Par Mathieu Beaufrère
Un article publié en collaboration avec Paixao Hall
Qui aurait pu prévoir que Jacques Schwarz-Bart, promis à une brillante carrière politique, commence sur le tard une épopée musicale et s’impose en seulement quelques années comme l’un des jazzmen les plus talentueux de sa génération ?
Né dans Les Abymes en Guadeloupe, Jacques découvre très tôt le Gwoka, musique traditionnelle de l’île où l’entrelacement des rythmes joués par des tambours occupe une place prédominante. Surtout, il grandit dans l’univers riche et métissé de ses parents qui se rencontrent à Paris à la fin des années 1950. André Schwarz-Bart termine alors laborieusement son livre Le Dernier des Justes (Prix Goncourt 1959) avant d’initier Simone, sa future femme, à l’écriture, décelant en elle le talent d’un grand écrivain. Les signes étaient donc avant-coureurs…
Adolescent, le jeune homme se nourrit d’influences très diverses, de Stevie Wonder à Fela Kuti en passant par John Coltrane, Charlie Parker et Django Reinhardt. En parallèle, il s’applique à rendre une copie idéale. Bachelier à 16 ans, Jacques intègre la faculté de Droit Panthéon Assas et sort diplômé de l’Institut d’Étude Politique de Paris. Attaché parlementaire au Sénat, il achète son premier saxophone et sans crier gare plaque tout pour entreprendre son cheminement artistique personnel ! En 1994, il ressort diplômé du très célèbre Berklee College of Music de Boston, qui a la réputation d’être la meilleure école de musique moderne au monde. Jacques Schwarz-Bart, qui ne se refuse rien, vient compléter la liste des élèves prestigieux après Miles Davis, Joey Kramer, Keith Jarrett, Brad Whitford, Quincy Jones. Le jeune saxophoniste est alors une étoile qui monte, dont l’étendue artistique demeure insoupçonnable. Sans hésiter un instant, Jacques se rend à New York et s’impose dans une Jam Session face à Roy Hargrove ! Séduit, ce dernier engage le guadeloupéen qui composera le célèbre Forget Regret pour le RH Factor du trompettiste. Cette aventure permet à Jacques de jouer avec Chucho Valdés à Jazz in Marciac et au Village Vanguard.
Après de très nombreuses collaborations, « Brother Jacques », comme le surnomment désormais les plus grands, développe ses propres projets et puise dans ses racines, dans ses influences et dans sa culture actuelle. Le coup d’essai prend forme avec Inspiration, enregistré en février 2003 à New York et le coup de maître arrive sans tarder  avec la publication chez Universal de Soné Ka La. Après Un Plat de porcs aux bananes vertes, le chef d’œuvre de la littérature antillaise écrit à quatre mains par ses parents, Jacques Schwarz-Bart magnifie à son tour ses racines guadeloupéennes. Dans cet album, le saxophoniste revendique sa part de négritude et assemble jazz moderne, gwo-ka sans omettre les rythmes funky de la caraïbe et le groove new yorkais avec une sensibilité et une efficacité époustouflante ! Jacques Schwarz-Bart aura pris son temps mais, à plus de quarante ans, il joue désormais dans la cour des grands.
Se succèdent alors Abyss en 2008, hommage sombre et renversant à son père disparu deux ans plus tôt, sublime manière de faire son deuil, et Rise Above en 2010. Papa à son tour, Jacques a su trouver dans la voix de sa compagne Stéphanie Mckay un point d’orgue à son Å“uvre, sans jamais renier ses racines. Le saxophoniste qui n’est pourtant pas à sa première collaboration vocale, pour avoir joué notamment avec la chanteuse Erykah Badu, le chanteur Jacob Desvarieux ainsi que la star des caraïbes Admiral T, atteint avec Rise Above un jeux de velours toujours en fusionnant les styles avec passion et talent !
La rappeuse Me’shell Ndegeocello est encore celle qui parle le mieux du prodigieux saxophoniste…
Les sonorités de Jacques me rappellent les cerisiers en fleurs – ses mélodies sont comme des fleurs belles et parfumées, tandis que son groove établit une solide fondation, semblable aux racines profondes d’un tronc d’arbre. Très peu de saxophonistes ont cet équilibre de pure expression et de funk.
Modestement, au terme d’un parcours passionné, avec une sensibilité et une maîtrise artistique surprenante, Jacques Schwarz-Bart n’a donc pas fini de nous émerveiller.
Merci de me faire découvrir cet artiste, beau parcours et belle rencontre.