Réforme du collège : le mur de l’argent

La réforme Vallaud-Belkacem coûte 1 milliard d’euros. L’État n’a pas l’argent pour la financer. Elle est donc vouée à l’échec.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale - Photo : Julien Paisley via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0

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Réforme du collège : le mur de l’argent

Publié le 8 juin 2015
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Par Jean-Baptiste Noé

Najat Vallaud-Belkacem - Credits Julien Paisley  (CC BY-NC-ND 2.0)
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale – Photo : Julien Paisley via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

 

Dans la réforme du collège proposée par le ministère de l’Éducation Nationale on a un peu parlé pédagogie, histoire et langues anciennes, mais pas du tout argent. C’est dommage, car c’est sur ce mur de l’argent que la réforme va se fracasser, comme avant elle celle des rythmes scolaires. Nous n’avons vu nulle part évoqué le coût de la réforme Vallaud-Belkacem. Il est pourtant faramineux et l’on voit mal comment, vu l’état des finances publiques, elle pourrait être réalisée. Prenons les principaux éléments.

Les EPI

Il est prévu 3 professeurs pour animer une heure d’EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires). Donc chaque heure de cours va coûter 3 fois plus cher. Il semblerait que, pour pallier ce coût, les horaires du collège soient diminués de trois heures. Je dis bien il semblerait, car la lecture des textes officiels n’est pas vraiment claire et que l’on a encore du mal à discerner ce que le gouvernement veut faire.

La création de 4 000 postes

Le candidat Hollande prévoyait la création de 60 000 postes dans l’enseignement. Le problème c’est qu’il y a de moins en moins de candidats : on ne trouve personne pour occuper ces postes. La réforme Vallaud-Belkacem prévoit la création de 4.000 postes d’enseignants pour animer les heures de travail en petit groupe et cela « pour créer davantage d’interaction avec les élèves ». 4.000 postes, cela représente environ 180 millions € de masse salariale annuelle. Où trouve-t-on l’argent ? Et si on ne le trouve pas, comment fait-on la réforme ?

D’autre part, à supposer que le budget soit dégagé, comment fait-on pour trouver les 4 000 candidats potentiels quand chaque année au CAPES il y a moins de candidats que de postes à pourvoir ?

Les manuels scolaires

Nous souhaitons bon courage aux éditeurs qui vont devoir créer des manuels scolaires pour toutes les disciplines et tous les niveaux du primaire et du collège pour la rentrée 2016. Normalement, les réformes de ce type se font par palier : on commence par la 6ème et on remonte chaque année. Les établissements peuvent ainsi étalonner leurs achats de manuels. Si tous les programmes changent en même temps, ils n’auront jamais le budget pour tout renouveler en une seule fois.

Le problème est aussi du côté des éditeurs. Il faut que les manuels soient prêts pour avril pour que les professeurs puissent faire leur choix. Il faut environ un an pour faire un manuel, et les nouveaux programmes ne seront connus qu’en septembre 2015. Impossible donc de tout réaliser pour la rentrée 2016.

L’achat des manuels est largement subventionné : les collèges et les lycées publics reçoivent de l’argent de l’État pour les acheter. Pour les éditeurs, c’est une formidable rente de situation. Mais jamais l’État ne pourra débourser plusieurs centaines de millions d’euros pour acheter les nouveaux manuels qu’il impose pourtant. Le Syndicat National de l’Édition estime le coût de renouvellement à 480 millions d’euros pour le collège, et 300 millions d’euros pour l’école. Soit 780 millions d’euros. Encore une fois, l’État n’a pas l’argent. Les familles ne voudront pas payer. Les communes (pour le primaire) et les départements (pour les collèges) ont des budgets de plus en plus serrés. On voit mal comment ils pourraient subventionner l’achat des manuels.

Alors, comment se fait la réforme ? À grands traits, elle est déjà chiffrée à presque 1 milliard d’euros. Le mur de l’argent est une terrible réalité, et la réforme Vallaud-Belkacem s’y brisera.


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  • vous sous estimez le ps ; ce parti , c’est comme le paic citron , quand il n’y en a plus , il y en a encore …..le pognon , il le trouveront , dieu seul sait comment , s’il faut déshabillé paul pour habiller jacques , ils le feront , ils ont l’habitude de jongler avec l’argent des autres ……

  • C’est incroyable de lire l’article d’un journaliste qui, au lieu d’expliquer la réforme, explique… qu’il ne l’a pas comprise!
    3 professeurs pour animer 1 heure d’EPI, c’est la communication du Ministère, pas du tout les documents officiels… Les établissements décideront – c’est là la fameuse autonomie – avec la maigre marge qui leur est laissée pour organiser également des dédoublements en sciences par exemple, un enseignement complémentaire en latin… Bref, il faudra faire des choix!
    La création de 4000 postes, là encore, relève de la propagande plus que de la réalité! La réalité, c’est que l’Etat peine à recruter des professeurs… Mais en supprimant les options langues anciennes et DP3, en supprimant les classes bilangue et européennes, beaucoup d’heures sont économisées! Difficile d’avoir les chiffres exacts, les syndicats enseignants l’évaluent à l’équivalent de 4000 postes minimum. Pas de moyens en plus, mais des moyens redéployés en quelque sorte: le professeur d’allemand qui, avec la réforme, n’aura plus assez d’heures dans son collège, ira compléter son service dans son établissement; le professeur de latin, qui verra fatalement ses horaires dans cette matière diminuer d’une heure par niveau (si tant est que l’enseignement est maintenu), fera du français à la place.
    Le ministère, qui semble écouter assez peu les enseignants dans cette affaire, prêtera sans doute une oreille attentive aux récriminations des éditeurs scolaires… Mais le problème de l’application simultanée de cette réforme est plutôt celui des élèves: l’élève en 5ème non bilangue l’an prochain aurait à la rentrée 2016 2h30 seulement de LV2 par semaine en 4ème et 3ème contre 3h actuellement et 2h30 de la 5ème à la 3ème pour les cohortes qui suiveront. Est-ce juste?
    Pour vérifier ces informations, un site indépendant très bien fait: reformeducollege.fr

  • bonjour , 1 milliard dites-vous ? Pfuitt … Bricole ! l’état dispendieux en sème bien d’autres , à la volée ,le geste large puisqu’il ne coûte rien ! Pas moi qui l’ai dit (ça ne me serait pas venu à l’idée ) ,mais le plus haut responsable de l’état en question ; donc allons-y gaiement = distribuons -distribuons !

  • je ne partage pas votre optimisme : vous dites que cette réforme se brisera sur l’absence de financement. je pense au contraire que cette réforme se fera,, les finances ne sont pas un problème à cet instant.
    la réforme des rythmes scolaires s’est faites, même s’il n’y avait pas le financement. et d’ailleurs, le financement s’est vu sur l’augmentation (énorme) des taxes foncières, de toutes façon, les proprios peuvent payer, ils ont des sous, la preuve, ils sont propriétaires et sur l’augmentation (moins forte) des taxes d’habitation.
    et bien le milliard qui manque pour imprimer les livres scolaires, on le trouvera sur le dos des entreprises qui ne jouent pas le jeu du cice et qui ne créent pas assez d’emploi, contrairement à leurs engagements… on entend déjà cette petite musique.

  • Dans la réalité, l’état ne «crée» pas de postes. Il les décrète.

  • Depuis le QE, l’État dispose de nouveau d’une confortable réserve d’emprunt gratuit, puisque la dette se retrouve dans les billets de banques. Ainsi 1 milliard d’euros, c’est rien, quand l’euro vaut 0 !

  • effet d’annonce, c’est tout.

  • Où trouver l’argent ? C’est facile, sur les marchés financiers, et chez « les riches ».
    Une autre question…?

  • pour faire passer cette xième exaction contre le pays, ils trouveront l’argent dans nos poches, comme d’hab !

  • Ce n’est pas grave : cela ne coutera rien ! c’est l’état qui paie !

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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