AA+ : l’info qui n’en n’est pas une

Standard and Poor’s a dégradé la note de la dette tricolore, de « AAA » à « AA+ ». Mais rien n’a changé

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AA+ : l’info qui n’en n’est pas une

Publié le 15 janvier 2012
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Standard and Poor’s a dégradé la note de la dette tricolore, de « AAA » à « AA+ ». Mais rien n’a changé.

Par Thibault Doidy de Kerguelen

Comment vous sentez vous ? Pareil ? C’est normal, contrairement à ce que tous les marchands de rêve et de boniments qui peuplent les colonnes de la grande presse et des écrans de télévision vous racontent depuis des mois, cette décision ne change strictement rien. Voyons rapidement pourquoi.

1) Parce que l’agence de notation chinoise Dagong avait déjà dégradé la note de la France il y a plusieurs mois en la passant de AA+ à AA-. Puis, de AA- à A+ au mois de décembre dernier.

2) Parce que de toute manière, pas un seul pays de la zone Euro ne mérite plus de AAA. Qu’est ce que le AAA ? Une note qui assure à l’investisseur que l’emprunteur est en béton, qu’il est assuré d’être payé, qu’il n’y a aucun risque. Il n’y a pas aujourd’hui un seul pays qui puisse affirmer qu’il n’y a aucun risque à souscrire à un de ses emprunts. Tous les pays de la zone Euro sont aujourd’hui susceptibles de ne pas pouvoir faire face à leurs échéances. Tous. Même l’Allemagne qui présente une situation un petit peu plus rassurante que les autres, de par sa dépendance aux marchés des autres pays européens qui entrent en récession, représente un risque potentiel.

3) Parce que, contrairement à ce que crient certains politiciens toujours prêts à mettre leur nationalisme là où il ne faut pas et à le laisser au vestiaire quand il faudrait en faire une ligne de conduite, cette note n’a aucune influence sur les taux d’emprunts ou sur le coût des CDS. Il y a déjà belle lurette que la France n’emprunte plus aux taux d’un AAA ! Les agences de notation n’ont qu’un rôle consultatif, pas décisionnel. Les marchés savent bien que la France est en grande difficulté, que sa dette extérieure [1] est, à terme, ingérable (ce qui est d’ailleurs la motivation de Dagong pour l’abaissement de la note de la France en décembre dernier) et les taux affichés en tiennent compte.

4) Parce qu’aujourd’hui le marché des dettes souveraines est biaisé et que l’immense majorité des emprunts émis est couverte par les banques centrales avec de la monnaie de singe, euh, pardon, de la monnaie qu’elles créent, en compensation, justement, des titres de dettes souveraines dont on sait qu’une partie plus ou moins importante ne sera pas honorée. Du moins la BCE fait elle le forcing (sur la Grèce par exemple) pour que la décote de 50% (56 aux dernières négociations de cette semaine) de la dette grecque ne la concerne pas, mais seulement les banques privées (histoire de ne pas faire jouer les CDS, histoire de ne pas se retrouver en faillite, son exposition étant supérieure à ses fonds propres et à la valeur (réelle) des titres à son actif). C’est là que se trouve le nœud de la crise qui couve. Pas dans la note de la France.

Vous voyez, il n’y a aucune raison de donner à cette information qui n’en est pas une plus d’importance qu’elle ne mérite. Laissez les petits politicards de service se jeter des anathèmes à la figure et profitez du week-end pour claquer les derniers euros qu’il vous reste, tant qu’ils valent encore un petit quelque chose, dans les soldes. Sereins et prévoyants, tout ce que vous achetez aujourd’hui aura une valeur marchande demain, la monnaie que vous stockez (même sur votre livret A puisque nos dirigeants poussent le cynisme jusqu’à y maintenir une rémunération négative) ne peut que se déprécier !

—-
Sur le web

Note :
[1] Regardez le tableau en temps réel des dettes publiques et des dettes extérieures des principaux pays du monde sur Ma Vie Mon Argent à la page « dettes ».

Voir les commentaires (4)

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  • Enfin un commentaire digne de ce nom! Bravo, oui, une note ne fait pas (contrairement à ce qui est écrit dans un article signé contrepoints) les taux ni le coût des CDS, il ne fait que constater une situation et il y a plusieurs mois que la France emprunte à 4% (au mois de novembre dernier) ou 3.2% ce mois ci quand l’Allemagne (je ne suis pas d’accord avec l’auteur, l’Allemagne mérite toujours son triple A) est en dessous de 2%!!! http://www.les-crises.fr/meteo-des-taux/ .
    En tous cas, bravo pour la pertinence de l’auteur.

  • Et alors, comment expliquez vous que des agences rétrogradent la France et d’autres non?
    Est ce que les Chinois et les Américains (les 2 agences qui ont rétrogradé le France si j’ai bien compris) n’ont pas intérêt à nous mettre dans la m… et à diviser les Européens en ne mettant pas la même note à tout le monde?
    Est ce que si l’Europe fédérale existait, elle aurait son triple A?

    • Avec toutes ses dettes, aucune chance.

    • Bonjour, vt,
      1) De la même manière que certains profs notent une copie d’une certaine manière et d’autres d’une autre. Il n’y a pas de barème exact, vous remarquerez que pour un taux d’endettement équivalent, la Grèce et d’autres pays ne sont traités de la même manière. C’est parce qu’il y a d’autres considérations qui entrent en ligne de compte: L’industrialisation, la capacité d’exportation, la nature des créanciers, les ressources naturelles etc etc… Je maintiens néanmoins que le AAA (ou la note maximum car chaque agence a sa propre notation et le AAA est propre à S&P) est théoriquement réservée aux emprunteurs réputés infaillibles. La France l’est elle? Non. Donc, elle ne mérite pas la note maxi. Si certaines agences lui maintiennent, c’est pour des raisons qui, à mes yeux, n’ont rien d’objectives. Et quad les ignares et les démagogues hurlent après les suppôts du capitalisme et de l’impérialisme américain parce qu’une agence dégrade la France, j’ai envie d’hurler que les menteurs et les manipulateurs sont plus à chercher chez ceux qui ne le font pas. Fitch n’appartient elle pas à un Français?
      2) Ne raisonnez pas en Français, comme si tout dépendait de l’Etat et du gouvernement. Il existe, ailleurs dans le monde, des entreprises privées. Ces entreprises ne raisonnent pas en fonction de la France ou de tel ou tel pays, elles raisonnent en fonction du client ou de l’adéquation du créancier aux critères de solvabilité. Les petites cuisines entre pays européens peuvent intéresser les dirigeants des pays, la FED qui peut être trop contente de voir disparaître l’Euro qui avait pour ambition de supplanter le dollar, mais pas les agences de notations qui n’en n’ont rien à faire.
      3) Oh lala, non. D’ailleurs, avez vous remarqué que le candidat socialiste a mis en sourdine ses velléités d’Eurobonds? Outre le montage stupide que je dénonçais dans un article précédent, ces Eurobonds n’auraient aucune mais aucune chance d’être bien notés et de se vendre à un taux intéressant. A moins d’être garantis par l’Allemagne. Mais alors, ce ne seraient plus « Euro ». Et l’Europe redeviendrait, ou « dra » le Saint Empire Germanique. Nous y arrivons, tout doucement, mais nous y arrivons.

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