Super-héros subventionnés

Les super-héros les plus puissants du monde ont besoin de subventions publiques pour exister.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
the avengers

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Super-héros subventionnés

Publié le 11 décembre 2013
- A +

Par Peter Suderman, depuis les États-Unis.

the avengers

Le grand gagnant au box-office de l’été dernier était le blockbuster adapté du comics classique de Marvel The Avengers. Le film, un crossover tentaculaire avec Captain America, Iron Man, Thor, Hulk et autres membres de l’agence de sécurité fictionnelle SHIELD, a ratissé plus de 622 millions de dollars aux États-Unis dès septembre 2012, près de 3 fois son coût de production.

Une grande partie de ce budget est allée dans les cascades et effets spéciaux, notamment un final époustouflant de 30 minutes, dans lequel les héros affrontent une horde d’envahisseurs extraterrestres dans le centre de Manhattan. Un hic : presque aucun plan n’a été tourné dans les rues de New York. Au lieu de cela, les réalisateurs ont utilisé une combinaison de sites alternatifs. Pour certains des gros plans, ils ont recréé le fameux pont de la ville en face d’un écran vert géant dans une gare abandonnée d’Albuquerque. La majeure partie des scènes de rue ont été tournées dans une ville rarement vue comme une des grandes métropoles américaines : Cleveland.

Cleveland, une ville du Midwest aux prises avec une baisse de population constante de 500.000 personnes en 1990 à 393.000 en 2011, a eu la chance unique d’être la doublure de Manhattan, quartier central de la ville qui ne dort jamais avec ses 8,24 millions d’habitants. Mais pas sans une cure de jouvence : les concepteurs du film ont importé les taxis new-yorkais, les façades de bâtiments et le signalement routier (avec un stock confortable de décombres) pour reproduire l’apparence d’un Manhattan envahi.

Pourquoi Cleveland ? La décision de ce lieu de tournage peut être résumée en deux mots : subventions fiscales. L’État de l’Ohio [NdT : où se situe Cleveland] offre à tous les cinéastes un allègement fiscal s’élevant entre 25 et 35% des salaires et dépenses effectuées dans l’État. Il s’agit d’un refundable credit1, donc bien plus qu’une réduction sur les impôts qu’aurait payés la production du film. C’est une subvention à peine déguisée sur les stars du cinéma qui font des affaires dans cet État.

C’est une bonne chose, selon Ivan Schwarz, directeur exécutif de la Commission du Film de Cleveland. « Pour être clair » écrivait-il sur cleveland.com l’été du tournage, « je pense que tous les habitants de Cleveland vont savoir que les Avengers sont dans la ville ».

Ils vont bien entendu payer pour ça. Tout compte fait, The Avengers a reçu des crédits d’une valeur d’environ 6,7 millions de dollars selon le ministère du développement de l’État.

The Avengers n’est pas le premier blockbuster de super-héros à choisir Cleveland plutôt que New York. Spider-Man 3, en 2007, a utilisé le quartier des théâtres de la ville pour filmer plusieurs scènes d’explosions dans la rue. Mais il n’y a pas que les super-héros. Le thriller politique de George Clooney, Les Marches du Pouvoir, a aussi profité du crédit de l’Ohio l’année dernière (le gang de Clooney a même fait coup double en ramassant des subventions du Michigan aussi).

Les législateurs de l’Ohio et d’ailleurs vantent le crédit d’impôt comme moyen de créer des emplois, attirer l’attention nationale sur les villes de survol [NdT : terme américain pour désigner les villes centrales qui servent de correspondances d’avion entre l’Est et l’Ouest], et finalement créer une industrie de la production cinématographique en plein essor. Et ils ont doublé les moyens qu’ils sont prêts à distribuer, en augmentant les fonds disponibles pour le crédit de 10 à 20 millions de dollars. Pendant l’été, le représentant républicain au Congrès Mike Dovilla, qui a parrainé l’expansion de crédit, s’est vanté dans un dépliant de campagne que « les grandes idées telles que le crédit d’impôts de l’Ohio pour les films, qui a amené The Avengers à Cleveland, avaient contribué à faire de notre État le premier du Midwest pour la création d’emplois ».

imgscan contrepoints 2013-2469 hérosMais les crédits d’impôts des États sont une grande idée sans grand profit. Actuellement, 43 États offrent des subventions, d’une valeur totale de 1,5 milliard de dollars. De nombreuses études de ces crédits dans des États tels que le Michigan ou le Massachusetts, ont montré que ces subventions étaient rarement rentables. Au lieu de cela, les États finissent par perdre de l’argent à payer des productions de films qui, dans de nombreux cas, se seraient passées sans incitation fiscale.

Le principal concurrent des Avengers au box-office de l’été dernier le prouve. The Dark Knight Rises, le film de Batman des rivaux de DC, a choisi Pittsburgh pour représenter Gotham, ville fictive d’accueil du héros masqué. Et bien que la Pennsylvanie offre un crédit d’impôts pour les films, la production ne l’a pas utilisé. Les Avengers sont peut-être les super-héros les plus puissants du monde, mais le Chevalier Noir a réussi sans aucune aide des contribuables.


Sur le web. Traduction : Cthulhu/Contrepoints.

  1. Une réduction d’impôt non plafonnée au montant de celui-ci, donc assimilable à une subvention.
Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Y a-t-il vraiment de quoi se vanter ?

Normalement, les « succès » économiques d’un président servent à sa campagne électorale pour sa réélection ou l’élection de la personne qui lui succède. Trump l’avait fait en 2020, lorsqu'il avait fait des États-Unis un exportateur net de pétrole pour la première fois en 75 ans.

Joe Biden tente maintenant la même chose pour 2024. Sur tous les plateaux, lui et ses alliés tentent de vendre Bidenomics comme le point fort qui devrait charmer les électeurs au point de lui donner un dernier mandat... Poursuivre la lecture

Le lundi 4 septembre 2023, au retour de mes vacances aux États-Unis, et après avoir agencé tant bien que mal un petit site wix (mes capacités en design et donc, par conséquent, en création de sites grand public, ont toujours été très limitées…) pour l’accueillir, je décidai de porter sur les fonts baptismaux une intelligence artificielle générative, dédiée à des sujets d’économie et de politiques économiques, fondée en toute immodestie sur toutes mes analyses économiques (sept ans au total, d’articles, rapports, notes, livres, passages TV, vi... Poursuivre la lecture

Par Frédéric Mas.

Le 11 septembre 2001, deux avions s’abattaient sur les tours jumelles de New York, pratiquement en direct sur toutes les chaînes de télévision du monde.

À la stupéfaction de l’opinion internationale, la première puissance mondiale était touchée sur son sol même par une organisation terroriste islamiste, ce qui allait se traduire par des milliers de morts et une crise occidentale sans précédent sur le plan politique et moral.

Face à l’affront et au traumatisme causés, le président américain George W. Bush... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles