Émirats arabes unis, Inde, Israël : bientôt dans le club spatial mondial ?

L’émergence de nouvelles puissances spatiales donne l’occasion aux États européens de démontrer leurs capacités techniques.

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Émirats arabes unis, Inde, Israël : bientôt dans le club spatial mondial ?

Publié le 22 janvier 2024
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Alors qu’une collaboration stratégique a été annoncée le 7 janvier 2024 entre la NASA et les Émirats arabes unis, pour participer à la construction d’une station orbitale au-dessus de la Lune dans le cadre du programme Artemis, les Émirats arabes unis semblent plus que jamais déterminés à promouvoir leur leadership spatial.

Déjà les 5 et 6 décembre 2022 Abou Dhabi accueillait le Abu Dhabi Space Debate qui regroupe les leaders mondiaux du secteur privé et public aérospatial. Organisé par l’Agence spatiale des EAU, ce débat a offert une plateforme unique dans la région au sein de laquelle des chefs d’entreprises et des dirigeants politiques se sont rencontrés pour rechercher un consensus sur les questions relatives à la croissance de l’innovation spatiale et son empreinte environnementale.

L’objectif de ces rencontres était notamment d’initier un dialogue multinational identifiant les besoins en matière de capacités stratégiques, d’infrastructures, de cadres réglementaires et de moyens associés. Et la session inaugurale du 5 décembre 2022 réunissait pas moins que les présidents des EAU, d’Israël et le Premier ministre indien. Ce dernier a notamment déclaré en amont du forum que la coopération entre l’Inde et les EAU dans le secteur spatial était sur le point d’opérer une grande percée dans la péninsule arabique.

Les deux pays ont notamment signé dès 2016 un protocole d’accord sur la coopération dans l’exploration spatiale et l’utilisation de l’espace atmosphérique. Lors de la cérémonie d’ouverture, le président israélien a lui aussi rappelé l’étroite coopération entre son pays et les EAU dans le partage des données scientifiques notamment, et le rôle que peuvent jouer les trois États dans l’ouverture à de nouveaux partenaires.

 

Les Émirats arabes unis, fer de lance du spatial dans le Golfe

En accueillant ce forum, les EAU affichaient dès lors leur volonté d’apparaître comme un acteur clé du développement de l’économie spatiale mondiale, tout en forgeant un consensus solide sur le cadre dans lequel doit s’insérer le secteur pour rester durable.

Les EAU cherchent en effet à se positionner comme le fer de lance dans la région arabe dans le secteur, et sont notamment les initiateurs de la création de l’Arab Group Space Cooperation, qui veut favoriser la coopération dans le domaine spatial et se doter d’un satellite d’observation commun. Le pays investit massivement et souhaite créer un effet d’entraînement sur les autres États arabes en se positionnant en leader de la conquête spatiale arabe. Le pays présente donc un modèle original car il entremêle politique publique et développement commercial privé, dans un souci de présence, tant sur le marché mondial que d’influence sur la scène régionale.

Les EAU sont le premier pays du Golfe à avoir développé un programme spatial, débuté en 2006 par le développement, en coopération avec la Corée du Sud, du satellite d’observation de la Terre DubaiSat 1. Les EAU ont par la suite adopté une stratégie spatiale plus ambitieuse, la National Space Strategy 2030, avec pour but de diversifier leur économie. C’est aussi aux Émirats qu’est née la première agence spatiale de la région avec la UAE Space Agency qui s’est rapidement dotée d’un cadre réglementaire attractif pour favoriser le développement de l’écosystème spatial commercial qui peut aussi s’appuyer sur la puissance financière du pays. À date, le pays investit en effet trois fois plus que ses voisins du Golfe, et notamment son voisin Saoudien avec 6 milliards de dollars investis contre 2,1 milliards pour l’Arabie Saoudite.

Le pays a par ailleurs récemment annoncé la création d’un fonds de 800 millions de dollars destiné à la conquête spatiale. Ce fonds contribuera notamment au développement d’une nouvelle constellation de satellites appelée Sirb prévue pour 2026, et qui utilisera de l’imagerie radar en complément des capacités existantes en imagerie optique, un projet justifié par sa capacité à mieux contrôler ses frontières et de détecter d’éventuels déversements d’hydrocarbures. Sirb pourra notamment compléter les capacités duales du programme FalconEye qui répond à la fois aux besoins des forces armées du pays, mais peut aussi fournir des images au marché commercial. Sur ce segment de l’imagerie satellite, le pays peut notamment compter sur la société Bayanat, spécialiste de l’analyse de données géospatiales et appartenant aujourd’hui à Group42, puissant groupe national d’intelligence artificielle.

Enfin, sur le plan de la R&D publique, les Émirats peuvent compter sur le Centre spatial Mohamed ben Rachid (MBRSC) qui, depuis janvier 2024 a signé un accord avec la NASA pour la conception d’un sas destiné au module lunaire Lunar Gateway qui orbitera la Lune dans les années à venir. Pour contribuer à son développement, le MBRSC pourra s’appuyer sur une forte expertise technique développée depuis plusieurs années par une implication dans plusieurs programmes satellites emiriens.

L’ensemble de ces capacités institutionnelles, financières et techniques a permis au pays un certain nombre d’avancées remarquées ces dernières années, et notamment, dès 2021, l’envoi d’une sonde en orbite autour de Mars pour étudier son atmosphère et son climat. De même, en 2019, l’envoi du spationaute Hazaa Al Mansoori, récemment nommé ministre, à bord de l’ISS a également été un temps fort pour le pays, galvanisant le peuple émirati et offrant au monde l’image d’un pays moderne. Il a été suivi en 2023 de son compatriote Sultan Al Neyadi.

Avec ces missions, les EAU ont rejoint le club très fermé des pays ayant fait voyager un de leurs ressortissants en orbite autour de la terre, soit une vingtaine de membres seulement

 

Pour Israël, le spatial est un outil de défense nationale mais aussi un outil de soft power croissant

Certains États comme Israël surveillent de près les acquisitions de leurs voisins dont les Émirats et l’Égypte. Pour Israël, l’espace est rapidement devenu un enjeu de sécurité nationale, comme le rappelle notamment l’incident survenu début novembre au cours duquel Israël a abattu, dans l’espace, un missile ennemi grâce à leur missile Arrow-3. Le pays garde donc un œil attentif au développement du spatial dans le Golfe sous le prisme non seulement des accords diplomatiques qu’il a pu nouer avec les pays de la région, mais aussi des vastes capacités d’investissements de la région qu’Israël ne peut pas suivre, faute de moyens similaires. Pour son programme spatial, Israël prévoit de dépenser environ 180 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour soutenir l’industrie spatiale civile et militaire, s’ouvrant par ailleurs récemment aux investissements privés dans le domaine spatial.

Israël soutient par ailleurs un certain nombre de startups prometteuses dans le domaine des technologies spatiales comme Ramon.space, une société qui construit des systèmes de supercalculateurs pour le secteur spatial ou Helios. Cette dernière s’est notamment alliée en août 2022 avec Eta Space, entreprise aérospatiale américaine basée en Floride, pour le développement des procédés de création d’oxygène sur la Lune.

De manière plus générale, parmi les objectifs présentés par l’Agence spatiale israélienne figurent le doublement du nombre d’entreprises spatiales israéliennes et le quadruplement du nombre de personnes employées dans l’industrie spatiale, une ambition qui devrait aider le pays à relier le secteur spatial civil au secteur high-tech israélien actuellement en plein essor.

Le spatial est aussi un outil au service du soft power israélien, en témoigne par exemple l’accord passé entre Israël Aerospace Industries (IAI) et le Maroc pour la construction d’un centre technique de R&D et de formation en partenariat avec l’Université de Rabat, qui se couple à une commande de satellites d’observation de la Terre par le Maroc à IAI, damant ainsi le pion au précédent consortium français Airbus Defense & Space / Thales Alenia Space.

 

L’Inde est déjà un poids lourd du spatial mondial

L’Inde possède l’un des programmes spatiaux les plus anciens au monde et, après un alunissage historique en 2023, elle a intégré le club spatial des cinq pays à avoir réussi à poser un engin sur la surface lunaire, le dernier en date étant le Japon, le 19 janvier dernier. Et la cinquième puissance économique mondiale compte bien poursuivre ses ambitions spatiales, avec une mission habitée de conception entièrement domestique prévue pour 2040.

Chaque année, l’Inde investit 1,8 milliard de dollars dans le spatial, et bénéficie d’une très grande expertise technique, des coûts de R&D et de développement plus faibles qu’un grand nombre de ses compétiteurs grâce à de faibles coûts de main-d’œuvre, ce qui se traduit sur les coûts de fabrication et de lancements à des prix compétitifs. La capacité de lancer des missions à bas prix avec un fort taux de succès des lanceurs indiens en font aujourd’hui un argument de vente de poids pour l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO), même si elle est désormais remise en question par les capacités réutilisables et bon marché développées par un acteur SpaceX qui a notamment volé la vedette à ISRO pour le lancement de quatre satellites européens Galileo.

Dans son plan vision 2025, l’Inde a notamment rappelé son intention de se doter d’une capacité spatiale tous azimuts comprenant des composantes publiques duales civiles et militaires, mais aussi commerciales grâce à un écosystème de startups riche aussi bien dans le développement de services satellites que dans le domaine de l’accès à l’espace et des lanceurs.

En soutien à ce développement commercial, l’Inde a notamment engagé un large processus de mise à jour et de développement de ses réglementations spatiales. Cette réforme vise notamment à rattraper le niveau réglementaire des États-Unis et de l’Europe qui offrent des cadres juridiques compétitifs et fiables pour les opérateurs.

 

Comment voir ces développements depuis l’Europe ?

À condition de savoir saisir les opportunités offertes par ces nouveaux acteurs du spatial, l’émergence de nouvelles puissances, notamment les Émirats et Israël, peut être une chance pour l’Europe, et ce de plusieurs manières.

D’abord parce que ces nouveaux acteurs du spatial vont avoir besoin d’une capacité accrue d’accès à l’espace, et donc de commandes de lancements. Si l’Europe parvient à régler ses problèmes internes de développement de capacités d’accès à l’espace autonomes, elle pourra dès lors bénéficier de nouveaux débouchés, de pays qui sont par ailleurs proches géographiquement et diplomatiquement. Seul ombre à ce tableau néanmoins, la présence de l’Inde comme partenaire de choix lors du Abu Dhabi Space Debate pourra augurer d’une préférence pour des lancements depuis l’Inde plutôt que l’Europe. C’est donc désormais le travail de nos opérateurs de lancements et des différents partenariats techniques et institutionnels de garantir des débouchés aux lanceurs européens.

Car en effet l’émergence de nouvelles puissances spatiales est aussi l’occasion pour l’Europe de démontrer ses capacités techniques. Les partenariats entre l’Inde et le CNES pour la France sont légion, citons par exemple le satellite Megha-Tropiques d’observation de la météo et des océans. Ces partenariats techniques peuvent poser les jalons d’une coopération étendue au spatial commercial. Aux Émirat arabes unis, par exemple, la France est historiquement très présente dans le spatial, Thales Alenia Space ayant contribué à la conception de plusieurs satellites nationaux, et le MBRSC est aussi un partenaire historique de l’Agence spatiale européenne.

Se profilent donc de nouveaux partenariats fructueux pour le progrès de la conquête spatiale dans la continuité de coopérations existantes, mais ils impliqueront un effort considérable de structuration de la réponse Européenne qui faut aujourd’hui face à un certain nombre de défis internes, et s’insérer plus globalement dans une politique d’aller vers l’Europe et la France en matière spatiale qui doit être constamment renforcée face à l’émergence de nouveaux acteurs dont les capacités et l’expérience augmentent de jour en jour.

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