Ce que Thomas Jefferson entendait par « la recherche du bonheur »

Jefferson a conseillé de mener une vie vertueuse, qui est la clé du bonheur.

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Ce que Thomas Jefferson entendait par « la recherche du bonheur »

Publié le 6 mars 2023
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Par Barry Brownstein.

L’idée de la « poursuite du bonheur » est dans l’ADN de notre société. Pourtant, ce « droit inaliénable », immortalisé dans la Déclaration d’indépendance a souvent laissé perplexe. Que voulait dire exactement Jefferson ?

La plupart des gens pensent que le bonheur consiste à se sentir bien mais ce n’est pas ce que Jefferson voulait dire. Plaisir et bonheur ne sont pas synonymes. Notre bonheur ne dépend pas du fait que tout se passe bien dans notre vie ou que nous obtenions ce que nous voulons.

Dans son article intitulé « The Origins of the Pursuit of Happiness » (Les origines de la poursuite du bonheur), Carli Conklin observe l’incompréhension générale de la société quant à la nature du bonheur. Pour Jefferson « le droit inaliénable à la poursuite du bonheur » ne confère pas un « droit absolu de poursuivre ce qui nous fait du bien ».

Conklin décrit Jefferson comme un « écrivain méticuleux et réfléchi et un défenseur des droits et des devoirs de l’homme » qui n’aurait pas inclus une phrase approximative dans une « déclaration tout à fait particulière des droits naturels et politiques de l’Homme. »

Jefferson a été influencé par les Commentaries on the Laws of England de William Blackstone.

Conklin écrit à propos de l’argument de Blackstone :

« La poursuite du bonheur est la principale voie par laquelle les hommes peuvent connaître et ensuite appliquer la loi de la nature telle qu’elle se rapporte aux humains. » Blackstone lui-même a écrit que les individus peuvent « découvrir […] ce que la loi de la nature dirige dans chaque circonstance de la vie ; en considérant quelle méthode tendra le plus efficacement à notre propre bonheur substantiel ».

Conklin a clarifié les implications de l’argument de Blackstone :

« En ce sens le bonheur est synonyme du concept grec d’eudaimonia ; il évoque un sentiment de bien-être ou un état d’épanouissement qui est le résultat d’une vie convenable ou vertueuse. »

Jefferson a fait sienne cette signification du bonheur. Dans une lettre adressée à sa fille aînée Martha (Patsy), il lui conseille de mener une vie vertueuse, qui est la clé du bonheur.

Il lui écrit : « L’ennui est le poison le plus dangereux de la vie ». Selon lui, l’antidote consiste à « développer quotidiennement ces principes de vertu et de bonté qui vous rendront précieux pour les autres et heureux en vous-mêmes. » Jefferson ne laisse aucune place au doute quant aux moyens de parvenir au bonheur : « La santé, le savoir et la vertu assureront votre bonheur ; ils vous donneront une conscience tranquille, l’estime privée et l’honneur public. »

En nous renvoyant à Blackstone, Conklin s’exprime ainsi :

« Plutôt que d’être fugace ou temporel, ce bonheur est réel et substantiel. Il est réel en ce sens qu’il n’est pas fictif ; pas imaginaire ; [mais] vrai ; authentique. Il est substantiel en ce qu’il se rapporte à la substance ou à l’essence de ce que signifie être pleinement humain. Ainsi, pour Blackstone, rechercher le bonheur, c’est rechercher une vie convenable ou bien ordonnée, en harmonie avec la loi de la nature telle qu’elle s’applique à l’homme. »

La sagesse de Blackstone et de Jefferson est conforme aux dernières recherches universitaires sur le bonheur. Une fois que nous avons dépassé les nécessités de la vie – et non, ces nécessités n’incluent pas les voitures électriques – les changements hédoniques ou autres dans les circonstances de la vie ont peu d’impact sur le bonheur. Une chercheuse, Sonja Lyubomirsky, a expliqué que « le bonheur, plus que toute autre chose, est un état d’esprit, une façon de se percevoir et de s’approcher de soi-même et du monde dans lequel nous résidons ».

Leonard Read pensait que la poursuite du bonheur était un processus spirituel.

Dans son livre Elements of Libertarian Leadership, il écrit :

« Nous ne sommes vraiment heureux que lorsque nous sommes dans un état perpétuel d’éclosion, notre propre conscience s’ouvrant à la Conscience Infinie. »

Par éclosion, Read fait référence aux idées du philosophe grec Héraclite qui croyait, selon les mots de Read, que « nous sommes des créatures en transit. Nous ne pouvons pas dériver tels que nous sommes en étant de petits êtres joyeux ; nous devons grandir et si nous ne le faisons pas nous nous décomposons ».

Le célèbre auteur de Man’s Search for Meaning, Viktor Frankl, a souligné que le bonheur doit être obtenu indirectement en menant une vie qui a du sens. Dans son livre Yes to Life : In Spite of Everything, il explique que la vie ne consiste pas à obtenir ce que nous voulons : « Le plaisir en lui-même ne peut pas donner un sens à notre existence ; ainsi, l’absence de plaisir ne peut pas enlever un sens à la vie. »

Frankl soutient que « le bonheur ne devrait pas, ne doit pas et ne pourra jamais être un but mais seulement un résultat, le résultat de l’accomplissement du devoir. »

Dans la lignée de Blackstone et de Jefferson, Frankl nous conseille d’« effectuer une révolution copernicienne », un virage conceptuel à 180 degrés, après lequel la question ne peut plus être « Que puis-je attendre de la vie ? » mais seulement « Qu’est-ce que la vie attend de moi ? Quelle tâche dans la vie m’attend ? »

Dans Anna Karénine, le Vronsky de Léon Tolstoï fait l’expérience de l’ennui contre lequel Jefferson met en garde. Après avoir obtenu l’amour d’Anna Karénine, Vronsky « sentit bientôt que la réalisation de ses désirs ne lui donnait qu’un grain de la montagne de bonheur à laquelle il s’attendait… Il fut bientôt conscient qu’il y avait dans son cÅ“ur un désir de désirs – l’ennui. Sans intention consciente, il commença à s’accrocher à chaque caprice qui passait, le prenant pour un désir et un objet. »

Tolstoï a mis en lumière la leçon selon laquelle une vie qui tourne autour de la satisfaction de soi ne fonctionne pas : l’accomplissement de Vronsky « lui a montré l’erreur éternelle que commettent les hommes en s’imaginant que leur bonheur dépend de la réalisation de leurs désirs ».

Pourquoi est-il important que la « poursuite du bonheur » soit si souvent mal comprise ?

Il n’existe aucun droit au bonheur ; en tout cas, les autres ne sont pas obligés de vous rendre heureux. Vous êtes libre de poursuivre le bonheur si vous ne piétinez pas les droits des autres à poursuivre leur bonheur.

Le regretté pasteur et auteur Hugh Prather avait prévenu :

« Le malheur, c’est le manque de concentration, l’agitation et surtout la peur. N’ayant aucune intégrité, aucune direction intérieure calme, il prend ses repères à partir de n’importe quel problème perçu comme étant devant lui maintenant. »

Lorsque nous recherchons le bonheur, nous avons la responsabilité d’éliminer les obstacles au bonheur que nous nous sommes créés. Pointer du doigt les autres tout en « restant inconscient de nos schémas de pensée les plus sombres » est un obstacle au bonheur. Au contraire, Prather nous encourage à prendre conscience de nos « pensées mesquines, malveillantes et embarrassantes ».

Prather nous conseille d’examiner comment nous utilisons le temps. Avons-nous un but utile ? Si ce n’est pas le cas, nous « tournons en rond […] et rebondissons de façon désordonnée et sans espoir sur tous les changements que le temps apporte ». Ce faisant, la preuve de notre « insignifiance et de notre inefficacité » s’accumule. Le mécontentement grandit.

Se sentant malheureux, on peut penser que quelqu’un ou quelque chose d’autre doit être responsable. Ce sont eux, et non moi, qui sont dénués de vertu. Ne pas comprendre la véritable nature du bonheur favorise l’irresponsabilité et menace la liberté.

Une société dont la population est moins disposée à rechercher le bonheur, au sens où Jefferson, Blackstone et Frankl l’ont conseillé, est une société dans laquelle les autoritaires populistes se multiplient pour exploiter le vide. Les autoritaires et les collectivistes vont pointer du doigt une myriade de « problèmes » faisant obstacle au bonheur et nous assurer qu’ils ont des solutions.

Le bonheur est un travail interne, et ceux qui en comprennent la nature cultivent des vertus intemporelles qui mènent à une vie pleine de sens et d’objectifs. Aujourd’hui, plus que jamais, la poursuite du bonheur est essentielle à la préservation de la liberté.

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