Licences des taxis : ce n’est pas au contribuable de payer

Pourquoi indemniser les taxis avec l’argent des citoyens est immoral. L’analyse radicale de Bertrand Lemennicier.

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Taxi parisien - Crédit photo : Chris Goldberg via Flickr (CC BY-NC 2.0

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Licences des taxis : ce n’est pas au contribuable de payer

Publié le 9 avril 2016
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Le secrétaire d’État aux Transports a proposé la création d’un fonds de garantie, financé par les professionnels du secteur, qui permettrait aux taxis volontaires de se faire racheter leur licence. Pour désamorcer le conflit avec les VTC, les pouvoirs publics sont donc prêts à débourser des milliards qui finiront par être ponctionnés sur le contribuable. Non seulement l’efficacité est discutable, mais sur le plan des principes, l’action du gouvernement est injustifiable.

Par Bertrand Lemennicier.

Un taxi parisien
Taxi parisien – Crédit photo : Chris Goldberg via Flickr (CC BY-NC 2.0

Rembourser les licences de taxi est immoral et inefficace à long terme, car le rachat des licences encourage la récidive.

Si ce remboursement a lieu, il doit l’être une fois pour toutes et suivi d’un principe constitutionnel d’interdiction absolue dans le futur pour un homme politique, au niveau local ou national, d’accorder des licences ou permis de taxi, et de faire la police de l’entente des cartels en créant des missions spécifiques de la police nationale ou municipale pour assurer ces basses œuvres.

 

La création des dommages par les autorités politiques

L'Etat veut racheter des plaques de taxi
L’Etat veut racheter des plaques de taxi (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, CC-BY 2.0)

L’affaire est simple : à un moment donné de l’histoire, des hommes politiques locaux ou nationaux durant l’exercice de leur mandat distribuent un privilège en accordant un permis d’exercer un métier qui permet de raréfier artificiellement l’offre sur le marché de ce moyen de transport.

De ce seul fait du Prince, les clients paient un prix plus élevé de celui qu’ils devraient payer si l’entrée sur ce marché était restée libre. Ils sont les premières victimes. Les chauffeurs de taxi ne sont pas non plus des innocents, ils savent très bien qu’ils participent à une action condamnable qui exige d’utiliser la violence (privée ou étatique) pour faire payer un prix plus élevé que le prix qui aurait été observé sans cette action collective de cartellisation. Ils savent très bien que les exclus de ce marché (ceux qui n’ont pas pu obtenir une licence) sont aussi des victimes de cette réglementation.

Les gagnants de cette opération sont les chauffeurs de taxi qui obtiennent au début de leur métier ce permis (ou cette licence) gratuitement. La première année où ce cartel entre en jeu, personne ne connaît la valeur de la rente. Elle est connue au moment où, pour une raison ou une autre, le chauffeur de taxi cesse son activité et revend sa licence à un nouveau chauffeur de taxi.

Tous les chauffeurs de taxi qui rachètent la licence paient à l’avance la rente que leur procure cette autorisation, et ne gagnent rien à cette opération. Ils ne peuvent pas ignorer qu’ils achètent un produit qui viole la propriété de ceux qui désirent exercer le métier de taxi librement, sans avoir à payer de licence, celle des clients qui désirent payer le prix de la course au prix de marché, et non pas à un prix supéreur suite à la présence d’un cartel, source même de la rente ; et enfin les contribuables qui paient les salaires des policiers en charge de faire respecter l’entente entre les membres du cartel au lieu et place des hommes de main que les dirigeants du cartel auraient dû recruter pour assurer par la violence leurs basses œuvres.

D’un côté nous avons trois types de victimes :

  1. Les chauffeurs qui se voient refuser le droit naturel d’offrir leur talent dans ce métier sans être contraints d’acheter un permis pour l’exercer
  2. Les clients qui paient un prix bien au-dessus de ce qu’ils devraient payer
  3. Les contribuables qui n’ont pas payé des impôts pour voir la police défendre ceux qui les oppriment par le maintien d’un cartel.

 

De l’autre côté un gagnant : la première génération de taxi qui a disparu au moment où le cartel s’effondre sous la pression de la concurrence extérieure.

Il est impossible de se reporter sur la génération qui a bénéficié initialement du vol opéré sur les consommateurs, vol qui perdure d’année en année, pour lui demander des comptes et rembourser les sommes indûment perçues.

 

Une réglementation inique

Les dommages perdurent, faute de pouvoir supprimer la réglementation initiale sans détruire la valeur de la rente procurée par la licence de taxi.

D’abord, les véritables gagnants sont constitués par la première génération de chauffeurs de taxi qui a bénéficié du monopole sans payer de licence.

Les perdants sont les clients qui, dans cette première génération, ont vu leurs anticipations être trompées en payant un prix plus élevé que celui escompté du seul fait du monopole. Tous les clients des générations suivantes sont en parties victimes s’ils n’ont pas la possibilité de reporter le surcoût du prix de la course sur quelqu’un d’autre.

Les générations suivantes de chauffeurs, qui ont acheté la licence, savent que ce cartel ne perdure que si le Prince accepte de façon permanente de les protéger par la loi. Or, faire perdurer ce cartel veut dire user de la police pour faire respecter l’entente entre les membres du cartel (vérifier les quotas de courses par jour, la sectorisation et les tarifs), et en pourchassant les chauffeurs clandestins n’ayant pas de licence. Les chauffeurs de taxi actuels détournent l’impôt versé par les contribuables pour assurer soi-disant leur protection à des fins de les opprimer en protégeant de façon permanente une activité consistant à « voler » les clients qui prennent un taxi. Que le contribuable prenne ou non le taxi, il paie l’impôt qui sert à faire perdurer ce vol.

Ensuite, il ne s’agit pas d’un vol commis individuellement mais collectivement.

Les victimes de la première génération sont des clients que l’on pourrait retrouver par les factures de taxi ; et chaque membre du cartel de cette première génération serait tenu de restituer à ses clients la différence entre le prix du cartel et celui d’un marché où l’entrée est libre.

Le processus est long mais réalisable. En revanche, ceux qui ont renoncé à ce métier du fait même du prix de la licence sont anonymes, ils ne peuvent être remboursés de la différence de revenu qu’ils obtiennent actuellement avec celui qu’ils auraient eu s’ils avaient acheté la licence. Tout ce petit monde a fini par disparaître avec les années.

Enfin, il y a un personnage central bien connu qui est finalement le seul à l’origine de ce vol à grande échelle : l’homme politique, un maire par exemple, qui d’une façon ou d’une autre a commandité l’instauration de cartel. Il a pu le faire pour de bonnes raisons de son point de vue, en frappant des innocents, les clients qui ont besoin, pour se déplacer, d’utiliser des taxis à un prix raisonnable.

Il n’était pas obligé de succomber aux sirènes d’une fraction de ses élus ou de satisfaire son idéologie du mode de transports qu’il faudrait imposer aux autres.

Il a l’entière responsabilité du désastre qu’il observe aujourd’hui : la fin du cartel des chauffeurs de taxi sous la pression de nouvelles formes de concurrence. Or, en proposant d’indemniser les licences de taxi aux chauffeurs actuels en demandant au contribuable de payer à sa place pour les fautes commises, il est d’un cynisme qui n’a plus de borne.

 

Une indemnisation immorale

De ce point de vue, cette forme d’indemnisation est profondément immorale.

L’homme politique demande à la victime de payer par l’impôt le voleur pour qu’il cesse de le voler !

Où avez-vous vu un principe de justice dans cette opération de déréglementation d’un cartel ?

Celui qui a accordé le permis d’exercer ce métier, et donc accepté ce vol collectif, et qui a contribué à maintenir dans le temps par l’impôt cette prédation, du jour au lendemain, demande aux contribuables de payer à nouveau pour faire cesser ce vol collectif comme si, lui, n’avait aucune responsabilité dans l’élaboration de cette réglementation ? C’est lui qui, sur ses propres deniers, devrait rembourser les licences de taxi puisqu’il est à l’origine du mal qu’il a créé.

Demander au contribuable de payer les licences encourage la corruption et le vol, solution parfaitement rationnelle pour l’homme politique qui vit justement du vol (l’impôt) et de la corruption (légale) pour acheter les votes qui le feront réélire. Chose aisée pour lui puisqu’il est un irresponsable institutionnel. On comprend bien son attitude mais cela ne change rien à son comportement profondément immoral qui le discrédite de fait.

À sa décharge, on sait très bien qu’il agit dans un contexte institutionnel où l’électeur est aussi corrompu que lui lorsqu’il fait pression pour bénéficier d’un privilège ou d’une prébende sachant pertinemment que celle-ci se fait au détriment de quelqu’un d’autre. Il n’est que le reflet de notre société.

Normalement, la commandite du crime est interdite, et l’exécutant est dans l’obligation de refuser d’obéir à cet ordre.

Or, un électeur qui ordonne à un homme politique de commettre un crime (un transfert de ressource de la poche de Pierre dans la sienne au nom d’une solidarité forcée) n’oblige en rien l’homme politique à lui obéir. Il devrait même désobéir et refuser à l’électeur de lui donner satisfaction quitte à ne pas être réélu. Je ne connais pas beaucoup d’hommes politiques qui ont cette trempe.

Pour aller plus loin

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  • « L’homme politique demande à la victime de payer par l’impôt le voleur pour qu’il cesse de le voler ! »
    Bien résumé.

  • Enfin une excellente analyse sur le sujet .Merci.
    De plus il y a de moins en moins de contre partie à cette rente ( service médiocre à certaines heures ou certains endroits, chauffeurs de moins en moins sympathiques, faible nombre acceptant les cartes etc…).

  • Dans cette affaire, THEVENOUD le célèbre député victime « de phobie administrative » qui a été désigné à un moment du conflit comme médiateur TAXI/VTC a déclaré de façon catégorique : « je ne suis pas sûr que si l’état indemnisait, ce ne serait pas une opération de blanchiment d’argent »… Sic ! Très drôle le propos d’un fraudeur fiscal patenté. Le culot dont il fait preuve est sidérant. Par ailleurs qu’on ait pu lui confier une quelconque mission montre bien que nous sommes dans un système où la connivence est omniprésente.

    La seule chose que THEVENOUD mérite est l’inéligibilité. En effet quand on fraude l’état, comment peut-on avoir l’outrecuidance de le représenter ?

    C’eût été un élu de droite, il aurait été flingué séance tenante par les médias et les politiques de gauche…

  • Le même raisonnement ne vaudrait-il pas pour les études de notaires? Ceux-ci les revendent au prix d’une « indemnité de présentation de clientèle » d’un montant notable… Redoutant le coût de « l’indemnisation » en cas d’ouverture (par exemple admettre que les avocats puissent établir des « actes authentiques), l’État s’abstient d’une évolution souhaitable… Idem huissiers? commissaires-priseurs? pharmaciens?
    Ce qui n’empêche pas actuellement la création de nouvelles études apparemment accaparées par les notaires en place: faux remède à un vrai problème.

    • je suis tout A fait d’accord avec vous.. les études de notaires semblent pareils. Les notaires ont le monopole. Je suis pour les avocats..qui s;occupent des actes authentiques, Ils feront un meilleur travail et s’occuperont mieux des clients. J’ai fait mon experience avec les notaires de France? on ne connait pas vraiment leur status en dehors de la France.ils ont un diplome non reconnu et leur concours? le seul made in France!! c’est un fait… renseignez vous dans le domaine de l’education mondiale et montrez leur concours ( membres du jury: notaires, copains, amis)… c’est la reputation des notaires de France dans le monde entier! ils ont le monopole. Pourquoi? les actes authentiques. Et les taxis de France, c’est un peu pareil. Ils ont le monopole avec leur licence. J’aimerais bien que les avocats s’occupent des actes authentiques… pas les notaires, une horreur…

  • Incompétence, hypocrisie, racket, cartel, guerre larvée, violence, tous les ingrédients d’un bon film à suspense et rebondissements. Sauf que tous les contribuables sont obligés d’acheter un billet, qu’ils le voient ou non, et au prix fort. Et aussi, sauf qu’à la fin, ce ne sera pas le bon qui gagnera, mais le plus voleur, et le spectateur perdra à coup sûr.

  • et pourtant il suffit simplement de délivrer des licences supplémentaires pour incorporer les nouvelles formes de taxi …trop simple et surtout problématique pour les sociétés de taxi tenant la place grâce a un lobbying acharné : comment pourraient elles embaucher des chauffeurs si la licence n’est plus un problème et qu’être taxi revient simplement a prendre un crédit automobile banal et vite amorti ?

    • oui, en annonçant à l’avance et en s’y tenant, que désormais, il y aura à paris chaque mois 1 000 licences supplémentaires gratuites ou à faible prix, disons quelques centaines ou milliers d’euros, et distribuées par tirage au sort parmi tous les candidats, le problème pourrait être résolu en quelques courtes années.

  • L’explication est pourtant simple… le groupe G7 possède plusieurs milliers de licences — et André Rousselet un proche. Vu son âge, c’est important de faire vite un geste.

  • Est-ce que, au moins, il est prévu de limiter le « remboursement » à une seule licence par chauffeur propriétaire de sa licence ?

    Ca serait en effet un scandale que les compagnies qui louent ces licences soient aussi remboursées.

  • j’aurai écrit exactement le même commentaire, je dénonce ce monopole illégal depuis plusieurs années, mais sans uber les choses n’auraient pas bougé d’un pouce, il y a d’autres monopoles illégaux comme les offices en tout genre et en particulier les offices de notaires (offices crée il me semble aux alentours du 16 eme siècle, et qui ont perduré pendant des siècles parce qu’aucun homme politique n’a eu le courage de les abolir), mais aussi les licences en tout genre: alcool, tabac. Mais il y a encore plus grave comme les monopoles étatiques détenus par des particuliers tels que les casinos, il y a pire encore mais je vais m’arrêter là, il faut surtout comprendre que ce n’est pas seulement le système politique qui est en jeu, et qu’il y a d’autres intérêts derrière, il y aurait actuellement 80% d’élus corrompus en France et nous serions le pays le plus corrompu au monde
    en dehors des considérations libéralistes de base le plus grand problème des monopoles d’état c’est avant tout la corruption, avant même tous les autres problèmes que vous avez cités

  • En fait cette fameuse licence est un rachat de fond de commerce .ça existe pour toutes les activités commerciales .sauf s’il y a création et le problème est que cette profession est soumise à un nombre précis que des rachats d activite pas possible de creation Évidemment si on ouvre le marché avec un autre système vtc ou autre ça coince . Et c’est normal pourquoi changer quelque chose qui roule .C’est sans compter sur la rapidité du progrès .Pourquoi est il normal d avoir 5 salons de coiffure dans la même rue .là rien à dire forcement un ou deux vont fermer ils ne vont rien dire ils ne sont pas protégés . je n’ai pas compris qu’il n’y a pas eut tout ce cirque avec les autoentrepreneurs du bâtiment et des services à la personne qui ont fait baisser les activités des TPE de ces secteurs .En fait ils n’étaient pas protégés ils se sont adaptés ou sont morts .J’ai longtemps eu du mal à accepter la colère des taxis mais force est de constater qu’ils se défendent bien .

  • Excellent, magnifiquement écrit, d’une rigueur irréfutable. Le genre d’analyse qu’on aimerait trouver plus souvent sur Contrepoints (heureusement, il y a h16). Pour ceux qui n’auraient pas compris, le même raisonnement s’applique évidemment à tous les autres monopoles garantis par la violence de l’État : notaires, pharmaciens, transporteurs « publics » (en pire), fonctionnaires, associations subventionnées … d’autant plus que, concernant les 2 derniers exemples, il n’y a même pas un semblant de marché permettant de vérifier que les services prétendument rendus répondent à une demande réelle. Concernant les notaires, rappelons que plus de 80% des fameux « frais » sont des impôts, dont une partie rémunère grassement les monopolistiques conservateurs des hypothèques.

  • « Remboursement » ??? Le terme est mal choisi , l’état ne leur a jamais rien vendu ..
    Il s’agit simplement d’une bulle spéculative ( au black) qui va éclater.
    Pour quoi ne pas « rembourser » les spéculateurs ( c’est pas un crime) ayant acheté 250 euro une action FT qui vaut aujourd’hui 8 euro etc…

    Comme à la bourse il faut savoir prendre ses pertes ..

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Par Philippe Lacoude.

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