La taxe familiale et la faillite du cadre africain

La taxe familiale : héritage culturel ou fardeau économique à l’ascension des cadres africains ?

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La taxe familiale et la faillite du cadre africain

Publié le 25 avril 2014
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La taxe familiale : héritage culturel ou fardeau économique à l’ascension des cadres africains ? Telle est la question que s’est posée le professeur béninois Wantchekon et que nous mettons en lumière dans cet écrit.

Par Leomick Sinsin [*]
Un article d’Imani Ghana.

transfert-argent

En Afrique, il est coutume de parler du poids qu’occupe la grande famille dans le portefeuille des cadres. L’analyse s’élargit quand nous considérons aussi le rôle de la diaspora dont les transferts financiers servent le plus souvent à résoudre des problèmes ponctuels de famille (santé, scolarité des enfants, achat d’un équipement, funérailles) plutôt qu’à des projets d’investissement bien ficelés.

C’est pour apporter des explications dans la rigueur scientifique que le professeur Wantchekon a mené une étude socio-économique sur l’éducation et le capital humain du Dahomey.

Rappelons que le professeur Wantchekon, béninois d’origine, est un éminent professeur d’économie souvent cité comme l’une des figures de proue des économistes de notre époque. Membre de l’Académie des Sciences des États-Unis d’Amérique, il est professeur à Princeton, directeur fondateur de l’Institut de Recherche Empirique en Économie Politique et fondateur de l’African School of Economics qui vise à former des émérites mathématiciens et économistes sur le continent.

La présente étude se base sur l’histoire du Dahomey au moment de la colonisation. Comme le rappelle le professeur, à cette époque, aller à l’école relevait d’une décision aléatoire car la mission des occidentaux était de convertir les peuples africains dans leur ensemble. Quand bien même certains chefs de village étaient réticents à envoyer leurs enfants à l’école, comme nous le lisons dans « l’aventure ambiguë », le choix des parents à envoyer leurs enfants à l’école relevait totalement de l’aléa (curiosité, proximité, employés des colons, etc.). De ce fait, la comparaison des deux catégories d’enfants (les instruits et les autres) est beaucoup plus précise et justifiée. Rappelons toutefois qu’il y a une causalité forte entre le développement des régions ayant abrité en leur sein un bâtiment scolaire colonial car les écoles attirent naturellement diverses infrastructures comme l’éclairage, le dispensaire, l’administration, les marchés, etc.

Cette première génération d’instruits a donc obtenu des revenus plus élevés au fil du temps, justifiés par une insertion dans les administrations et dans la gestion des ex-pays. Ils sont ainsi devenus des modèles de réussite pour toute la famille. Du fait de la solidarité familiale, la première génération d’instruits a le devoir d’aider les neveux, nièces, cousins de la famille élargie afin de leur donner une chance de réussite. Sauf qu’au fil des années, la famille n’a cessé de s’agrandir, entraînant de surcroit un accroissement de l’aide. Le double revers de cette entraide est que les enfants des instruits fournissent moins d’efforts car ils jouissent initialement d’un meilleur statut. L’étude remarque que 60% des enfants de cadres de la génération 1960 ont échoué professionnellement. Au final, il y a une probabilité plus forte d’enlisement dans une trappe à pauvreté collective car tout l’effort se concentre sur un seul individu qui ne peut plus épargner et donc investir durablement. De plus, quand cet individu décède, surviennent des conflits familiaux et des guerres de clans.

L’entraide familiale devient alors comme une taxe familiale qui nuit même aux relations entre l’épouse de l’instruit et la belle famille. Car l’épouse, avec le temps trouvera que son mari sacrifie bien trop leurs enfants. Cette surenchère de l’entraide familiale pèse d’autant plus que le chômage de la jeunesse est en hausse. L’absence de débouchés et les aides qui sont alors de deux ordres : financières (frais de scolarité, TD, fournitures, logement) ou matérielles (ordinateur, moyen de déplacement, équipements, etc.) et ne cessent d’accroitre avec le temps.

Somme toute, l’étude permet d’éclairer un sujet d’actualité sur lequel le cadre de discussion n’était pas souvent fondé. L’auteur souligne que les troisième et quatrième générations d’instruits sont les nôtres. En basant l’étude sur ces dernières, on ignorerait l’essence, l’histoire et les causes de persistance du phénomène.

Il est donc urgent de redéfinir le cadre d’entraide familiale, et d’avoir des épouses et époux des plus averti(e)s !

Diriez-vous, que quand bien même on peut considérer l’éducation comme un investissement de long terme, il faut aussi des conditions propices qui encadrent le financement de cette éducation.

Leomick Sinsin pour Afrikeya et IMANI-Francophone.

[*] Blogueur béninois, il est titulaire de Masters en Économie et en Énergies.

 

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  • Famille africaine, société française : même combat. Un devoir d’assistance qui empêche les excellents de prendre leur essor et qui dispense les autres de l’effort.

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