Une vie au Goulag

C’est un document inédit et inestimable que publient les Éditions Belin. Il s’agit du récit de Dimitri Vitkovski, ingénieur russe, qui a passé la moitié de sa vie au Goulag.

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Une vie au Golag, par Dimitri Vitkovski (Crédit : Belin, tous droits réservés)

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Une vie au Goulag

Publié le 1 mai 2013
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C’est un document inédit et inestimable que publient les Éditions Belin. Il s’agit du récit de Dimitri Vitkovski, ingénieur russe, qui a passé la moitié de sa vie au Goulag.

Par Bogdan Calinescu.
Un article de l’aleps.

L’histoire de Dimitri Vitkovski est mentionnée par Soljenitsyne au début de l’Archipel du goulag. Elle est restée inconnue en URSS jusqu’au début des années 1990 lorsqu’elle fut publiée, 25 ans après la mort de l’auteur. La traduction française vient d’être publiée. Pourtant, nous avons affaire à l’un des plus terribles et complets témoignages sur l’univers concentrationnaire soviétique. Le récit n’a rien à envier à ceux laissés par Soljenitsyne, Guinzbourg ou Chalamov. Tout y est. La description détaillée et « neutre » du système de répression et d’emprisonnement, la vie au Goulag, la profondeur des personnages, le talent du narrateur et aussi les clefs de la survie…

Vitkovski est arrêté pour la première fois en 1926 lorsqu’il a 25 ans. C’est seulement 28 ans plus tard, en 1954, qu’il sera autorisé à rejoindre les siens à Moscou. Condamné pour des raisons complètement farfelues (comme tous les condamnés politiques à l’époque), il sera envoyé dans les profondeurs de la Sibérie où il travaillera comme bagnard sur les îles Solovki tout en subissant des interrogatoires interminables, des tortures et toutes sortes d’humiliations. Cet homme qui venait de finir ses études à l’Institut des sciences et rêvait de devenir un scientifique, n’a jamais pu l’être. Ce qui est impressionnant dans son récit – au-delà des souffrances quotidiennes – c’est l’extraordinaire force morale qui l’aide à survivre. Il voit autour de lui de nombreux autres prisonniers (des zeks) se laisser mourir ne pouvant plus supporter les travaux forcés ou les interrogatoires. Ou d’autres mourir de faim ou de froid. Vitkovski trouve les raisons pour se battre en espérant une vie meilleure. Même le fait d’être arrêté plusieurs fois n’arrive pas à le briser. Une fois, lors d’un interrogatoire et soumis à la torture (il est obligé de rester debout pendant deux jours et deux nuits), il se compare à l’arbre qu’il aperçoit à travers la fenêtre.

Plus le temps passe, plus les conditions de vie au Goulag empirent. La catastrophe économique en URSS, les famines, les délires de Staline rendent la vie des prisonniers de plus en plus terrible. Face à ces souffrances, Vitkovski arrive même à avoir pitié de ses bourreaux : « L’enquête est conduite par une équipe de jeunes hommes aux questions incisives sous la direction d’un chef aux cheveux blonds, grand et beau comme un viking. Je suis pris de pitiés à le voir dans l’atmosphère rance de son cabinet de juge d’instruction. Il gâche sa vie à chasser des fantômes alors qu’il devait chasser les baleines et les morses dans les brouillards des mers du Nord. »

Aux îles Solovki (petit archipel isolé de la mer Blanche transformé en camp de travail forcé) surnommées aussi les « îles de la mort », on accueille les nouveaux venus avec ces mots : « Vous êtes ici non pas pour être rééduqués mais pour être exterminés ». Des conditions de travail épouvantables (les détenus étaient forcés à travailler même à -50°C sinon ils ne recevaient pas leur morceau de pain noir) et des humiliations effrayantes caractérisaient cet endroit. On obligeait par exemple les prisonniers à transvaser de l’eau dans des seaux, d’un trou pratiqué dans la mer gelée à un autre « jusqu’à ce que toute l’eau soit transvasée ».

Après avoir tant enduré, avec sa vie brisée, Dimitri Vitkovski arrive, les dernières années de son existence à avoir une petite famille et à travailler. Il pardonne même à ses bourreaux qui le convoquent à nouveaux dans la période du « dégel » idéologique et lui signifient sa liberté définitive car ils ont finalement compris, après 28 ans de Goulag qu’« il n’était pas un ennemi de l’État soviétique ».

• Dimitri Vitkovski, Une vie au Goulag, Belin, 2012, 164 pages.


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