L’Agence tous risques de Juncker

Le plan d’investissement pour l’Europe se déroulera-t-il sans accroc ?

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L’Agence tous risques de Juncker

Publié le 6 décembre 2014
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Par Xavier Chambolle.

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Il ne manque à Jean-Claude Juncker plus qu’un gros cigare et des gants noirs pour ressembler parfaitement à Hannibal de l’Agence tous risques (A-Team). En effet, M. Juncker nous a dévoilé récemment son plan d’investissement pour l’Europe et, le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est digne d’un plan du colonel John « Hannibal » Smith, qui parvient toujours à sortir son agence de situations périlleuses. Pour une meilleure immersion, lisez la suite avec cet air connu en arrière-plan.

Un plan sans accrocs

Le plan de la Commission va donc se passer comme il suit :

  • Après approbation de toutes les parties prenantes (Parlement, Conseil, États membres), l’Union européenne recense les projets sur la base d’un rapport de la task force Commission-BEI (Banque européenne d’investissement).
  • La BEI et les acteurs clés constituent une plate-forme de conseil en investissement.
  • Le nouveau Fonds européen pour les investissements est opérationnel et peut donc investir.
  • Les Fonds structurels et d’investissement européens produisent leurs effets en synergie avec les programmes de l’UE.
  • L’UE étoffe en toute transparence la réserve de projets.
  • Un site web spécialisé permet de suivre en temps réel l’état d’avancement du plan d’investissement.
  • Les progrès sont évalués.
  • On fait quelques ajustements au besoin…
  • Le coq chante, le soleil se lève, l’économie repart, le chômage baisse, l’endettement est endigué et les budgets publics respirent.

Les coéquipiers, évidemment sceptiques, demandent : « Mais Colonel, avec quel argent et par quel miracle ? ». Et le Colonel de répondre, mâchouillant son cigare : « Avec les ressources propres de la BEI, quelques milliards en plus, un effet de levier direct et l’effet multiplicateur ! ».

Juncker, triomphant : « I love it when a plan comes together ! ». Générique de fin.

a team juncker

Scénario réchauffé

Il y a comme un air de déjà-vu, non ? Certains États d’Europe n’ont-ils pas mené de telles politiques, ou encore les USA récemment (imaginez les résultats sans le gaz de schiste) et le Japon ? Dans le scénario de M. Juncker, il n’est nullement question d’effet d’éviction ni d’éventuels mal-investissements. Pourtant ce sont des problèmes majeurs soulevés par cet interventionnisme forcené. Sans parler de la corruption et de la collusion, comme si les lobbys n’étaient déjà pas assez actifs à Bruxelles !

Relance ou assainissement ?

L’économie européenne a-t-elle besoin d’être relancée en forçant les investissements ou bien a-t-elle besoin d’assainissement ? L’épargne n’aurait-elle aucun rôle à jouer ? Ne serait-il pas préférable de laisser leurs moyens financiers aux agents économiques (et notamment aux contribuables !) et de s’atteler à l’édification d’un environnement économique sain ?

Heureusement, le plan de M. Juncker apporte quelques pistes intéressantes. Il s’agit du point 4.1 relatif à «une réglementation simplifiée, de meilleure qualité et plus prévisible à tous les niveaux».

Hallelujah !

Voilà ce dont nous avons besoin sur le long terme, M. Juncker :

  • Un État frugal à tous les niveaux (Union, États membres, régions), qui ne nous dépossède pas pour investir et dépenser à notre place.
  • Une stabilité réglementaire réelle (les eurodéputés ont un rôle à jouer, mais sans les États membres cela restera un vœu pieux – clin d’œil à la machine administrative française).
  • Pas d’usine à gaz réglementaire (cela implique de vivre avec des réglementations simples ayant un goût d’inachevé pour les bureaucrates).
  • Une stabilité fiscale (Bercy, si tu nous lis).

En fait nous pourrions faire un parallèle avec la Politique Agricole Commune : très coûteuse, très complexe, générant d’innombrables problèmes nécessitant des ajustements, rendant l’ensemble mouvant, instable. Un authentique bijou étatique. Mais, au fond, ça fonctionne malgré tout : on a de quoi manger… Et puis on jette un œil en Nouvelle-Zélande, où les producteurs n’ont ni quotas, ni subventions et on finit par se dire que, finalement, la PAC, ça ne sert à rien.

Or pour l’industrie et l’économie en général, c’est à peu près la même chose. Nous avons besoin de l’État pour garantir un cadre légal, faire respecter les contrats, punir les escrocs et ceux qui nuisent à autrui (une usine qui déverserait ses déchets dans une rivière par exemple) ; mais nous n’avons pas besoin de lui pour nous dire comment, quand et combien investir. Et il serait bon, lorsqu’on analyse la situation actuelle, de faire la part entre la responsabilité des marchés (vous et moi) et celle de l’État (national ou européen) qui capte une part astronomique de nos richesses (par les prélèvements obligatoires, mais également par le service de la dette qui tarit les sources de financement) et intervient déjà de manière massive sur le terrain économique, aussi bien d’un point de vue purement financier que réglementaire.

Cependant, que peut faire la Commission à ce niveau ? Quel rôle la Commission peut-elle jouer pour assainir notre environnement économique ? M. Juncker, faites ce que la Commission fait de mieux : poursuivez la dénationalisation des marchés étatiques pour conforter la portée continentale des libertés économiques, faites pression sur les États membres pour qu’ils respectent les Traités (notamment sur l’endettement public) et brisez les monopoles publics (notamment sur la sécu) ! Félicitez les pays qui entreprennent des réformes courageuses et qui baissent leurs impôts et pointez du doigt ceux qui bottent en touche et tentent de faire diversion avec de pathétiques réformes territoriales !

Enfin, bien que ça ne soit pas dans l’air du temps, essayons donc ce qui n’a jamais été fait en Europe : un État qui ne se mêle pas d’économie. « Laissez-nous faire ».


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  • « les USA récemment (imaginez les résultats sans le gaz de schiste) » : oui, ce secteur représentent au moins la moitié de la croissance US de ces dernières années. Alors que les autres 50% correspondent pour une large part à des dépenses militaires ou sociales, on imagine sans mal ce que va devenir la croissance US avec la baisse du prix du pétrole. Pendant ce temps, le revenu réel médian des Américains reste au plus bas et, si le chômage a régressé, il demeure nettement supérieur à la norme d’une économie en bonne santé :
    http://www.sentierresearch.com/reports/Sentier_Household_Income_Trends_Report_October2014_12_05_14.pdf
    (figure 3).

    Les relances budgétaires ou les stimulations monétaires ne marchent jamais ni nulle part. La seule option efficace est le recul des dépenses de l’Etat obèse. Cette crise est la crise terminale des Etats obèses. On n’en sortira qu’en les dégonflant massivement.

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