Pas de politique industrielle dans les pays qui réussissent

L’exemple suisse, de même que celui des États-Unis, nous montre que la meilleure politique industrielle est de ne pas en avoir.

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Pas de politique industrielle dans les pays qui réussissent

Publié le 12 juillet 2013
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L’exemple suisse, de même que celui des États-Unis, nous montre que la meilleure politique industrielle est de ne pas en avoir.

Par Dominique, d’Emploi 2017.

« La Suisse n’a pas besoin de politique industrielle » tel est le titre d’un récent numéro d’Économie suisse. À contre courant des idées reçues, l’organisation patronale affirme que c’est grâce à l’absence de politique industrielle active que l’industrie suisse se porte aussi bien, et que la Suisse est l’un des pays les plus novateurs au monde. Les États-Unis, deuxième puissance industrielle mondiale, ne doivent pas leur succès, eux non plus, à la mise en œuvre d’une politique industrielle.

Le succès suisse

À la différence de nombre de ses voisins, la Suisse refuse depuis longtemps de mener une politique industrielle active, cherchant plutôt à créer des conditions générales favorables à la compétitivité et la performance des entreprises. La preuve que cette stratégie est bonne : la Suisse a la production industrielle par tête la plus élevée au monde. Sa part du secondaire dans le PIB se situe deux points au-dessus de la moyenne européenne, à plus de 20%, contre seulement 12% pour la France. Cette performance est d’autant plus impressionnante au vu de la constante appréciation du franc suisse, qui aurait dû être un frein à l’exportation des produits industriels suisses.

Par ailleurs, contrairement peut-être à certaines idées reçues, la Suisse est l’un des pays les plus innovateurs au monde, ainsi que le montrent tous les classements internationaux. L’absence de politique industrielle, bien loin de la freiner, a donc encouragé la capacité d’innovation suisse :

Comment expliquer un tel paradoxe ?

Un tel paradoxe tient au fait que l’État n’est pas Madame Soleil. « La politique et l’administration ne peuvent pas prédire l’avenir ni quelles industries ou exploitation auront du succès demain, pas plus que les représentants de l’économie et des entreprises ne savent lire dans le marc de café. » Ce qui s’avère au final comme étant un succès industriel résulte de la concurrence entre de nombreux décideurs individuels et non pas d’une vision étatique qui saurait à l’avance ce qui doit être encouragé ou non.

Une politique industrielle active est même mauvaise car elle favorise le maintien de structures obsolètes, déresponsabilise ceux qui en bénéficient et pénalise finalement la compétitivité. Il faut laisser au contraire les ajustements structurels se faire progressivement et naturellement, au gré des évolutions internationales, dont l’industrie suisse dépend nécessairement du fait de son marché intérieur très petit. Pour encourager l’industrie, il faut par conséquent favoriser le cadre général, c’est-à-dire notamment une formation et une recherche de haute qualité, une fiscalité modérée, la liberté d’entreprise et des infrastructures performantes.

Les auteurs du rapport rappellent également les coûts d’opportunité cachés d’une politique industrielle. Les finances publiques n’étant pas illimitées, tout argent dépensé dans un domaine n’est pas dépensé ailleurs, ou pire, entraîne des prélèvements obligatoires supplémentaires, pénalisant les autres acteurs économiques.

Or, ce qui est valable pour la Suisse l’est également pour la France. Comme le rappelle Christian Saint-Etienne, économiste, dans un article des Échos d’avril dernier, les quinze plans Machines-outils de 1974 à 1981 et le fort interventionnisme public en France de 1981-83 n’ont pas donné de résultat ; l’industrie française s’est même mieux portée quand les acteurs publics s’en sont désintéressés. La seule politique qui vaille est donc celle qui permet aux industriels de restaurer leurs marges et d’investir.

Le succès des États-Unis

Dans le rapport d’Économie suisse, les auteurs évoquent également le cas des États-Unis, qui, du fait de l’importance du budget fédéral et de la taille de son marché intérieur, pourrait éventuellement constituer une exception à la non-pertinence d’une politique industrielle. « Il est possible qu’un grand pays comme les États-Unis puisse, par le soutien prodigué à une nouvelle technologie ou une industrie et par la seule demande sur son propre marché, déclencher un processus qui s’amplifie par lui-même. »

En réalité les États-Unis ne mènent pas de politique industrielle à proprement parler. Les budgets d’investissement militaires de 300 milliards chaque année contribuent effectivement à un certain dynamisme de l’industrie américaine puisque l’immense majorité des contrats sont passés avec des industriels américains. Un certain pourcentage de contrats est même réservé aux PME. Mais ces contrats sont réalisés via des appels d’offres et correspondent aux besoins militaires, avec très forte responsabilisation des différents acteurs.

L’une des rares tentatives de l’administration américaine pour soutenir arbitrairement une entreprise industrielle a d’ailleurs été un cuisant échec. Solyndra, une firme qui fabriquait des panneaux solaires, avait bénéficié en 2009 d’une garantie d’emprunt du ministère de l’énergie de 535 millions de dollars. Les panneaux solaires de Solyndra, d’un type nouveau et a priori plus performant, étaient supposés révolutionner le marché du solaire. Fin août 2011, Solyndra déposait pourtant son bilan, licenciant 1.000 personnes. L’État américain ne récupérera pratiquement rien des 535 millions de dollars de garantie d’emprunts.

La meilleure politique industrielle, c’est donc de ne pas en avoir.

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