Foreclosuregate : les gangs de Wall Street contre l’État US
Ok, je sais, c’est dimanche et je m’étais promis, dans un précédent billet, de ne pas vous faire avaler vos croissants de travers en plein week-end. Concernant la catastrophe financière et immobilière qui s’approche aux États-Unis, je vais donc la jouer pianissimo : tout ne va pas bien, mais comparé à ce qui va nous tomber dessus, la situation est plutôt tranquille. Pour le moment.
En France, on n’en a pour ainsi dire pas entendu parler. Le Foreclosure-gate, avec un nom pareil, ne pouvait de toute façon pas faire la une des journaux. Trop compliqué, et trop anglo-saxon dans l’esprit, il était peu probable que la presse relate le véritable cataclysme qui secoue la finance immobilière aux États-Unis.
En fait, compte-tenu des montants en jeu dans ce qui apparaît comme étant la plus grosse opération frauduleuse de tous les temps, la faillite de Lehman-Brothers en 2008 ressemble par comparaison à un petit rot à la suite d’un repas un peu plantureux.
Et pourtant, les journalistes français furent extrêmement timides à suivre l’affaire. Par exemple, dernièrement, on apprend que Goldman Sachs est en délicatesses avec la justice américaine. Les articles correspondants sont particulièrement courts : en gros, la firme financière aurait fait des trucs louches avec les subprimes, mais on n’en sait pas plus…
C’est là qu’intervient Vincent Bénard. Mon illustre confrère, blogueur sur Objectif Liberté et Objectif Eco, déjà très intéressé par l’immobilier de ce côté-ci de l’Atlantique, s’était naturellement penché sur le sujet côté américain, notamment pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de la crise financière déclenchée fin 2008.
Et de fil en aiguille, il a, comme d’autres blogueurs et journalistes américains, découvert l’énormité du scandale que la tourmente financière a dévoilé. Devant l’atonie de la réaction médiatique française, il a décidé de collecter l’ensemble des faits qu’il avait à sa disposition, de les remettre dans l’ordre chronologique et dans une forme digestible par le commun des mortels et de présenter le résultat sous la forme d’un livre de 150 pages, disponible ici par exemple.
J’ai eu l’occasion de manipuler le précieux ouvrage.
Ok, je sais, la couverture n’est pas top. Il y a quelques fautes d’orthographe ici et là, liées, d’après ce que m’en a dit l’auteur, à une certaine précipitation de l’éditeur à faire paraître l’ouvrage.
Mais ces réserves faites, le contenu, lui, est prenant.
En quatrième de couverture, on y lit que, je cite « Cette histoire ressemble à un roman et se lit comme un western financier » et pour une fois, c’est parfaitement exact : on le lit vite, on le comprend bien et on a le même sentiment que dans certains romans d’action où on passe d’un rebondissement à l’autre, chapitre après chapitre, en se demandant où l’auteur va chercher tout ça.
Car ici, page après page, c’est le descriptif clinique, clair et sans fards de la plus grosse escroquerie organisée dans l’histoire de l’humanité. C’est l’histoire, par le menu, des étapes qui ont conduit une petite clique de gens riches, cyniques et absolument sans scrupules à piller les ressources financières d’un pays en mettant, sciemment, à genoux des millions de personnes, en jouant sans vergogne à la fois sur le rêve américain et sur la motivation la plus profonde des humains : posséder sa propre maison.
Le livre dépeint ainsi comment, d’irresponsabilités en magouillages, de petits arrangements en compromissions puis en corruptions, la plupart des banques du pays en sont venues à vendre des prêts à des personnes qu’elles savaient insolvables, à revendre ces prêts dans des conditions rocambolesques pour camoufler leur degré de pourriture, et, simultanément, à s’assurer contre les défauts de ces prêts, tout en pariant lourdement contre ces prêts et en faisant tout pour que les détenteurs des crédits fassent défaut. On comprend maintenant pourquoi Goldman Sachs, qui ne fut pas le dernier, loin s’en faut, à proposer ces outils, soit convoqué par le procureur du district de Manhattan.
C’est aussi l’histoire d’une fraude massive par atteinte au droit de propriété, puisque des millions de prêts, des millions d’hypothèques ne sont plus rattachées à des actes légaux tangibles. Des millions de prêts sont adossés à des propriétés factices ou, pire encore, dont l’acte est partiellement ou complètement frauduleux.
C’est en outre l’analyse des dérives étatiques galopantes qui auront poussé tous les acteurs de la chaîne à oublier tous les risques, toutes les précautions et tous les principes de bon sens, depuis le consommateur des prêts immobiliers, jusqu’aux banques en passant par tous les organismes d’États qui se sont goinfrés à tous les endroits possibles. Le tout aboutit à un montant global en jeu de centaines de milliards de dollars : plusieurs centaines pour gérer et apurer les prêts douteux et plusieurs centaines pour les redressements fiscaux. L’Amérique va avoir bien du mal à se sortir d’un tel faux pas.
C’est enfin quelques conseils judicieux pour tenir son patrimoine à l’écart des catastrophes que ce tsunami financier va déclencher et qui ne manqueront pas de lessiver aussi des épargnants européens.
Les lecteurs qui veulent en savoir plus pourront se rendre sur le site dédié ou sur Objectif Liberté qui l’évoque dans ses colonnes.
Désolé pour vos croissants ; bon dimanche et bonne lecture.
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En complément, je vous invite à regarder l’excellent Inside Job de Charles Ferguson.
Celui de Nicolas Winding Refn est bien meilleur.