La construc­tion euro­péenne dans l’impasse

Les temps sont durs pour Cathe­rine Ash­ton, la Haute repré­sen­tante à la diplo­ma­tie euro­péenne

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La construc­tion euro­péenne dans l’impasse

Publié le 28 janvier 2011
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Les temps sont durs pour Cathe­rine Ash­ton, la Haute repré­sen­tante à la diplo­ma­tie euro­péenne qui subit un flot de cri­tiques de plus en plus viru­lent, tant parmi les euro­dé­pu­tés que parmi les chefs d’États euro­péens. Un an après sa nomi­na­tion, la Bri­tan­nique peine tou­jours à convaincre et beau­coup lui reprochent son manque d’initiative dans l’élaboration d’une diplo­ma­tie euro­péenne. Du séisme en Haïti à la Révo­lu­tion de jas­min en Tuni­sie, en pas­sant par la crise israélo-palestinienne ou encore le sta­tut quo en Côte d’Ivoire, force est de consta­ter que la parole de l’Union euro­péenne s’est faite dis­crète. Doux euphé­misme que celui-là. Et « Le nou­veau départ » que consti­tue la mise en place du Ser­vice euro­péen d’action exté­rieure (SEAS) n’est guère par­venu à dis­si­per les doutes quant aux capa­ci­tés de la baronne Ashton.

Si cette der­nière a accu­mulé un cer­tain nombre d’erreurs au début de son man­dat — dues en par­tie à son inex­pé­rience — il faut lui concé­der que ses marges de manœuvre étaient réduites. Sans doute parce qu’aucun des États membres n’a réel­le­ment sou­haité délé­guer tout ou par­tie de sa diplo­ma­tie aux ins­ti­tu­tions euro­péennes. De fait, la Haute repré­sen­tante a fait ce pour quoi on l’avait nommé : la tapisserie.

Ces bal­bu­tie­ments diplo­ma­tiques dépassent le simple cadre des aléas de la construc­tion euro­péenne. Ils témoignent d’un hia­tus qui ne dit pas son nom : l’Union n’a tou­jours pas tran­ché entre une construc­tion pure­ment écono­mique et une construc­tion poli­tique en vue d’un fédé­ra­lisme. Point de diplo­ma­tie sans une armée com­mune. Et point d’armée com­mune sans une ambi­tion poli­tique forte. Un vide d’autant plus fâcheux qu’un vent de liberté souffle aux portes de l’Europe qui assiste, impuis­sante et emba­ras­sée, au réveil violent des socié­tés civiles arabes.

La faillite des États providence

Du point de vue écono­mique, la situa­tion n’est guère plus brillante. Les États providence fati­gués sont à bout de souffle et s’engagent len­te­ment vers une réduc­tion des défi­cits publics afin de sor­tir de la crise de l’euro. « Les États ne peuvent pas faire faillites », se plaisait-on à rap­pe­ler dans les minis­tères euro­péens encore récem­ment. Les Grecs découvrent, dans la dou­leur, les mirages du tout étatique. D’autres sont sur le point de suivre : en Irlande, en Espagne, ou au Por­tu­gal (et en France ?) Les mar­chés ont bon dos et consti­tuent de bien com­modes boucs émis­saires. S’ils sont ces hor­ribles pré­da­teurs que médias et poli­tiques conspuent à lon­gueur de tri­bunes, il eut été de bon ton de ne pas les sol­li­ci­ter pour finan­cer le défi­cit tou­jours plus abys­sal de nos sys­tèmes d’assistance publique. « Mais qu’allaient-ils faire dans cette galère ! », aurait écrit Molière…

Après les crises grecques puis irlan­daises, les États membres ont mis en place un Fonds euro­péen de sta­bi­lité finan­cière (FESF) pour aider les pays en dif­fi­culté. Et l’ampleur de la situa­tion est telle que le mon­tant des fonds néces­saires en cas de faillite d’un État aug­mente de jour en jour. On est déjà bien loin des 110 mil­liards déblo­qués en mai 2010 pour sou­te­nir la Grèce. Les dis­cus­sions actuelles portent sur le chiffre de €1.500 mil­liards.

Le réveil des socié­tés civiles

Sauf que cette fois, les opi­nions publiques euro­péennes râlent. D’abord parce que les citoyens sont de plus en plus méfiants vis-à-vis d’une construc­tion qui ne leur a jamais sem­blé aussi loin­taine. Ensuite parce qu’ils com­prennent qu’ils vont devoir régler la fac­ture des poli­tiques publiques dis­pen­dieuses qui n’a cessé de s’alourdir au gré des pro­messes élec­to­rales. Déjà, les Alle­mands en ont assez de payer pour les cigales de l’Europe qui ont allè­gre­ment pié­tiné les condi­tions du traité de Maastricht.

L’Europe des technocrates

Les cri­tiques for­mu­lées à l’encontre de la construc­tion euro­péenne sont trop sou­vent balayées d’un revers de la main, taxées de fas­cistes et de xéno­phobes. Encore faut-il savoir de quelle construc­tion on parle. L’Union actuelle tend à trans­fé­rer de plus en plus de pou­voirs du poli­tique aux fonc­tion­naires euro­péens. Or la seule légi­ti­mité qui vaille est celle qui a été accor­dée par les peuples, sou­ve­rains, dans le cadre d’un suf­frage. L’influence de plus en plus forte de la tech­no­cra­tie dans les prises de déci­sions consti­tue sans doute l’un des plus grands défis aux­quels l’Europe aura à faire face dans le futur. Déjà, des lois de plus en plus contrai­gnantes sont adop­tées au niveau com­mu­nau­taire et les cris­pa­tions, encore latente, com­mencent à émer­ger. Il est à craindre des réac­tions vio­lentes lorsque les peuples euro­péens deman­de­ront des comptes à leurs respon­sables  poli­tiques.  

Sym­bole de ces convul­sions, la crise poli­tique en Bel­gique, pays siège de la capi­tale euro­péenne, reflète à elle seule les ambigüi­tés d’une Union qui ne sait pas choi­sir le des­tin qu’elle veut se for­ger. Il serait natu­rel­le­ment exa­géré d’affirmer que tout va mal. Tou­te­fois, les pré­mices d’une crise poli­tique et diplo­ma­tique majeure sont jetées.

Il est donc urgent de liqui­der les der­niers restes des États pro­vi­dence mori­bonds afin de libé­rer les forces vives, pro­pices au retour de la crois­sance en Europe, et de redon­ner les reines de la construc­tion aux poli­tiques, seuls dépo­si­taires de la volonté des peuples. Il fau­dra égale­ment cla­ri­fier une fois pour toute si l’Union doit n’être qu’une alliance écono­mique ou si elle doit se diri­ger vers un modèle poli­tique dont les fon­da­tions res­tent à défi­nir. Si les Euro­péens pour­ront accep­ter un échec, voire un retour en arrière pour mieux repar­tir, il est peu pro­bable qu’ils acceptent une trahison.

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  • Ce ne sont pas les fonctionnaires européens qui mènent la construction européenne, mais bien les chefs d’Etat et de gouvernement élus au sein du conseil qui inicient toutes les grandes politiques et les euro-députés élus aussi qui nous assomment de normes liberticides. Ca me rassure donc guère plus que les poiticiens soient aux commandes de l’UE.
    Et quelle différence faites-vous entre une commission nommée par un conseil de chefs d’état élus et un gouvernement issu d’une majorité parlementaire? Aucune.
    A madame Ashton, on ne lui demande rien, à quoi cela sert-il qu’elle se mêle de tout et de rien à travers le monde, et surtout en lieu et place de 27 personnels diplomatiques déjà existants? tout cela coûte bien trop cher, dessert nos intérêts et donne un alibi à tous les interventionnistes.
    Vouloir accroître les échanges dans la zone et lever les barrières institutionnelles le plus possible est un objectif noble, mais pourquoi faudrait-il absolument tout harmoniser? L’Europe se cherche mais ne se trouve pas car quand ses citoyens n’ont pas voulu des derniers traités, la caste politique européenne les a ignoré. Vouloir une Europe fédérale et lutter contre ses Etats-providence c’est oublier qu’un Etat-providence est aussi en formation au-dessus de nous.

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