Les déficits commerciaux démystifiés

Les déficits commerciaux résultent d’échanges volontaires entre des individus qui y gagnent tous

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Les déficits commerciaux démystifiés

Publié le 23 février 2011
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Il ne faut pas oublier que les déficits commerciaux résultent d’échanges volontaires entre des individus situés de part et d’autre de ligne imaginaires que l’on nomme frontières. Et, par définition, un échange ne fait que des gagnants.

Ce billet fait suite à mes autres billets sur le commerce international publiés ici et ici. Je vous encourage fortement à les revoir.

L’un des grands mythes découlant du keynésianisme est la croyance selon laquelle les déficits de la balance commerciale sont mauvais et qu’il faille agir pour les éradiquer. Pour les néophytes, la balance commerciale est la différence entre les exportations et les importations d’un pays. Lorsque les importations sont plus élevées que les exportations sur une période donnée, la balance commerciale est dîtes en déficit.

Premièrement, il est mathématiquement impossible que tous les pays affichent un surplus à leur balance commerciale. Autrement dit, la somme de toutes les balances commerciales de tous les pays est de zéro. Est-ce que les pays affichant un déficit commercial sont plus pauvres que ceux qui ont un surplus ? Absolument pas, certains des pays ayant les déficits commerciaux les plus élevés figurent parmi les plus riches de la terre. Parmi ceux-ci, on retrouve la Nouvelle-Zélande, l’Irlande, le Portugal, la France, l’Italie, l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Lorsqu’un individu importe quelque chose d’un autre pays, il échange de l’argent qui sort de son pays contre des biens qui entrent dans son pays. Par exemple, j’ai récemment acheté un livre en provenance des États-Unis via Internet. J’ai échangé des dollars canadiens contre des dollars américains, que j’ai envoyés à Amazon, qui m’a expédié le livre en retour. La personne qui m’a vendu les dollars américains a obtenu des dollars canadiens en retour. Si cette personne veut les utiliser, elle devra d’une façon ou d’une autre les dépenser contre des biens ou services produits au Canada. Sinon, elle pourra les utiliser pour investir au Canada. Tôt ou tard, ces dollars canadiens reviendront au Canada.

Si l’argent est utilisé pour investir dans le capital productif du pays, c’est une bonne chose. Par exemple, lorsqu’une multinationale étrangère établit une nouvelle usine dans notre pays ou que des étrangers achètent des actions d’entreprises opérant au Canada, ce qui leur permet de financer leur expansion. L’investissement étranger est une très bonne chose pour la prospérité d’un pays.

Par contre, si l’argent est utilisé pour financer l’endettement croissant de la nation (ménages et gouvernements), là il y a un problème ; c’est là qu’est la nuance entre un déficit commercial bénin et un déficit commercial potentiellement problématique. Ce genre de déficit commercial est le signe que la nation en question vit au-dessus de ses moyens ; c’est-à-dire qu’elle s’endette pour consommer ; qu’elle hypothèque son avenir pour dépenser plus à présent. C’est notamment le cas lorsque la Chine utilise ses dollars américains pour acheter des bons du trésor du gouvernement fédéral américain, ce qui s’est produit outre mesure au cours des années 2000s.

Ceci étant dit, il est très important de comprendre que le déficit commercial n’est pas la cause de ce problème, c’est le symptôme. Le véritable problème n’est pas que les exportations soient inférieures aux importations, mais bien que l’endettement est en hausse et que le pays vit au-dessus de ses moyens. Il est donc futile, voire néfaste, de mettre en place des politiques visant à stimuler les exportations (ou restreindre les importations). Il faut régler un problème en s’attaquant aux causes, et non aux symptômes !

Le scénario catastrophe survient lorsque la banque centrale d’un pays crée de la monnaie à profusion, ce qui facilite l’endettement et encourage la consommation présente. Les importations sont alors stimulées par cette demande locale plus élevée, mais il n’y a aucun effet direct sur les exportations. La balance commerciale se détériore donc automatiquement. En fait, depuis l’abandon total de l’étalon-or en 1971, qui a permis aux États-Unis de générer une croissance exponentielle de leur masse monétaire, l’endettement n’a pas cessé d’y croître, de pair avec leur déficit de la balance commerciale.

Le graphique suivant présente la balance commerciale des États-Unis. Notez que la hausse récente est attribuable à la récession, durant laquelle la consommation a grandement fait diminuer les importations.

Finalement, il ne faut pas oublier que les déficits commerciaux résultent d’échanges volontaires entre des individus situés de part et d’autre de ligne imaginaires que l’on nomme frontières. Par définition, un échange ne fait que des gagnants. Si l’une des deux parties prenant part à l’échange se sentait flouée par celui-ci, elle refuserait d’y prendre part. Si l’échange a lieu, c’est donc que les deux parties ont davantage besoin de ce qu’elles obtiennent que de ce qu’elles donnent en retour. Il en résulte donc qu’après l’échange, les deux parties y ayant participé se retrouvent avec quelque chose qui a plus de valeur à leurs yeux que ce qu’elles ont donné en échange. Par exemple, le livre que Amazon m’a expédié a plus de valeur à mes yeux que les $25 que j’ai remis à Amazon pour l’obtenir. En revanche, Amazon préfère obtenir mon argent plutôt que de garder le livre dans son inventaire. On peut donc conclure qu’Amazon ET moi sommes tous les deux plus satisfaits après l’échange que nous l’étions avant.

Comment un tel échange peut-il bien nuire au Canada ? Peut-être nuit-il aux détaillants canadiens de livre et par conséquent à l’emploi au Canada ? Si j’ai décidé d’acheter ce livre de Amazon aux États-Unis, c’est que le prix était plus attrayant. Si je l’avais acheté au Canada, je l’aurais payé $35. Cela aurait certes contribué à l’industrie canadienne des détaillants de livres et au niveau d’emploi dans cette industrie ; c’est ce que l’on verrait. Cependant, ce qu’on ne verrait pas est que pour payer ce $10 supplémentaire, je devrais réduire ma consommation d’un autre bien, disons de la musique. Cette baisse de consommation de musique affecterait négativement l’industrie canadienne des détaillants de musique ainsi que les emplois qui y sont reliés. On peut donc conclure que les deux transactions sont pratiquement équivalentes pour l’économie canadienne et l’emploi au Canada, excepté que si on m’obligeait à acheter le livre au Canada pour $35, mon niveau de vie serait diminué de $10 puisque je devrais me priver de $10 musique, alors que dans un libre-marché mon niveau de vie serait plus élevé puisque j’aurais à la fois le livre à $25 et $10 de musique.

Lorsque vous échangez votre travail contre une rémunération, votre employeur engendre un déficit commercial envers vous. Dans le même ordre d’idées, lorsque vous achetez des denrées à l’épicerie, vous engendrez un déficit commercial envers l’épicier. Est-ce que cela est mauvais signe pour vous ou votre employeur ? Pas du tout ! Par contre, si vous vous achetez une immense résidence, encourant ainsi un déficit commercial avec le vendeur de cette résidence, financée par un prêt hypothécaire dont les versements monopoliseront 50% de votre revenu, là il y a un problème. Le problème n’est pas le déficit envers le vendeur de la résidence, mais bien l’ampleur de la dette ayant servi à le financer.

Encore une fois, Frédéric Bastiat nous propose un exemple éloquent de l’absurdité de la lutte aux déficits commerciaux. Dans son exemple, un vignoble de France vend son vin pour 50 francs par caisse à un exportateur français qui l’apporte en Angleterre pour l’y vendre. Les douanes enregistreraient donc une exportation de 50 francs. Ce marchand revend ensuite ce vin pour 70 francs (ou l’équivalent en livres) en Angleterre. Supposons ensuite que ce marchand français utilise ces 70 francs nouvellement obtenus en Angleterre pour acquérir du charbon produit en Angleterre et l’exporter en France. Les douanes françaises enregistreraient une importation de 70 francs. Disons que ce charbon se vende ensuite pour 90 francs en France. Le marchand français ferait donc un profit total de 40 francs, mais la balance commerciale française afficherait un déficit de 20 francs (50 francs d’exportations de vin moins 70 francs d’importations de charbon). Est-ce que ce déficit commercial est problématique ? Pas du tout ! Au cours de ces transactions, la France obtient l’équivalent de 90 francs de charbon contre une caisse de vin à 50 francs. Le déficit commercial de la France n’est alors que le reflet du succès de son marchand !

Maintenant, si vous êtes toujours convaincus que les déficits commerciaux sont mauvais en eux-mêmes, je vous défie de m’expliquer comment cela pourrait bien être le cas…

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