Les bons chefs d’État et de gouvernement ne seraient-ils pas ceux dont on n’entend jamais parler ?
Par Georges Kaplan
« Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui. » — Alexis de Tocqueville
Je vous propose un petit exercice : avant de lire la suite de cet article, vous allez prendre quelques secondes pour penser à autant de chefs d’État et de gouvernement d’Europe de l’Ouest que vous pouvez. Pensez à ces illustres hommes et femmes qui nous gouvernent, ceux et celles à qui nous avons confié la lourde charge de mener le troupeau du peuple vers de verts pâturages, les grands de ce monde.
Laissez-moi deviner. Je suis prêt à parier que vous avez pensé à Nicolas Sarkozy – bien sûr – mais aussi à Angela Merkel, Silvio Berlusconi, David Cameron, José Luis Zapatero, et peut être même à George Papandreou. En revanche, je suis prêt à parier ma chemise que vous n’avez pas pensé à Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération suisse, ni à Jean-René Germanier, président du Conseil National. Vous n’avez pas pensé à Mark Rutte, ministre-président des Pays-Bas. Vous n’avez pas non plus pensé à Heinz Fischer, président fédéral, ni à Werner Faymann, l’actuel chancelier d’Autriche. N’est ce pas ?
Je vais être honnête : sincèrement, si j’avais été à votre place, j’aurais probablement cité les mêmes noms que vous. À vrai dire, il y a encore quelques heures, je n’avais jamais entendu parler de messieurs Germanier, Rutte, Fischer ou Faymann, et le nom de madame Calmy-Rey me disait vaguement quelque chose sans vraiment savoir qui elle était. Voilà des gens qui dirigent les gouvernements de pays voisins du nôtre dont nous n’entendons pratiquement jamais parler, des illustres inconnus, l’exacte antithèse de nos très bruyants et démonstratifs leaders.
Pourtant, la confédération helvétique ne semble pas si mal gouvernée que ça quand on y jette un coup d’œil. Tenez par exemple : chez nos amis Helvètes, le taux de chômage en juin 2011 était évalué à 2,8 % [1] alors qu’il était de 9,8 % en France [2]. Sur le site du portail statistique suisse, on trouve même une section « Difficultés de recrutement »… C’est dire.
Croyez-vous que les Suisses ont lancé un grand plan de relance pour arriver à de tels résultats ? Que nenni : la dépense publique de la confédération plafonne à 32 % du PIB, là où la nôtre atteint 52,8 % du PIB. Croyez-vous que la Suisse a mis en place des barrières douanières pour « protéger ses emplois » ? Eh bien non, la confédération helvétique est même un des pays les plus ouverts au monde avec un Trade Freedom Index [3] de 90 là où la France n’affiche que 82,6.
Prenez les Pays-Bas et l’Autriche : je ne vous apprendrais rien en vous disant qu’ils partagent la même monnaie que nous, et appliquent les mêmes conditions douanières que la plupart des pays de l’Unione européenne [4] – c’est-à -dire qu’ils devraient, eux aussi, être désindustrialisés et connaître un chômage élevé, n’est ce pas ? Eh bien non, en juin 2011 leurs taux de chômage s’établissaient à 4,1 % et 3,9 % respectivement. Ah ! me direz-vous : il doivent travailler pour des salaires de misère, ces pauvres gens- là ! Eh bien non : le salaire net moyen autrichien est 18 % plus élevé que le nôtre, et aux Pays-Bas… c’est 29 % de plus qu’en France.
Comment est-ce possible ? Eh bien c’est fort simple : ils payent beaucoup moins de charges sociales [5] et n’allez pas me dire que la vie en Autriche ou aux Pays-Bas est un enfer…
On n’entend jamais parler d’eux, mais il semble que finalement, ils ne font pas du si mauvais travail que ça. En même temps, il faut reconnaître qu’ils n’ont pas tellement le choix : un autre point commun entre la Suisse, l’Autriche et les Pays-Bas, c’est que ce sont des États où les notions de division des pouvoirs et de « checks and balances » n’ont rien d’abstrait ni de théorique. Ce sont des pays où il existe des lois, un cadre institutionnel stable, et où le gouvernement a pris soin, depuis bien longtemps, d’habituer le peuple à se passer de lui.
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Sur le web
Article originellement titré « Du bon gouvernement » et publié sur 24hgold.com le 27.10.2011
Notes :
[1] SECO, juin 2011.
[2] Eurostat, juin 2011.
[3] Fondation Heritage, 2011.
[4] Sauf trois pays qui sont plus protectionnistes que les 24 autres : Chypre, la Grèce et… la France (voir [3]).
[5] Voir « Fardeau fiscal de l’employé lambda au sein de l’UE », James Rogers et Cécile Philippe (Institut Économique Molinari / New Direction / Ernst & Young).[/note]
pour les pays bas ,beaucoup de gens ont des allocations handicapés et sont retirés des statistiques chomage.mais c’est vrai qu’ils ont une politique de l’emploi très dynamique et valorisante par rapport a nous
« beaucoup de gens ont des allocations handicapés et sont retirés des statistiques chomage »
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Pareil qu’en France, donc bref, vague généralité invérifiable = brève de comptoir => poubelle.
Micheline Calmey-Rey faire du bon travail?? N’exagérons quand même pas.
C’est une socialiste qui a justement essayé de faire bien plus parler d’elle que la plupart des autres politiciens suisses. D’un point de vue libéral, son bilan n’est pas très flatteur.
D’ailleurs, les socialistes romands envient à la France son smic, sa sécurité sociale, ses impôts, son rôle dans l’UE, ils font tout pour tenter de l’imposer chez nous, et si nous n’avions eu la démocratie directe et les Suisses-Alémaniques, cela fait longtemps qu’ils seraient arrivés à leurs fins.
« pour les pays bas ,beaucoup de gens ont des allocations handicapés et sont retirés des statistiques chômage. »
Cela fait longtemps qu’ils ont rompu avec cette politique et, si on regarde le taux d’emploi (chiffres de 2010 sur Eurostat), il est de 63.8 pour la France et de 74.7 pour les Pays Bas (c’est le plus haut de l’UE).
Par ailleurs, j’avais regardé la corrélation entre les taux de chômage et le taux d’emploi dans l’UE et on constate que le chômage est plus faible quand le taux d’emploi est plus élevé. Ce qui va à l’encontre de l’idée qu’il faut exclure des gens du marché du travail pour diminuer le chômage.
I give it two thumbs up !
Suisse romand, socialiste, et je suis loin d’envier la France.
Le SMIC généralisé a trop d’effets pervers: disparitions des « petits jobs », nivellement des bas salaires vers le encore-plus-bas, etc.
La sécurité sociale française les conduit gentiment à la ruine…
L’impôt c’est même inutile d’en parler, et si vraiment ça vous intéresse, demandez directement à toutes les grosses fortunes qui ont rejoint la Suisse pourquoi elles l’ont fait.
Le rôle de dans l’UE? Pas tous les socialistes suisses souhaiteraient rejoindre l’UE, loin s’en faut. On voit bien que vous n’avez aucune idée de quoi vous parlez!
Attention je ne défends pas Calmy-Rey car je partage au moins votre opinion sur son bilan, à savoir qu’il n’est pas très flatteur, d’un point de vue libéral ou de n’importe quel autre point de vue d’ailleurs. Cependant il semble que vous n’ayez même pas compris le but de cet article, qui n’était pas d’encenser la présidente de la Confédération actuelle mais de mettre en évidence que personne ne le sait et que c’est peut-être là que réside la force de notre pays. En effet, plutôt qu’un nain qui s’improvise empereur ou un bulldog blond hermaphrodite, nous avons la chance d’avoir un système qui permet, voir contraint, une certaine collégialité, impliquant certes quelques lenteurs, mais garantissant vraisemblablement le bon fonctionnement du pays, puisque notre niveau de vie est un des plus élevés au monde.
Quant à la démocratie directe, elle nous a récemment fait passé plusieurs fois pour des abrutis aux yeux de ce même monde (Minaret, ridicule armée suisse, et j’en passe), à un tel niveau que, même en forçant tout son talent, pourtant immense, notre championne Calmy-Rey ne pourrait égaler. Cette démocratie-là a certes des vertus, mais elle peut très bien jouer en la défaveur de l’intérêt général et il serait bon de ne pas l’oublier.
D’ailleurs, je me risque là à un préjugé, mais mon petit doigt me dit que si c’est Ueli Maurer qui avait été cité et non pas Calmy-Rey, vos doigts d’homme de droite atteint dans sa foi par les récentes élections fédérales n’auraient peut-être pas glissé sur le clavier pour y pondre une telle connerie.