La presse en a peu parlé, dépassée qu’elle était par les tourments palpitants d’une UMP en décomposition avancée. Elle en parle toujours aussi peu, occupée qu’elle est par les rodomontades consternantes de Montebourg contre Mittal. Il n’en reste pas moins que le document de convocation des actionnaires à l’assemblée générale extraordinaire de Dexia mérite un peu plus qu’un entrefilet.
Ah, Dexia ! Quelle magnifique aventure luxembourgo-belgo-française ! Quel extraordinaire exemple de bonne gestion prudente et en bon père de famille !
Rappelez-vous : Dexia, c’est la banque qui aura permis à tant de collectivités locales françaises et belges de se financer en utilisant de merveilleux outils comme le carry-trade ou des véhicules financiers si opaques que les municipalités concernées, absolument certaines de tout comprendre aux contrats qu’elles signaient, se gavèrent de ces bidules jusqu’à s’en péter le haut et le bas de bilan. Pour certains maires, ce fut l’occasion d’aller faire un peu de barouf médiatique. Mais pour les contribuables, toute cette aventure se solde déjà par des milliards d’euros de pertes salées, avec le bonheur qu’on peut imaginer.
Eh bien Dexia a donc tenu une assemblée générale extraordinaire le 21 novembre dernier, et a remis un intéressant document, dont on peut prendre connaissance ici. Quelques articles de presse (ici, belge, et là, française) en ont timidement parlé dans la foulée. Le contenu de ce document a bien évidemment immédiatement attiré l’attention de toute une classe politique responsable et déterminée à combattre les problèmes financiers de la zone euro, ce qui a permis, dans la foulée, une véritable prise de conscience que l’heure n’était plus aux éventuelles batailles d’appareil. Copé et Fillon ont donc arrêté de se disputer la présidence, et ont été reçus par Hollande dans le but de répondre dans une logique de bien commun, au-delà des partis, aux menaces que pointaient le Conseil d’Administration de Dexia, pour cette banque et bien au-delà puisque tout le système bancaire et financier semble dans le même caca gluant.
…
Oh. Je me suis laissé emporter. Évidemment, aussi intéressant le document soit-il, Copé et Fillon n’en ont absolument pas entendu parler, pas plus que les hommes et femmes troncs des journaux de 20H, ni les ministres actuels et autres clowns à roulette en charge de l’orchestre sur le pont du Titanic. La musique a continué à pleuvoir (choix du moment : des ragtimes endiablés), alors que les passagers de première classe s’occupent de descendre tranquillement dans les canots de sauvetage et que la seconde et troisième classe est occupée avec des émissions télés et des petits biscuits salés.
C’est dommage, parce qu’il y a quelques paragraphes croustillants dans le document d’AGE de Dexia, notamment à partir de la page 34 et du chapitre 5 paragraphe 5.1, sur les conséquences d’une dissolution de la banque :
Un défaut du groupe Dexia rendrait exigible, par l’effet de clauses de défaut croisé et d’accélération figurant dans les conditions des emprunts conclus par certaines entités du groupe, principalement par DCL, la totalité de sa dette, soit environ EUR 386,5 milliards au 30 septembre 2012, et les montants dus au titre de contrats de dérivés, soit un montant notionnel d’environ EUR 605 milliards au 30 septembre 2012.
Si l’on se souvient que les États français, belge et luxembourgeois sont garants pour un peu plus de 70 milliards d’euros et qu’ils devraient alors débourser cette somme rapidement en cas de faillite de l’établissement bancaire, on imagine tout de suite qu’un problème grave pour la banque entraînerait des conséquences majeures pour toute la zone euro, ce dont, d’ailleurs, le document ne se cache même pas. La réaction du Ministre de ce qui reste d’Économie en France a été exemplaire : il a parfaitement gardé son sang-froid et n’a absolument rien dit, fait aucune déclaration qui puisse même laisser supposer qu’il est au courant du problème et qu’il y travaille. Quelle discrétion ! Quelle maîtrise ! Quel homme !
Bon.
Il va évidemment de soi que les dirigeants de la banque en perdition ont ici un intérêt bien calculé à noircir un peu le tableau sur le mode « Tu me bailoute ou je nous fais tous péter ! ». Il n’en reste pas moins que le 21 décembre prochain (coïncidence ?), si Dexia ne trouve pas cinq milliards et demi d’euros pour une augmentation de capital (histoire de fêter Noël dignement, je suppose), la banque pourrait devoir fermer ses portes (avec plusieurs milliers de nouveaux chômeurs à la clef)… En attendant, on ne sait pas d’où pourra venir le capital en question, sachant que les ressources des états sont un peu tendues en ce moment.
Et quand je dis tendu, je veux bien dire tendu, genre « on n’arrive plus à boucler les fins de mois ». Oh. Cela reste, tout comme l’affaire Dexia, fort discret, mais c’est bien cela dont il s’agit. C’est la fin de l’année, et aux fins d’années, c’est toujours un peu ricrac dans les budgets ministériels. Heureusement, si l’armée ne peut pas distribuer ses soldes correctement, c’est à cause d’un méchant logiciel (« Louvois ») qui ne fait pas son travail. Et si les gendarmes ne reçoivent pas leurs salaires, c’est aussi à cause du logic… ah non, tiens, eux n’utilisent pas cette application mal bigornée et on se contentera de l’explication fournie par le journaliste, « pour certains réservistes, la ligne de crédit dédiée pour 2012 est épuisée ». Parfaitement rassurant.
Heureusement, avec la nouvelle règle d’or votée au Parlement, cela va aller mieux oui heu j’en vois deux douzaines qui rigolent dans le fond enfin voyons un peu de sérieux moui bon bref n’insistez pas.
Hem.
Et puisqu’on parle d’or, pendant que Dexia va tenter de faire éteindre son incendie par une inondation de liquidités, on peut jeter un coup d’oeil rapide sur l’état actuel du métal précieux qui n’a jamais eu l’air d’aussi bien se porter. Oh, je ne parle pas des cours (qui indiquent pour le moment une performance de l’ordre de 9% sur l’année) mais bien des tendances générales. Très clairement, les banques centrales continuent d’acheter, aussi discrètement que possible.
Par exemple, en Inde, on aime déjà bien traditionnellement l’or, mais actuellement, la demande explose : selon le World Gold Council, l’import indien de métal jaune devrait s’établir à 800 tonnes cette année. Au point d’ailleurs que le gouvernement, qui voit la balance commerciale du pays amoindrie par cet import massif, a tenté d’augmenter les droits de douane sur l’or, mais … sans succès.
Et ce qui est vrai en Inde l’est à peu de chose près aussi en Chine : la part de la Chine dans la demande mondiale en or a doublé, passant de 10% en 2007 à 21% en 2011, et continue d’augmenter assez fortement sur l’année 2012, tant et si bien que les deux nations chinoise et indienne se tirent la bourre pour savoir qui des deux plus grandes réserves de population de la planète sera la plus grosse consommatrice :
Parallèlement, on ne s’étonnera pas de voir fleurir les propositions de lois pour étouffer aussi vite que possible les velléités du peuple européen à suivre les exemples indiens et chinois. On se souvient qu’en France, c’est devenu une véritable tradition de bidouiller la loi sur l’achat et la vente de métal précieux, qui pour relever les taxes perçues, qui pour obliger l’enregistrement de la transaction et interdire l’utilisation de monnaie anonyme… Et maintenant, en Belgique, et toujours sous les mêmes prétextes de vouloir assurer la sécurité du gentil citoyen (qui n’en demandait pas tant), le budget de l’année 2013 aura été le prétexte pour introduire quelques dispositions rendant l’achat et la vente d’or plus compliqués.
Franchement, tous les signes pointent dans le même sens : celui d’un avilissement de la monnaie papier par tous les moyens.
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Sur le web
» Tendu » , les ressources des Etats ?
Qui viennent de donner 44 milliards d’euros à la Grèce ?
Alors, les p’tites centaines de millions pour Dexia, gnognotte.
Mmh pour Dexia, c’est 5500 millions, et plusieurs dizaines de milliers de millions si elle se plante. Gnognotte, je ne crois pas.
« mais c’est bien de cela dont il s’agit »
Non: « C’est bien de cela qu’il s’agit. », ou « C’est bien cela dont il s’agit. »
J-F Revel citait cet exemple pour illustrer la déchéance du français parlé par les journaleux du JT…
C’est l’histoire d’un pays qui se casse la gueule. Et tous les jours ses dirigeants se disent :
Pour l’instant tout va bien …
Pour l’instant tout va bien …
Pour l’instant tout va bien …
Mais l’important ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.