Le “Chupi chupi” et le dilemme des limites

Une polémique virulente touche à la fois le régime castriste et la blogosphère cubaine alternative : doit-on interdire le reggaeton à la mode?

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Le “Chupi chupi” et le dilemme des limites

Publié le 27 novembre 2011
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Une polémique virulente touche à la fois l’organe officiel du Comité central du Parti communiste de Cuba et la blogosphère cubaine alternative : doit-on interdire le reggaeton à la mode, la chanson qui fait danser les Cubains ?

Par Yoani Sánchez, depuis La Havane, Cuba

Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites,
mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire.
Citation attribuée à Voltaire (*)

J’enfonce mes écouteurs jusqu’à ce qu’ils me frôlent presque les tympans, mais la musique du taxi collectif me remplit encore la tête. C’est la troisième fois de la journée que je suis obligée d’écouter la même chanson, un reggaeton lascif capable de faire rougir tous les passagers de cette Ford des années cinquante. Le thème extrêmement populaire a fini par gagner le fanatisme des uns, la répulsion des autres et même une forte critique du ministre de la culture Abel Prieto à la télévision nationale. Il semblerait que personne ne puisse rester imperturbable et tranquille à l’écoute de ce « Donne-moi une sucette, que j’en jouisse, ouvre la bouche, avale tout ». Ou tu le  chantonnes ou tu te bouches les oreilles, c’est l’un ou l’autre.

 

Le « Chupi chupi » a été nominé dans la série video-clips des prix Lucas, qui doivent être attribués ce dimanche 27 novembre, au théâtre Karl Marx de La Havane, mais il y a quelques jours il a été catalogué comme « horrible » par le président même de « l’Institut Cubain de la Musique ». Les nombreux adeptes du compositeur Osmani Garcia et de ses paroles controversées ne savent pas s’il restera en compétition maintenant qu’il est retransmis par tous les media. Des centaines de gens ont déjà voté par message texto pour que la médaille de la popularité aille à cet auteur de reggaetons. Ils espèrent danser au rythme de sa création pendant le gala de ce soir au théâtre Karl Marx. Pourtant un présentateur de télévision a précisé – mi sérieux, mi sur le ton de la plaisanterie – que ce n’était pas la peine d’apporter caramels ou sucettes à la manifestation de ce week-end parce que c’était mauvais pour les dents, une allusion claire au fait que le rythme objet de la polémique par ses allusions sexuelles directes, pourrait ne pas être présenté.

Si à Cuba toute la télévision, les journaux et la radio n’étaient pas la propriété d’un seul parti, il existerait un espace pour ce type de productions, même si elles ne plaisent pas à beaucoup de gens. Le problème actuel est que les retransmettre à la télévision nationale revient à  les faire valider par le PCC lui-même ; comme si tout le discours politique reconnaissait que son « homme nouveau » est plus intéressé par l’amusement et la lubricité que par les hymnes au travail et les chants sur l’utopie. J’ai confiance qu’un jour il y aura des chaînes dépourvues d’idéologie qui, à des horaires pour adultes, présenteront des thèmes comme celui-ci, très éloignés des préférences mélodiques ou du seuil d’impudeur que chacun peut accepter. Certes, ils soulèveront la polémique mais aucun fonctionnaire ne pourra les effacer d’un coup de plume parce qu’on ne change pas les goûts musicaux par la censure. Si vous en doutez montez donc aujourd’hui même dans n’importe quel taxi collectif de la Havane.

—-
Sur le web

Traduction: Jean-Claude Marouby

(*) NdT : Cette citation est souvent attribuée à tort à Voltaire (Yoani Sánchez commet également cette erreur), alors qu’il s’agit d’un commentaire de l’auteur britannique Evelyn Hall, dans son ouvrage The Friends of Voltaire.

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