Vivre sans banque centrale

On prétend confier aux banques centrales une mission impossible : planifier l’évolution des moyens de paiement requis par l’économie

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The Federal Reserve Building By: daveiam - CC BY 2.0

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Vivre sans banque centrale

Publié le 2 octobre 2010
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On prétend confier aux banques centrales une mission impossible comme l’a démontré l’échec de l’expérience socialiste : planifier l’évolution des moyens de paiement requis par l’économie, et indirectement le développement économique en essayant d’atteindre un niveau jugé souhaitable d’inflation ou de croissance.

Une banque centrale est une institution étatique ou paraétatique qui se voit confier par l’État divers monopoles : émission de la monnaie, prêteur en dernier ressort des banques, banquier de l’État, gestion des réserves en devises et métaux précieux, régulation et supervision des services bancaires et financiers, fixation du taux d’intérêt directeur. Concrètement, la modification de ce taux directeur représente le principal moyen d’action d’une banque centrale sur l’économie. Selon la classique loi de l’offre et de la demande, lorsque les prix montent, la banque centrale augmente le taux d’intérêt, réduit le crédit, la demande et donc ralentit la hausse des prix. Et inversement, lorsque les prix ont tendance à baisser.

Cependant se posent de sérieuses questions sur la légitimité et l’efficacité de si formidables monopoles. Pour commencer, et en paraphrasant, on pourrait dire que le pouvoir de « battre monnaie » est bien trop sérieux pour être laissé à la merci des politiciens – la collusion de ces derniers avec les banques centrales étant à l’origine de principales catastrophes monétaires, alors même qu’une des principales missions d’une banque centrale consisterait justement à maintenir la stabilité des prix et garantir la solidité de la monnaie. La réalité historique montre que les banques centrales – qui plus qu’à leur tour ont joué les pompiers pyromanes de l’inflation – ont surtout un rôle politique, bien éloigné de leur prétendue indépendance, en injectant des quantités gigantesques de monnaie dans le système économique afin d’éviter aux gouvernants de devoir augmenter les taxes ou de réduire les dépenses publiques et afin de leur faire bénéficier de cette taxe qui ne dit pas son nom, l’inflation. Par ailleurs, on notera aussi que les fluctuations des taux d’intérêt n’ont souvent rien à voir avec les réalités économiques fondamentales, perturbant ainsi les marchés et créant des bulles. Sans compter le fait que les autorités monétaires incitent à des comportements imprudents, en suscitant l’idée que leur rôle consisterait à évacuer les risques en venant à la rescousse des établissements au bord de la faillite en raison de leurs prises de risque excessives.

En fait, on prétend confier aux banques centrales une mission impossible comme l’a démontré l’échec de l’expérience socialiste : planifier l’évolution des moyens de paiement requis par l’économie, et indirectement le développement économique en essayant d’atteindre un niveau jugé souhaitable d’inflation ou de croissance. Il est d’ailleurs révélateur que le 5e point du Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels préconisait la « centralisation du crédit entre les mains de l’Etat, au moyen d’une banque nationale, dont le capital appartiendra à l’État et qui jouira d’un monopole exclusif ». Or vivre dans une économie sans banque centrale n’est pas une idée utopique. Il suffit de rappeler que non seulement la plupart des banques centrales furent tardivement créées au cours des 19e et 20e siècles, mais aussi qu’ont bien existé des systèmes concurrentiels de gestion de la monnaie (Écosse, Nouvelle Angleterre, Canada, etc.) ou encore que jusqu’en 1993 Hong Kong a parfaitement pu prospérer sans banque centrale.

Mais un autre exemple est particulièrement intéressant : celui du Panama, qui depuis son indépendance n’a jamais eu de banque centrale. En effet, depuis 1904, la constitution de ce pays stipule qu’il ne peut avoir de monnaie de cours forcé et que tout citoyen peut rejeter une monnaie, même publique, qui ne lui inspire pas confiance. En d’autres termes, au Panama, on peut employer n’importe quelle monnaie dont le cours est déterminé par le marché. Le dollar s’y est imposé, mais librement, en réponse au désir des gens.

Les avantages du système apparaissent immédiatement. Durant les 25 dernières années, l’inflation moyenne au Panama aura été légèrement inférieure à 2%, se maintenant généralement à plus d’un point sous l’inflation des États-Unis. La raison en est simple : contrairement aux États-Unis, les Panaméens ne peuvent imprimer des dollars ; ils doivent les gagner en échange de biens et services réels. En plus, sans banque centrale, il n’y a plus de prêteur de dernier recours ni sécurité des dépôts ; par conséquent, les banques sont obligées d’agir de manière responsable pour se maintenir à flot. Et l’absence de banque centrale rend impossible la manipulation des taux d’intérêts. Par ailleurs, grâce à l’ouverture du secteur bancaire en 1971, il n’existe pas de contrôle des capitaux à l’entrée ou la sortie de capitaux. Ce qui a permis l’installation dans ce pays de plus de 100 banques internationales, favorisé l’intégration financière internationale et évité les déséquilibres économiques et financiers habituels dans la région.

Ce système empêche, de fait, toute politique keynésienne. En effet, chaque fois que le gouvernement panaméen a tenté d’injecter dans la masse monétaire de l’argent extérieur via la dette, le système a répondu en faisant sortir à l’étranger l’excès en circulation. Grâce à la concurrence bancaire (et sans banque centrale qui facilite la cartellisation), les banques ne peuvent gonfler de manière synchronisée ni manipuler les taux d’intérêts sous la « direction » de la banque centrale. Les banques se chargent de nettoyer les excès produits par l’expansion en diminuant le crédit, occasionnant ainsi la récession au moment précis. Alors que les banques centrales font exactement l’inverse en faisant gonfler la masse monétaire lors des récessions, ce qui empêche l’évacuation des mauvais investissements, aggravant ainsi les récessions. C’est ainsi que l’économie panaméenne a géré ses différentes récessions par la déflation (1986, 1989 et 2003), soulageant les consommateurs et les entreprises quand il le fallait. Tout cela a fait que l’économie panaméenne fut la seule d’Amérique latine à n’avoir pas souffert des chocs financiers ou des excès de ses voisins (tequilazozamba, effet tango, etc.)

Après la dernière crise mondiale et l’éclatement des diverses bulles à travers le monde depuis deux décennies, il est temps que les pays qui s’entêtent à produire du papier monnaie sans répondant étudient d’un peu plus près l’expérience monétaire panaméenne et s’inspire d’un système qui en un siècle a produit une des plus basses inflations au monde et soutenu une économie stable et croissante (PIB quadruplé lors de ces 30 dernières années). Vivre sans banque centrale a très bien réussi au Panama. Pourquoi n’en serait-il pas de même dans le reste du monde ?

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