Le protectionnisme n’a pas d’avenir à long terme car la mondialisation ne se limite pas à des aspects politico-juridiques. Elle est une étape historique beaucoup plus fondamentale.
L’élection de Donald Trump en 2024 bouleverse beaucoup plus le paysage politique que sa première élection en 2016. La brutalité avec laquelle le nouveau président américain a entamé son mandat a surpris. Tant à l’intérieur du pays que dans les relations internationales, la question des libertés et de la démocratie est posée concernant le pays qui a sauvé l’Europe du nazisme au milieu du 20e siècle. Où vont les États-Unis de Trump ? Quittent-ils la démocratie libérale dont ils étaient le porte-drapeau depuis deux siècles ? Trump est -il un fin stratège ou n’a-t-il rien compris au monde du 21e siècle ?
Donald Trump bouscule avec férocité les valeurs occidentales
Au 20e siècle et dans le premier quart du 21e, il était possible de considérer que l’Occident formait un tout. La démocratie politique et l’économie de marché étaient en effet les deux dominantes dans tous les pays rattachés au monde occidental. Pour qualifier ces pays, le terme de démocratie libérale était fréquemment utilisé. Le monde occidental n’était pas une notion géographique mais politico-économique. Le Japon, Taïwan, l’Australie, la Nouvelle-Zélande en faisaient partie.
L’élection de Donald Trump en 2024 laisse planer un doute sur le futur des États-Unis, leader du monde occidental. L’Occident va-t-il éclater ? Il apparaît déjà clairement que les décisions récentes du gouvernement américain remettent en cause l’État de droit à l’intérieur des États-Unis et transgressent des conventions multilatérales à l’extérieur. L’Occident était le modèle universel du respect du droit en institutionnalisant un pouvoir judiciaire indépendant. Il était également à l’origine des grandes conventions internationales fondatrices des organisations comme l’ONU, l’OIT, l’OMC, etc., visant à remplacer les rapports de force entre États par la négociation et le compromis, quoi qu’on puisse penser du fonctionnement de ces institutions.
Les États-Unis de Donald Trump s’éloignent déjà des fondements de la démocratie libérale en bousculant les décisions des juges et en étalant au grand jour des prétentions territoriales concernant le Groenland ou le Canada. Fasciné par Vladimir Poutine et son pouvoir autocratique, le nouveau président américain va-t-il faire basculer les États-Unis dans l’illibéralisme, voire l’autocratie ? Il est déjà possible d’affirmer que le respect du droit n’est pas un souci du nouveau président. Le rapport de force dans le cadre d’un deal bilatéral constitue son modèle relationnel.
Le deal trumpien
La méthode de Donald Trump est particulièrement rustique. Voici les termes du chantage : « si vous ne déférez pas à mes injonctions, les droits de douanes de vos exportations vers les États-Unis seront considérablement augmentés ». L’un des premiers cas concerne l’immigration des Colombiens vers les États-Unis en janvier 2025. La Colombie était sommée de rapatrier ses nationaux illégalement arrivés sur le territoire des États-Unis sous peine d’une augmentation des droits de douane de 25% puis de 50%. Elle s’est exécutée prestement. La méthode a été généralisée en mars 2025 à de nombreux pays, mis en demeure d’implanter des usines aux États-Unis au lieu d’exporter.
Cette manière agressive pour pousser à la négociation concerne aussi bien les partenaires commerciaux de longue date que les adversaires déclarés ayant l’ambition de supplanter à terme la puissance américaine, en particulier la Chine. L’Union européenne, alliée historique des États-Unis, est ainsi traitée de la même façon que l’Iran ou la Chine. Il est clair que Trump reste le manager brutal du secteur de l’immobilier dans lequel il a fait carrière. Il s’imagine pouvoir appliquer les mêmes méthodes aux relations internationales.
Donald Trump n’a rien compris à l’essentiel
Cette méthode Trump, peut-être efficace en gestion d’entreprise, quoi qu’on puisse en douter, ne le sera probablement pas à l’échelle géopolitique. La diplomatie ne peut éluder les subtilités dues à la complexité des rapports entre États-Nations. Se couper de ses alliés historiques pour faire illusion auprès des électeurs américains les plus crédules ne peut que discréditer un gouvernant. Ce discrédit ne touche pas seulement Donald Trump, mais atteint les États-Unis. Tout citoyen disposant d’une once de rationalité ne peut qu’observer avec effarement les foucades des dirigeants américains. Mais c’est bien le « peuple américain » (notamment beaucoup d’ouvriers, d’artisans, d’agriculteurs) qui a permis l’élection de Trump. La confiance dans le peuple américain lui-même est donc ébranlée.
Derrière le charivari trumpien actuel se cache aussi un aspect idéologique. Trump est hostile à la mondialisation et s’est entouré de beaucoup de conseillers adhérant à cet impératif protectionniste. Tous ce beau monde pense pouvoir mettre fin à la globalisation planétaire par des moyens politico-juridiques, c’est-à -dire des barrières aux échanges dictées par les États-Unis. Le Président américain a d’ailleurs évoqué récemment un « renouveau civilisationnel ». Si Trump se croit si brillant et si puissant qu’il pense réorienter la civilisation occidentale, il est certainement confronté à un grave problème psychologique. Mais, intellectuellement, ce qui nous intéresse est ailleurs :Trump n’a rien compris à l’histoire récente de l’humanité.
La globalisation économique et financière n’est en effet qu’une conséquence de l’universalisation du patrimoine cognitif de l’humanité. Pour le dire simplement, il faut distinguer les sciences et techniques d’une part et les cultures spécifiques à telle ou telle civilisation d’autre part, comprenant en particulier les diverses religions pratiquées aujourd’hui. Les identités civilisationnelles, voire nationales, subsistent. Mais mathématiques, physique, chimie, biologie, informatique, etc., et toutes les techniques induites se sont globalisées à l’échelle planétaire du fait de la rapidité de la circulation de l’information. Une innovation pouvait mettre des siècles à traverser les continents, comme par exemple le papier, apparu en Chine dès le 1er siècle mais qui ne commence à être utilisé en Europe qu’au 12e siècle.
Cette lenteur est totalement révolue. Notre époque est celle de l’immédiateté. Les scientifiques publient leurs travaux, les techniques se diffusent en quelques années, les chercheurs et les ingénieurs circulent à travers le monde. La mise en œuvre financière et productive suit, d’où la mobilité du capital et les grands groupes multinationaux. Il est impossible historiquement de revenir en arrière par des artifices politico-juridiques comme les barrières aux échanges. La réglementation et la politique peuvent limiter temporairement la liberté des échanges et ralentir la globalisation, mais en aucun cas l’entraver durablement. Les scientifiques de haut niveau, les ingénieurs, les managers ne peuvent que se défier d’un dirigeant qui emmène son pays sur cette voie.
L’humanité a permis l’éclosion d’une énorme machine scientifique et technique qui oriente désormais son devenir historique. Certains s’en désolent, certains considèrent même que nous sommes soumis à la technologie et non libérés par elle. Mais une chose est certaine : ni la politique ni la loi du plus fort ne permettront de stopper cette évolution sur le long terme historique.
Autrement dit, le 21e siècle n’est pas trumpien, mais tout le contraire. Donald Trump a manqué l’essentiel. Cette présidence n’est qu’un bref épisode. Comment imaginer que la grande marche vers la liberté entamée par l’humanité voici un peu plus de deux siècles aboutisse à un retour en arrière brutal ?
Pourquoi monsieur Aulnas nous gratifie t’il des calomnies répandues par la gauche plutôt qu’essayer de comprendre le but des actes de Donald Trump? Cette manie de le faire passer pour un idiot met le doute quand à ses capacités d’analyse! Son combat, auquel s’est joint Musk, est contre l’obscurantisme woke qui nie la science et la raison!
Je ne sais pas si les droits de douane constituent un bon levier dans la lutte contre le wokisme.
La lecture de son livre sur les négotiations commerciales éclaire sa politique. Comme vous avez pu le remarquer il a suspendu pour 90 jours l’application. En fait c’est pour partir en postion de force dans des négociations me semble t’il. Je peux me tromper, on verra! La dette américaine qui dépasse les 30.000 milliards a conduit Musk à envisager la ruine de l’état.
Expliquez nous le trumpisme !!!!
Faites nous partager votre proximité avec DJP !!!!!
Comprendre c’est le lot des faibles. Les forts impulsent, agissent et changent le monde.
Pour Trump, il faudra donc attendre quelques temps avant de déterminer dans quel camp il est.
Milei, c’est déjà fait. Perçu comme un autocrate hurluberlu à ses débuts, sa réussite l’a transformé tel qu’en lui-même il était, et non tel que nous le voyions.
On sait ce que veut Trump, la même chose que Macron : reindustrialiser le pays. Laissons-lui le choix des moyens. Et nous verrons bien dans 4 ans si sa politique était en cohérence avec son objectif.
Vous êtes en train de nous dire que vous êtes du genre à tout bien comprendre ?
J’ai compris que Jeremy comprendra quand “le brouillard trumpien” se sera dissipé. Je suis pas toujours d’accord avec ce qu’il écrit mais la, je suis de son avis. On verra à la fin…
Je réagissais à “comprendre c’est le lot des faibles” et j’essayais un peu d’humour.
Plus sérieusement, je pense que c’est une approche de gens qui ont besoin de s’inventer une puissance supérieure. Pour le reste, le “on verra bien”, ça va encore un peu plus loin.
Un article de plus à charge contre Trump. Même s’il présente un intérêt et beaucoup de vérités, il reste un article à charge niant totalement tout ce qu’il peut y avoir de positif dans les actions de Trump.
“Comment imaginer que la grande marche vers la liberté entamée par l’humanité voici un peu plus de deux siècles aboutisse à un retour en arrière brutal ?”. Où avez-vous vu que le 21ème siècle marque une grande marche vers la liberté? Personnellement, je vois surtout un recul des démocraties dans le monde, l’avènement de nombreux régimes autoritaires, voir de dictatures, sans parler des dystopies qui se mettent en place dans de nombreux pays qui font de plus en plus ressembler nos “démocraties” au Meilleur des mondes d’Aldous Huxley et à 1984 de George Orwell …
Trump n’est pas éternel, et en plus il peut toujours se rendre compte qu’il s’est trompé, car sa politique tapera aussi sur son portefeuille… quant à cette politique anti mondialiste, c’est bien la politique que la gauche voudrait appliquer pour la France.
La politique de Trump c’est le rêve de Mélenchon. L’avantage c’est qu’on va pouvoir voir grandeur nature, la stupidité de cette théorie.
Dans le milieu des intellectuels, tout le monde sait bien que Trump est un imbécile et que Hillary Clinton est la politicienne la plus intelligente d’Amérique. Ce que personne n’a compris, c’est comment cet imbécile a pu battre cette femme géniale aux élections de 2016. On dira que c’est l’effet de surprise. En 2024, Trump est toujours considéré comme un idiot et les media n’ont cessé de répéter que Biden avait toute sa tête, puis que Kamala Harris était tout a fait compétente. Il n’y avait pas d’effet de surprise. A nouveau, l’idiot a battu les gens intelligents.
En regardant la campagne éléctorale, on voit tout de suite que Trump, l’idiot du passé, maîtrise parfaitement la communication via les réseaux sociaux, les media du 21 siècle. Ses opposants, intelligents, plus jeunes en général, soutenus par les détenteurs de ces media nouveaux (Zuckerberg, Besos, Gates….) ne maîtrisent visiblement que les media anciens et dépassés (télévision, journeaux….).
Et l’on veut nous faire croire que Trump serait l’homme du passé ? Trump comprend les nouveaux media et comprend bien comment les gens réagissent et ce que les gens veulent. C’est pour cela qu’il est un homme d’affaire qui réussi : il comprend les gens et leurs désirs. L’économie c’est cela : que font et veulent les consommateurs et les producteurs. Les inventions et la technologies ne sont que des moyens aux service des gens. Trump comprend cela, il est donc bien plus l’hommme de l’avenir que les démocrates américains ou les partis de centre et de gauche européens.
Cela fait 40 ans que les mêmes politiciens nous servent la même recette, complètement épuisée. Les gens veulent le changement, Trump l’a bien compris. L’arrivée au pouvoir de MIlei et Meloni est un exemple de plus de ce changement. Trump représente un mouvement d’avenir (même si sur certains points il fait des erreurs), nos politiciens traditionnels représentent seulement le passé.
Mais la réalité n’intéresse que très peu le monde des intellectuels.
Je ne sais pas qui est intellectuel ou non et je ne connais pas les milieux en question. J’ai l’impression que y a pas mal de compréhension de comment Trump a battu Clinton et comment Biden a battu Trump ; je pense que pour Harris il faudra un peu de temps pour y voir plus clair.
Pour ce qui est de l’utilisation des nouveaux canaux de communication, j’ai l’impression que Trump a été très performant sur ceux qui imitent le plus le fonctionnement de l’industrie médiatique traditionnelle, auprès d’une cible qui cherche à se reconnaître dans un conformisme pour lequel les anciens canaux ne peuvent plus créer de fédération et de communion de foule. Je ne suis pas certain qu’on puisse avoir une vision aussi simple de la sociologie en identifiant facilement les modernes et les obsolètes : ça me semble plus riche que ça. La congruence entre les élections de Trump, Milei et Meloni semble quand-même être de l’ordre de la réaction et d’un mouvement de balancier : parler d’un nouveau moment réactionnaire général n’est pas contradictoire, et il ne semble pas du tout clair que cette rigidification soit en capacité de conserver notre système traditionnel et revenir à une situation de confiance en notre contrat social. Le futur proposé par ces politiques étant un retour au passé, même s’il s’agissait d’une proposition inédite de retour (ce qui n’est vraiment pas le cas, ça va, c’est pas ultra novateur), est quand-même une proposition de retour au passé : ils le disent eux-mêmes, on peut au minimum les respecter un peu.
Dans le monde il y a deux sortes de pays: ceux qui ont le savoir et l’industrie pour transformer ce savoir en richesses et ceux qui n’en ont pas et qui sont pauvres. (parce que avoir du pétrole ou du cuivre ne vous rends pas riche si vous ne savez pas les utiliser). Cela a toujours été vrai et le sera toujours.
L’occident a cru pouvoir délocaliser son industrie sans perdre son savoir, et dominer seulement par le savoir. La situation actuelle montre que ce fut une grave erreur. Ça a marché au début, mais le savoir a suivi l’industrie et maintenant le monde est en train de basculer…
Trump semble essayer d’inverser la vapeur pour sauver son pays de la ruine qui s’annonce. Il le fait a sa façon, je ne sais pas s’il y arrivera, l’avenir le dira. Par contre, nous (l’UE et plus particulièrement la France) , on fonce pied au plancher vers le déclin, et au lieu d’inverser la vapeur, on ouvre les vannes de nitromethanol … Le crash va être spectaculaire et il n’en restera pas grand chose…
Je suis tout à fait d’accord avec l’ambition de relocaliser la production, et cela semble en effet être celle de Trump, avec un choix de moyens assez étranges. Ce à quoi je réagissais, c’était sa soit-disant modernité… là je ne la constate pas, et l’étrangeté que je vois dans son choix des moyens tient justement à ce qu’ils sont surtout ultra anciens. Ça ne veut pas dire qu’ils sont forcément incorrects. Je comprends comment Trump en arrive à les considérer comme pertinents, et il ne les prétend pas particulièrement modernes. Mon inflexion majeure sur votre réponse à ma réponse viendrait du caractère délocalisant de l’industrie, qui s’est construite précisément comme solution à la crise de l’économie territoriale de la fin du Moyen-Age. Il faudra donc trouver une solution de relocalisation qui ne soit pas reterritorialisante. Globalement nous sommes dans une situation de rupture civilisationnelle, et il n’y a pas d’exemple historique que ça se fasse en douceur. Plus nous réussiront à résister à la crise, plus nous risqueront de ne plus avoir de ressources de résilience. Et il y a peut-être là un subconscient de Trump, sachant que chez Musk la stratégie de fermer les impasses pour activer la résilience le plus vite possible est théorisée, assumée et a été régulièrement mise en Å“uvre.
On ne peut mieux dire…
Exact, monsieur Aulnas nous avait vendu Macron en 2016, quelle perspicacité!
Dire que les USA ont sauvé l’Europe est abusif. Il y a eu deux coalitions l’une contre l’autre, et chaque membre a eu sa part, dont je laisserai la description aux soins des historiens.
Quant à Trump, sa politique va probablement demander plusieurs mois avant de produire ses effets.
La loi du plus fort est toujours la meilleure… Depuis la nuit de temps et le XXI eme siecle n’y echappe pas. Tout a revoir mr aulas.
Le probleme des usa est le naufrage de son commerce exterieur…. Ils n’ont pas grand chose a vendre au monde, n’est ce pas ? A part la paix quand ils le decident…
Mouais : https://www.lefigaro.fr/vox/monde/frederic-pierucci-en-matiere-de-guerre-commerciale-la-difference-entre-trump-et-biden-obama-n-est-que-dans-la-forme-20250423
Il est même probable que Trump soit plus réglo avec nous que l’ancienne administration américaine qui nous a mis dans un beau pétrin…