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Le 8 septembre dernier, le ministère de la Culture a publié sur son site officiel la liste des titres de presse ayant bénéficié d’une aide financière en 2022. En lisant attentivement sa composition, j’ai pensé que l’oubli dans lequel ce document était tombé ne méritait pas d’être entretenu.
En 2022, 370 titres de presse (et lettres d’information en ligne) ont bénéficié d’un total de 110,4 millions d’euros d’aides publiques (28 millions d’aides au pluralisme, 57 millions d’aides au transport et 31,4 millions d’aides à l’investissement).
Contrairement à Contrepoints, qui ne bénéficie pas d’un sou d’argent public et appartient à une association (Libéraux.org), la majorité des titres subventionnés sont des entreprises de presse rattachées à un groupe (LVMH, Lagardere media news, Sud Ouest, Rossel La Voix, Altice, CMA CGM, SIPA Ouest France…).
Ces aides à la presse sont ainsi assimilables à des aides directes aux entreprises. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une concurrence économique dont elles modifient les règles. Deux groupes semblent tirer particulièrement profit de cette forme d’interventionnisme.
D’abord le groupe Les Échos – Le Parisien, qui reçoit des aides publiques pour Aujourd’hui en France, Le Parisien et Les Échos, cumulant plus de 14 millions d’euros d’aides (14 162 397 euros) en 2022.
Ensuite, le groupe L’Humanité, qui a reçu 3 882 152 millions d’euros pour une diffusion inférieure au million d’exemplaires annuels, un chiffre qui correspond à la moyenne basse des ventes des titres de la presse quotidienne régionale en France.
Sur la “neutralité” des critères d’attribution
L’octroi de ces aides reposerait sur « des critères objectifs qui sont les garants de la neutralité et de l’impartialité des décisions d’octroi ».
Les montants de ces subventions dépendent en réalité d’un critère objectif (celui du nombre d’exemplaires vendus en un an) mais qui ne s’appliquent qu’aux titres de presse écrite (les vues des sites d’information et d’opinion en ligne ne sont intégrées dans aucun calcul), et d’une estimation plus brumeuse, qui vise à « compléter les ressources des titres de presse qui ne disposent pas de recettes publicitaires suffisantes afin que la pression des marchés publicitaires ne détermine pas les idées qui auront vocation à s’exprimer dans le débat public. ».
L’allocation des subventions ne tient pas non plus compte du montant des dons que les titres de presse collectent régulièrement auprès de leurs lecteurs, précisément pour combler le manque à gagner publicitaire.
Le soutien du gouvernement à la diversité des opinions penche au centre et à l’extrême gauche
Ce savant calcul justifie, sans vraiment les expliquer, les variations étonnantes que l’on retrouvera entre les subventions accordées en 2022 à Valeurs Actuelles (36 182 euros) et à Marianne (293 198 euros), magazines d’opinion dont le nombre d’exemplaires diffusés annuellement est proche (5 283 689 pour Valeurs Actuelles et 6 849 666 pour Marianne) et dont les lectorats se situent sur des segments politiques très différents.
À l’inverse, des titres idéologiquement proches comme Challenges ou L’Obs perçoivent des aides plus conséquentes (408 507 euros pour le premier, 461 835 euros pour le second) tout en bénéficiant de tirages plus importants (7 247 941 pour Challenges, 10 827 896 pour L’Obs).
L’accès à l’information des citoyens est entravé par la barrière des abonnements
En 2022, le rapport annuel de Reuters Institute sur la consommation de l’information dans le monde soulignait que les sources d’actualité en ligne étaient devenues les premières sources hebdomadaires d’information (69 % des Français consulteraient la presse en ligne via leurs ordinateurs ou leurs smartphones). Or, la majorité des titres de presse bénéficiant de subventions publiques (disposant d’un format papier et d’une vitrine web ou seulement d’une vitrine web) fonctionnent par abonnements et réservent leurs articles à leurs lecteurs payants.
Le contribuable français finance ainsi Le Monde, dont 60 % des contenus en ligne sont réservés aux abonnés, ou Le Figaro Premium, dont 100 % des contenus sont inaccessibles au public. Des lettres d’information spécialisées comme La Lettre A ou AfricaIntelligence ont bénéficié respectivement d’une enveloppe de 379 743 euros pour l’un, et de 777 928 euros pour le second, alors que la grande majorité de leurs publications est réservée à leurs lecteurs payants.
En un coup d’Å“il : les titres les plus aidés par le gouvernement et les titres aidés les plus lus par les Français
Top 10 des titres de presse les plus aidés | Total des aides | Diffusion annuelle | Groupes ou sociétés de presse d’appartenance |
1. Aujourd’hui en France | 12 194 288 | 25 227 209 | Groupe Les Échos – Le Parisien (LVMH) |
2. Le Figaro/lefigaro.fr | 5 890 263 | 108 894 681 | Groupe Figaro |
3. Le Monde / lemonde.fr | 5 837 607 | 145 689 946 | Groupe Le Monde |
4. La Croix/la-croix.com | 5 655 164 | 27 803 883 | Bayard presse |
5. Libération | 5 389 292 | 30 070 928 | Groupe Altice/Presse indépendante |
6. L’Humanité | 3 882 152 | 9 865 608 | Groupe L’Humanité |
7. L’Opinion | 2 074 865 | Bey Medias |
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8. OuestFrance/ouest.france.fr | 2 003 382 | 222 193 126 | SIPA Ouest-France |
9. Le JDD | 1 922 850 | 7 068 836 | Lagardère Media News |
10. Le Dauphiné libéré/ ledauphine.com | 1 573 450 | 60 528 885 | Ebra |
Top 10 des titres de presse subventionnés les plus lus                               | Total des aides | Diffusion annuelle | Groupes ou sociétés de presse d’appartenance |
1. Ouest-france/ouest.france.fr | 2 003 382 | 222 193 126 | Sipa-Ouest France |
2. Le Monde/lemonde.fr | 5 837 607 | 145 689 946 | Groupe Le Monde |
3. Le Figaro/lefigaro.fr | 5 890 263 | 108 894 681 | Groupe Figaro |
4. 20 Minutes/20minutes.fr | 84 110 | 86 470 742 |  |
5. L’Équipe/lequipe.fr | 899 881 | 79 022 471 | Éditions Philippe Amaury |
6. Sud Ouest/sudouest.fr | 878 848 | 73 990 975 | Groupe Sud Ouest |
7. Le Parisien/leparisien.fr | 935 887 | 66 368 594 | Groupe Les Échos – Le Parisien (LVMH) |
8. La Voix du Nord | 424 509 | 63 858 874 | Groupe Rossel La Voix |
9. Le Télégramme/ letelegramme.fr | 943 259 | 61 582 406 | Groupe Télégramme de Brest |
10. Le Dauphiné Libéré/ ledauphine.com | 1 573 450 | 60 528 885 | Ebra |
Et alors ? Si les bénéficiaires des aides publiques offraient en conséquence gratuitement leur propagande au lecteur, ça ne serait plus un scandale ?
Malgré les aides publiques, la presse écrite n’est pas rentable.
Si certains grands patrons choisissent d’investir dans ce secteur, c’est qu’ils ont de bonnes raisons qui n’ont rien à voir avec le devoir d’informer les citoyens.
Le devoir d’informer les citoyens n’existe pas de toute façon.
Normalement, les lecteurs achètent le journal pour s’informer. Alors oui, il est du devoir de l’éditeur d’informer les acheteurs (pas les citoyens en général effectivement). S’il ne le fait pas, il sera sanctionné par moins de vente.
Mais comme on l’a déjà dit, ce secteur n’est pas rentable, mais pourtant perdure. On en déduit qu’il y a un retour pour l’investisseur sous une autre forme…
Vous prenez le problème à l’envers…
POURQUOI la presse est subventionnée?..quelle est la raison…?
Discuter de ce qu’ils font du pognon sans mettre en face la réalisation d’un objectif. est vain.
Vaste problème et enjeux encore plus vastes. Autant il est évident que maintenir des subventions basées sur la diffusion papier est devenu totalement anachronique comme soutenir à tout prix des Titres en état de mort cérébrale ou historiquement constitués, comme ……. etc. autant le sujet de l’Information (“professionnelle”) et son”soutien” méritent réflexion à un moment où l’éparpillement, en continu en plus (d’où problème qualité), la gratuité, le communautarisme ….etc sévissent ??????. Sur ce thème là , Prudence. Il vaudrait mieux ne pas trop se rater.
Je m’étais fait cette réflexion et en conséquences je n’ouvre plus ces journaux en ligne.
J’applaudis votre travail
Bonne journée
Vous n’étiez donc abonné à aucun journal de presse écrite. Et vous n’en achetiez aucun non plus. Puisqu’ils étaient déjà subventionnés et payants, avant l’arrivée de la presse en ligne.
Je ne vois pas le problème puisque les journaux écrits subventionnés ont toujours été diffusés auprès de leurs abonnés ou achetés par leurs lecteurs… pourquoi raisonner différemment pour les articles en ligne ?
En ligne ou en papier, aucun média ne devrait être subventionné pour 2 raisons :
1) pourquoi le citoyen devrait payer pour l’industrie des media et pas pour toutes les autres. Si un media ne plaît pas au consommateur, il doit disparaître. Comme c’est le cas pour tous les produits.
2) si l’État subventionne les media et particulièrement ceux de gauche, c’est qu’il en attend un retour sous la forme de non objectivité et non pluralité de l’information. Comme en URSS. Il existe 2 moyens de s’aliéner les media. Soit interdire ceux d’opposition, soit les mettre en faillite en limitant leurs subventions.
Je suis d’accord avec vous. Mon commentaire n’était qu’une réponse à l’auteur dont l’article condamne le fait que les articles en ligne puissent être payants alors que ces médias perçoivent des subventions. Je ne fais que faire remarquer qu’il en est de même pour la presse écrite, les journaux écrits ne pouvant être lus qu’après achat alors qu’ils sont également subventionnés.