Frits Bolkestein : La France entrave le libre-échange européen avec les États-Unis

L’UE ne doit pas céder aux tentations protectionnistes françaises dans les négociations de libre-échange avec les Etats-Unis.

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Frits Bolkestein : La France entrave le libre-échange européen avec les États-Unis

Publié le 10 mars 2013
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L’UE ne doit pas céder aux tentations protectionnistes françaises dans les négociations de libre-échange avec les États-Unis.

Par Frits Bolkestein, depuis les Pays-Bas (*).
L’Union européenne va bientôt entrer en négociations avec les États-Unis sur un accord de libre-échange transatlantique. Les avantages d’un tel accord sont évidents: une augmentation immédiate et durable de la croissance économique des deux côtés de l’océan. Plus l’accord sera large, plus il y aura d’avantages.

Une étude récente de l’institut de recherche économique allemand Ifo a montré qu’un accord de libre-échange global pourrait conduire à un triplement des flux commerciaux transatlantiques. Il élèverait le niveau de vie des deux côtés de l’océan de façon significative au cours des vingt prochaines années: 5% aux États-Unis, 6% dans l’UE.

Cependant, la pratique européenne indique qu’un tel accord général n’est en aucun cas couru d’avance. Plus vous allez au sud, plus vous rencontrez de résistance à ce qui est parfois appelé un «hypercapitalisme anglo-américain ». Ce bloc sud, dirigé par la France, fera tout ce qu’il peut pour limiter l’agenda des négociations autant que possible. Cela est sans doute lié au puissant lobby agricole français. La France est non seulement le principal bénéficiaire net des subventions agricoles européennes, mais aussi le plus grand exportateur de produits agricoles dans l’UE.

Les exportations agricoles françaises représentent près de 43 milliards € par an. Ce secteur bénéficierait grandement d’un accès moins restreint au marché américain. Cependant, les élites françaises ne voient pas le libre-échange comme une situation gagnant-gagnant, mais comme un jeu à somme nulle : si quelqu’un d’autre gagne, il doit nécessairement conduire à une perte française.

Quand mon ancien collègue, M. Pascal Lamy, a fait la promotion d’un accord commercial ambitieux de manière un peu trop enthousiaste dans le cadre de son poste de commissaire européen au commerce au cours des accords de Doha, les Français l’ont accusé d’«outrepasser son mandat» – autrement-dit : ils lui ont reproché d’avoir oublié qu’il était français et qu’il était censé représenter les intérêts économiques français.

Même au sein du marché intérieur européen, les Français en général se battent pour leurs intérêts commerciaux nationaux avec tous les moyens à leur disposition, comme l’industrie de l’huile de palme néerlandaise a pu s’en rendre compte récemment. Les produits à base d’huile de palme qui sont produits dans notre pays ont été menacés au Sénat français avec une taxe spéciale qui aurait pour cause un prélèvement à l’importation. Cela aurait été un coup considérable pour un commerce qui représente 1 milliard d’euros par an dans notre pays (NdT : Pays-Bas).

L’excuse française était la crainte des effets négatifs potentiels de l’utilisation de l’huile de palme sur la santé publique. La vraie raison est probablement que l’huile de palme importée par notre pays était en compétition avec l’huile de colza française.

Si l’accord de libre-échange avec les Américains a pour ambition une réelle valeur ajoutée, il est de la plus haute importance que nous nous opposions à ce programme protectionniste français. L’objectif du gouvernement néerlandais devrait être de donner à l’équipe de négociation européenne, dirigée par le libéral belge Karel De Gucht, un mandat aussi étendu que possible. Cela signifie que l’agriculture devra être à l’ordre du jour également – y compris les éléments qui sont des questions délicates dans les Pays-Bas, tels que les produits génétiquement modifiés et la sécurité alimentaire.

Les Américains considèrent la création d’un accord de libre-échange transatlantique comme la priorité des douze prochains mois, et ils préfèrent utiliser un agenda de négociation qui est aussi large que possible. Donc la question pour nous, Européens, est la suivante : aurons-nous le courage de passer outre les instincts protectionnistes français afin de conclure une entente qui permettra à nos économies un coup de pouce bienvenu ?

Ou sommes-nous les nouveaux Palestiniens, ne ratant jamais une occasion de rater une occasion ?

(*) Frits Bolkestein est un ancien commissaire européen, ancien dirigeant du VVD, un parti politique libéral hollandais.


Article paru initialement dans Volkskrant. Traduction JPO/Contrepoints

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  • Non contents de pratiquer systématiquement un protectionisme larvé (on l’a vu avec la taxe sur les bières), les français voudraient nous enfermerdans leur petit ghetto économique, dont on constate le succès !

    Déjà, la libre circulation des fardes de cigarettes en UE leur donne un spasme nerveux, et ils inventent immédiatement la présomption commerciale, et le renversement du fardeau de la preuve pour le particulier qui ose faire des provisions au-delà de la frontière.

    Mais ils sont simultanément incapables de juguler la contrebande induite par leurs prix délirants, qui leur font perdre près de 3 milliards/an.

    Tout cela est d’un amateurisme confondant.

    • On nous avait promis croissance et pouvoir d’achat avec l’Europe. Nous avons austérité et pauvreté. Quoique aux us, avec 50 millions de pauvres bénéficiant de 132$ par mois ils arrivent à afficher un chômage inférieur à 8% (moins de 25 millions de personnes) et un dow Jones à son plus haut historique. C’est sur qu’une alliance encore plus large du libre échange va élever le niveau de vie des peuples. Malhonnêtes que vous êtes, c’est tout l’inverse qui se produira.

      • et la taille de l’état Français ? c’est de la faute de l’europe ? d’ailleurs, il est surprenant de voir que les économies en vrac en zone euro sont celles qui ont un état bien trop joufflu à tendance boulimique avec les impôts…

      • Et je suppose que vous plaider aussi pour le rétablissements des douanes intérieures, entre régions, départements, villes ?

  • L’UE est la zone économique la plus ouverte au monde, c’est l’une des plus mal en point dans le monde. Et puis je suis d’accord avec notre grand économiste libéral Maurice Allais : on ne peut avoir la démocratie et le libre-echange car le libre-echange par la concurrence dirige les politiques nationales indépendamment des opinions du peuple. Pour l’anecdote, sur les 51 PMA depuis 1970, seul 3 ont vu une augmentation de leur consommation intérieur ET de leur taux d’ouverture.

    • On ne peut pas avoir non plus la gravité et la démocratie, car la gravité dirige les politiques nationales indépendamment des opinions du peuple.
      La démocratie, ce n’est pas la dictature de l’opinion. De plus, si l’opinion va dans un sens au moment de l’élection et qu’un mois plus tard, elle va dans le sens contraire, l’élection est encore valable ?

    • PMA = Pipeau Mal Arrangé ?
      Primo, qui a dit que le libre-échange était la solution suffisante pour se développer ?

      Deuxio, c’est quand même marrant les arguments qui touchent à l’Europe. On est mal en point, alors il faudrait absolument éviter d’échanger avec le pays du monde qui a tiré durant ses 40 dernières années toute la croissance mondiale.
      Il faudrait absolument que les consommateurs américains aient plus de difficulté à acheter des bagnoles françaises. Vous comprenez on arrive pas à suivre avec la production de Renault et PSA pour le marché allemand. Alors si en plus elles devaient avoir du succès aux U.S.A, pfiou j’ose pas imaginer ce qui pourrait bien se passer.

      Qu’on puisse vouloir discuter du libre-échange pour les pays en développement je veux bien (pas d’accord avec vous, mais bon).
      Mais avec les U.S.A ???? On risque quoi ?
      C’est pas possible c’est des bots qui ont répondu ça, ils ont chopé le mot libre échange et pouf ils ont posté ça.

      J’ai l’air malin moi d’écrire à des robots.

    • ah ?parce que l’état français en a quelque chose à cirer de l’opinion du peuple ?

  • plus de chomage alors plus de liberalisme : ouvrez grand les frontieres c est comme l aspirine apres ca ira mieux … ridicule !!!!!!!!!!

    • c’est sûr qu’avec un taux de dépenses publiques de 57% et croissant tout le temps, le libéralisme est LE grand problème dont souffre la France. Plus grave que ça, je ne vois guère que l’invasion par les licornes roses invisibles, qui font elles aussi tant de mal à la France

    • Va-t-il falloir taxer les allocations chomage, familiales et le RSA et doubler l’impôt sur le revenu des classes moyennes pour que vous compreniez que le drame de la France n’est pas le libéralisme inexistant mais bel et bien le socialisme omniprésent ?

      Ah mais naaaaaaaan, si l’ Etat en arrive à un tel projet, ça sera de la faute des vilains libéraux capitalistes (nécessairement outrageusement riches) qui ont quitté la France.

      Pathétique.

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