En défense du billet de 1000 euros

Dans la guerre contre le cash, autoriser le billet de 1000 euros peut être une solution.

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Euro BCE (Crédits Maciej Janiec, licence Creative Commons)

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En défense du billet de 1000 euros

Publié le 25 septembre 2015
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Par Louis Rouanet.
Un article de Trop Libre

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Euro BCE (Crédits Maciej Janiec, licence Creative Commons)

Avant que les gouvernements ne corrompent puis ne suppriment l’étalon-or, chaque citoyen pouvait manifester son désaccord face aux manipulations monétaires des États et des banques. Il suffisait pour cela de convertir ses billets en or. Mais une fois que les États établirent un système de banques centrales pour leur propre profit et celui des banques qu’ils avaient cartellisées, ces derniers s’empressèrent de réduire d’autant plus la qualité de la monnaie en viciant, puis en supprimant le lien qu’elle entretenait depuis des siècles avec un métal précieux. La conversion en pièces d’or fut interdite, puis celle des lingots, puis les conversions par des particuliers, jusqu’à ce que l’or ne devienne aux yeux du public, et comme l’écrivit Keynes, une « relique barbare ». Dès lors, les mains des États étaient déliées et ces derniers pouvaient inflater la masse monétaire à volonté. L’honnête citoyen, lui, avait beau protester qu’il se faisait voler par la taxe d’inflation, l’étalon-or n’était plus là pour lui garantir la sécurité et la stabilité du pouvoir d’achat de sa monnaie.

Un siècle plus tard, après que l’étalon-or classique se soit fait lapider, c’est au tour des billets de banque de se faire attaquer par les États. En France, alors qu’une première tentative avait échoué en 2012, le gouvernement a réussi à baisser la limite de paiement en liquide de 3 000 à 1 000 euros, prétextant que du liquide avait été utilisé pour financer l’attentat de Charlie Hebdo. Des développements similaires ont eu lieu dans la plupart des pays développés.

Ces politiques sont justifiées par ceux que Thomas Sowell nomme les oints du seigneur, c’est-à-dire la classe des intellectuels qui prétendent savoir mieux que le peuple lui-même ce qui est bon pour lui et dont les solutions consistent toujours en un élargissement du pouvoir étatique. Ainsi, Kenneth Rogoff ou Gregory Mankiw, économiste au MIT, se sont mis à défendre une politique anti-cash visant à imposer des taux d’intérêts négatifs. De même, récemment, le Financial Times, dans un titre très révélateur, appela à la « mise à la retraite d’une autre relique barbare »1 : le cash.

La finalité de la guerre contre le cash est d’imposer des taux d’intérêt négatif aux déposants. Jusqu’à présent, quand les taux d’intérêts étaient maintenus trop bas, soit à cause de la banque centrale, soit en raison d’un usage excessif des réserves fractionnaires par les banques, les déposants pouvaient toujours « voter » contre de telles politiques en convertissant l’argent de leurs comptes bancaires en liquide.2 Mais si une taxe sur l’argent liquide est imposée, ou si tout simplement il ne devient plus possible de payer en liquide, les banques pourront pratiquer impunément des taux d’intérêt négatifs sur les dépôts. Mais même si la mise en place de taux d’intérêts négatifs pour les dépôts n’avait pas lieu, l’objectif reste cependant d’aller encore plus loin dans les politiques monétaires dites accommodantes. Comme l’écrit le Financial Times :

L’existence d’argent liquide […] limite la capacité des banques centrales de stimuler une économie déprimée. L’inquiétude est que les gens convertiront leurs dépôts en liquide si une banque centrale fixe des taux d’intérêts négatifs.3

Or si nous avons connu l’échec des ZIRP (zero interest rate policy), nous risquons maintenant de devoir supporter les NIRP (negative interest rate policy). Pourtant, le planisme monétaire des banques centrales, en plus d’avoir alimenté des bulles, a rendu impossible l’assainissement de la structure productive après la crise.4 Ainsi, si la reprise a été si lente depuis 2009, il est hors de question pour les oints du seigneur de remettre en cause les politiques monétaires « accommodantes ». Au contraire, il faudrait selon eux s’enfoncer encore plus dans le mythe de la relance par la planification monétaire.

Perdants et gagnants

graph 1000 eurosL’argent liquide est un moyen efficace de voter, par ses actions, contre une fiscalité excessive, contre l’usage abusif des réserves fractionnaires par les banques ou encore contre des frais bancaires trop chers. Ce seront donc les classes populaires et moyennes qui seront mises à mal par la guerre contre le cash. En effet, les plus pauvres n’ont souvent pas de compte en banque et utilisent largement l’argent liquide (voir graphique).

Les gagnants de la guerre contre l’argent liquide seront donc

  • les gouvernements qui pourront espionner impunément chaque transaction effectuée par leurs sujets, manipuler plus facilement la masse monétaire et éviter la croissance des marchés noirs ;
  • les banques qui pourront imposer des taux d’intérêts négatifs aux déposants et qui pourront également inflater la masse monétaire presque sans limite grâce aux réserves fractionnaires.

Les perdants seront les déposants et épargnants qui se verront spoliés par des taux d’intérêt nuls ou négatifs, aussi bien que les classes populaires qui seront privées de leur exil fiscal bien à eelles, le marché informel, et qui seront forcées de se bancariser.

Le billet de 1000 euros

La solution face aux dangers de la guerre contre le cash est de mener une politique diamétralement opposée visant à faciliter l’utilisation du liquide. Pour cela, nous proposons, entre autres, d’émettre des billets de 1 000 euros ainsi que de supprimer la limite légale de paiement en cash.

Les effets de cette politique pro-cash permettront de donner davantage de pouvoir aux citoyens qui pourront contester plus facilement les politiques bancaires et fiscales. Au lieu de subir le risque systémique que pose le cartel bancaire, les citoyens pourront obliger les banques à garder une plus grande partie des dépôts en réserve, sous peine de convertir leur argent. De même, les États devront faire attention de ne pas abuser de leur pouvoir fiscal, sous peine de voir leurs sujet se tourner vers le secteur volontaire illégal, c’est-à-dire le marché informel.

Nous devons aussi noter que la « politique du billet de 1000 euros » est pro-démocratique. Premièrement, elle vise à limiter les abus de pouvoir fiscal de l’État. Or les parlements n’ont-ils pas justement été créés pour limiter l’arbitraire fiscal du souverain ? Certains objecteront que ce contrôle n’est pas issu du vote ou de l’élection. Mais une politique pro-cash, au contraire, permettra aux citoyens de « voter » tous les jours et anonymement entre payer des impôts ou les fuir. Enfin, l’argent liquide permet de respecter la vie privée des citoyens, dans un monde se dirigeant de plus en plus vers la surveillance de masse.

L’histoire de la monnaie est l’histoire de la lutte entre les gouvernements taxant leurs sujets via l’inflation, et les membres du secteur productif s’arrangeant tant bien que mal pour s’accommoder des dérangements provoqués par les manipulations monétaires. L’histoire récente est inquiétante en cela que les États, alliés à un secteur bancaire de plus en plus cartellisé, semblent être en train de gagner la bataille et de saper une fois de plus les bases d’une société libre et prospère. Il ne faut pas cependant sous-estimer la capacité d’adaptation des individus, notamment dans un monde où les nouvelles monnaies peuvent être créées et gérées facilement grâce à l’informatique. Les États devraient faire attention de ne pas trop abuser de leur position de monopole du contrôle de la monnaie, sans quoi ils pourraient la perdre.

Sur le web

  1. « The case for retiring another barbarous relic », Financial Times, 23 août 2015.
  2. Il faut noter que le taux de réserve des banques est à un plus bas historique. Le taux de réserve obligatoire, notamment, a été rabaissé de 2 à 1 % en 2012. Il n’est pas anodin que la guerre contre le cash intervient dans une période où les réserves bancaires sont extraordinairement faibles.
  3. Ibid.
  4. Philipp Bagus (2015): The ZIRP Trap: Why low interest rates are a tax on recovery, IREF Working Paper Series.
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