Euro et 35 heures : les mauvais coupables

Longuet veut sortir de l’euro ou arrêter les 35heures. Il y a bien d’autres choses à faire avant ça pour relancer l’économie française.

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Euro et 35 heures : les mauvais coupables

Publié le 6 décembre 2010
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Il y a toujours un risque à promettre des sucettes et ne pas les distribuer : ça fait des aigris. Le président Sarkozy en fait modestement les frais avec Gérard Longuet. Il lui avait promis une petite place au chaud dans son nouveau gouvernement de rupture qui change, et voilà le président du groupe UMP du Sénat retoqué : la rupture gouvernementale n’étant pas là, le changement se résumant à quelques coups de gommes sur des sous-secrétariats en plastique, la sucette s’évapore. Longuet en profite donc pour se lâcher.

C’est terrible, un politicien qui se lâche. Et comme actuellement, c’est une belle crise économique qu’on a sur les bras, il se lâche en économie. Et c’est un peu comme un Patrick Artus (c’est maintenant un habitué de ces colonnes) qui préconise des solutions innovantes pour lutter contre l’étouffement de la zone euro (accroissement autoritaire des salaires de 20%, dévaluation de l’euro de 20%, demain on imprime gratis etc…) : on lit, on pleure, on rit, au pays de Patrick, il y a des méchants et des gentils…

Bref : un type qui n’y connaît pas grand-chose en économie et qui se lâche, c’est rapidement n’importe quoi, et c’est donc dans Le Monde qu’on apprend les solutions innovantes de Longuet.

En substance et pour continuer dans la tradition de rupture mise en place par le président, notre économiste de synthèse explique que « la seule réponse, c’est un soutien aux Etats les plus endettés par un rachat de leur dette par la Banque centrale européenne« . Ben voyons.

Et en plus, ça tombe bien, c’est exactement ce qui se passe : Trichet, pied au plancher, sans casque et sans ceinture, a maintenant largement dépassé les limitations de vitesse et débridé la petite Epson. Solution originale, donc, qui nous assure comme on peut s’en douter des lendemains qui sifflotent vigoureusement.

Epson à dollars

Mais le plus poignant, dans son petit coup de gueule qui mélange une dose d’aigreur de n’avoir point chopé du maroquin à cette analyse économique si spécifique, c’est son désir de trouver deux coupables originaux à la situation française : l’Euro et les 35 heures.

Dit comme ça, on serait en droit de rester calme et d’écouter le bonhomme. Malheureusement, il ne se contentera pas de dodeliner de la tête (qu’il a fort grosse, à défaut de fort remplie).

Gérard Longuet From Outerspace

Pour lui, et il nous l’explique tout de go, « Il faut travailler plus pour le même prix« , ce qui démange déjà un petit peu au niveau des phalanges. Il ajoute ensuite « Ou on sort de l’euro ou on sort des 35 heures, mais on ne peut pas avoir les deux« . Tout de suite, le vague picotement qu’on ressentait s’évanouit : on respire, il dit n’importe quoi, tout va bien, on est dans le cas standard du politicien lâchement excité par un journaliste avec son gros micro mou.

Certes, les 35 heures ont provoqué un paquet de nuisances alors qu’on n’avait rien demandé (rappelons que cette proposition post-it n’a été introduite par Aubry et DSK que pour avoir quelque chose à dire suite à la dissolution parlementaire surprise de Chirac) ; il suffira, pour rire jaune, de se rendre dans n’importe quel service d’urgence hospitalière pour comprendre que la désorganisation y est encore aigüe. Mais on imagine tout de suite l’énorme bazar s’il venait à l’idée de la droite, de la gauche ou de n’importe qui de vouloir tripoter l’imposant mille-feuille administratif mis en place suite à cette loi.

Certes, l’euro a provoqué, on peut le voir, des chocs économiques considérables, tout simplement parce qu’il a donné un véritable blanc-seing aux pays dépensiers, incontinents de la dette ou barbotant dans les magouilles comptables : les comportements négligents ont été littéralement camouflés par une monnaie unique notamment supportée à bouts de bras par des pays à la gestion plus carrée. Ça ne dure qu’un temps.

Mais lier la monnaie unique et les 35 heures, c’est juste n’importe quoi. Ces deux facteurs, en soi, n’expliquent pas les performances historiquement mauvaises de la France à produire de l’emploi. Ils ne permettent même pas de fournir une raison principale, tout au plus s’ajoutent-ils aux vraies raisons qui ont fait de la France une magnifique machine à perdre.

Et il ne faut pas chercher bien loin pour les trouver ; en réalité, les articles abondent qui parlent des vrais soucis des vrais Français, ceux-là même qui font de la vraie économie tous les jours, un peu à la manière de Jourdain et de sa prose, ceux-là même qui ont une vision certainement plus juste de ce qui entraîne le pays au fond de l’abîme pendant que des Longuet, des Artus, des Baroin ou des Lagarde continuent de fanfaronner avec leurs idées nouvelles aux odeurs naphtaline.

Tenez, par exemple, cet article un peu tristoune, qui explique comment, avec le magnifique statut d’Auto-Entrepreneur, on se retrouve embringué dans des démarches ubuesques.

Sans même s’attarder sur l’affaire complète de ce nouveau statut qui aura achevé l’année avec une distribution de vaseline, on peut constater assez facilement l’empilement administratif des chambres de commerce, des caisses sociales, des organismes d’état fiscaux et para-fiscaux, plus les évidentes tracasseries habituelles en comptabilité et en pure gestion de paperasse immanquable dans toute entreprise. Sans compter qu’en général, les aimables préposés de l’ensemble de ces administrations sont d’une compétence dont la marge de progression reste encore très large, et que les règlements internes, les lois en vigueur et le sabir minutieux avec lequel ils sont écrits ajoute à la limpidité des eaux dans lequel tous ce petit monde évolue en faisant des gaz à effet de serre.

Tout ceci donne évidemment une envie irrépressible de se lancer dans l’aventure … habillé intégralement en cuir.

La Crampe

Eh oui, mon brave Gérard : le problème de la France, ce n’est pas d’abord un problème de monnaie, pas plus qu’un problème de temps de travail. Certes, ces deux éléments ajoutent à l’entropie générale, en touillant vitesse turbine dans le caca institutionnel.

Le principal problème, c’est qu’en France, il est devenu impossible de créer de l’emploi sans s’en mordre les doigts jusqu’à l’os à un moment ou un autre. Il est devenu héroïque de créer une entreprise et pouvoir en tirer bénéfice si l’on est honnête et sans réseau. Il est devenu complètement illusoire de s’imaginer rester dans la légalité plus de cinq minutes si l’on veut rester sain d’esprit.

Au rythme où vont les choses, le pays se transforme tous les jours un peu plus et un peu plus vite en pays de l’Est avant la chute du Mur, où le marché noir et les combines sont les seules méthodes pour améliorer l’ordinaire constitué de tickets de rationnement et de soupes populaires.

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