nos frais , car tous sont transportables , les plus grands ne dépassent pas 8 m .
        Etre autonome et quasiment exemplaire en fonctionnement sans l’aide publique ;ça emm….beaucoup de monde

  • Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association Version consolidée au 07 août 2009

    Art.1 L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.

    Art. 2 Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l’article 5.

    Art. 3 Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet.

    Commentaire : Contrairement à l’idée reçue une association n’a pas besoin d’être déclarée.

    Une association non déclarée est une association de fait.
    L’association n’est pas obligatoirement administrée par un bureau ou par un conseil d’administration.

    Une association peut fonctionner sur un mode horizontal, une hiérarchie n’est pas nécessaire.

    Le seul poste obligatoire au sein d’une association déclarée loi de 1901 est celui du responsable face à la loi.

    Etre déclarée loi de 1901 ne confère aucunement l’utilité publique à l’association.

    Toutes les associations sont donc loi de 1901 dans la mesure où cette loi n’impose pas de déclaration.

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