Les afro-pessimistes présentent de manière générale la situation africaine comme une fatalité : ce continent serait maudit, condamné à la souffrance. Par conséquent, il ne faudrait rien attendre de lui, si ce n’est lire ou écouter confortablement les mauvaises nouvelles présentées dans les mass medias sur lui. Mais l’Afrique est-elle réellement maudite , au point où elle ne changerait jamais ? Refuse-t-elle effectivement le changement ?
Dans un article de 2008, intitulé « The Good News Out of Africa: Democracy, Stability and the Renewal of Growth and Development », Madame la Présidente Ellen Johnson Sirleaf, dont le pays (Libéria) a repris relativement vie du fait notamment d’une gouvernance relativement saine, avec son co-auteur, l’économiste Steven Radelet pensent que « Parfois, il semble qu’il y ait toujours des mauvaises nouvelles en Afrique. » Ils enchaînent directement « Mais heureusement les choses commencent lentement à changer pour le mieux, du moins dans certaines parties du continent ». En voici quelques illustrations.
Globalement, la pauvreté a commencé à reculer : en retenant le seuil de 1,25$ en parité de pouvoir d’achat de 2005, selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté en Afrique subsaharienne qui se situait à 57% en 1990 a baissé à 50% en 2005. Dans une étude de 2010, intitulée « African Poverty is Falling… Much Faster than You Think!», Xavier Sala-i-Martin et Maxim Pinkovskiy sont encore plus optimistes : l’incidence ou l’étendue – proportion de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour – de la pauvreté baisse très rapidement. Le taux de pauvreté qui atteignait 42% de la population en 1990 a rapidement diminué depuis 1995 pour atteindre 32% en 2006. À en croire, ces deux économistes, si le taux de pauvreté continue de diminuer à la même vitesse qu’entre 1995 et 2006, l’objectif du millénaire pour le développement de diminuer de moitié la pauvreté sera atteint en 2017 pour l’Afrique subsaharienne.
Précisons que la récente crise est venue mettre un bémol sur cette note positive. Mais à toile de fond de ce recul de la pauvreté, c’est d’abord et avant tout la conséquence du retour de la croissance économique. Alwyn Young, économiste à London School of Economics, dans un document récent, « The African Growth Miracle », estime que la croissance en Afrique au sud du Sahara serait plus de trois fois supérieure à ce que présente les statistiques officielles les plus utilisées au monde. Et cela depuis 1990.
Deuxièmement, les conflits interminables qui étaient devenus la spécificité africaine baissent. Rappelons quand même que de 1960 à 2008, l’Afrique a connu 74 coups d’État, 17 guerres civiles ou tribales et 18 rebellions ou conflits armés. Aujourd’hui, le conflit rwandais est devenu un chapitre de l’histoire, le problème au Darfour n’est plus aussi ardent qu’il y a quelques années. Le vif crépitement des armes est fini en Angola. La guerre en République démocratique du Congo (RDC) – qui coûtait, selon les dernières estimations, près de 4.000 morts par jour, avec eux le parachèvement de la destruction de quelques infrastructures dont disposait le pays – est finie, bien qu’on trouve encore des relatives tensions, qui entraînent mort d’hommes.
Troisièmement, de nombreux pays ont vu le poids de leur dette annulée dans le cadre du programme avec les institutions financières internationales (le cas de la RDC, République du Congo, Libéria, etc.). Et cela au prix des réformes importantes qui ont été, pour certaines, efficaces, conduisant par ricochet à une relative stabilité macroéconomique. En parlant des réformes, le nouveau rapport de Doing Bussiness de 2011 sur la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale témoigne des relatives avancées : le Rwanda, le Cap Vert et la Zambie figurent, depuis peu, parmi les leaders en matière d’amélioration de la réglementation des affaires. Elle reconnaît cependant que l’Afrique reste toujours la partie du monde où faire les affaires reste encore difficile malgré le progrès mitigé. Qui plus est, d’autres nations comme par exemple le Liberia, le Lesotho, la Namibie, la Tanzanie ont repoussé la corruption. En matière de gestion macroéconomique responsable, certaines nations africaines (Botswana, Guinée, Ile Maurice, etc.) se démarquent positivement, en dépit d’un certain relativisme qui s’impose. Les déficits jumeaux (budgétaire et commercial) chroniques et abyssaux, les inflations galopantes, les taux de change intenables… ne semblent plus être la norme, comme dans les décennies 70-80.
Quarto, plusieurs pays veulent se rattraper en promouvant la démocratie, la transparence. Nouvellement, le monde a été agréablement surpris de l’alternance politique lors de la dernière élection ghanéenne. Ce qui fut véritablement un respect de la démocratie. À côté du Ghana qui a marqué des points, d’autres pays s’illustrent également : l’Afrique du Sud, le Botswana, le Libéria…
En définitive, la malédiction n’existe pas quand il s’agit des nations. Le fait que la Chine soit partie de rien pour devenir la deuxième puissance économique mondiale en une génération en fournit une illustration. L’Afrique peut également, au regard de ses potentialités, améliorer son sort au prix naturellement des véritables réformes de fond*. Ainsi, le changement structurel qui survient progressivement par ci par là doit être soutenu, car le berceau de l’humanité en a réellement besoin.
Article paru originellement sur www.UnMondeLibre.org.
* Pour une dissertation plus longue, on peut lire avec intérêt le nouveau livre de Steven Radelet, Emerging Africa: How 17 Countries Are Leading the Way, Centre global for development, 2010.
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