Immobilier, Uber, et zombies du surendettement

La principale préoccupation des autorités n’est pas l’économie, ni la croissance, ni la stabilité de la monnaie. Ce sont les intérêts des dirigeants. Et pour eux, la fin de l’argent facile va créer un casse-tête.

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Christine Lagarde en 2007 (CC, World Economic Forum)

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Immobilier, Uber, et zombies du surendettement

Publié le 8 mai 2022
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Les actions ont d’abord grimpé suite aux annonces de la Fed, cette semaine.

Certains investisseurs pariaient sur une hausse de 0,75 %. Du coup, une hausse de 0,50 % – moins que prévu – a envoyé un signal d’achat.

La Fed a peu de chances de tenir dans sa voie actuelle de hausses de taux. Même d’ici cet été, elle pourrait faire demi-tour.

Les médias parlent ces temps-ci « d’atterrissage en douceur » (en anglais, Soft landing).

Selon ce scénario, les autorités mettent fin aux mesures de soutien – taux proches de zéro et rachats d’obligations -, sans basculement de l’économie dans une récession.

En réalité, les banques centrales ne vont jamais faire d’atterrissage, doux ou non… mais couper les attaches avec la réalité et rester dans les airs à jamais.

Le CAC 40 a chuté de 3,60 % depuis l’ouverture de la séance d’hier.

La fin des mesures d’assouplissement va produire davantage de journées de ce genre dans la Bourse.

Et le courage des autorités… comme dans une armée qui n’a jamais encore eu l’expérience du combat… va vite se heurter à la réalité.

Au moins, la BCE n’a pas de prétentions à ce sujet. Elle a déjà plus ou moins renoncé à toute action sur le sujet de l’inflation…

Un commentateur chez Bloomberg rapporte que « au cours de la réunion des directeurs de la BCE la semaine dernière, ils ont malheureusement choisi de ne rien faire, hormis remettre la décision [sur les taux] à la prochaine réunion trimestrielle, le 9 juin. »

L’auteur déplore que « le conseil n’a même pas discuté de l’état de la monnaie [en baisse de 12 % par rapport au dollar sur un an]. Mme Lagarde a seulement dit qu’ils y étaient attentifs, sans donner plus de détails. Le marché a senti que la BCE évitait le problème, ce qui a pesé sur l’euro. »

La principale préoccupation des autorités n’est pas l’économie, ni la croissance, ni la stabilité de la monnaie. Ce sont les intérêts des dirigeants. Et pour eux, la fin de l’argent facile va créer un casse-tête et leur faire perdre la face.

Que diront-ils quand des boîtes n’auront plus accès à des crédits et devront déclarer faillite ? Quand le gouvernement devra subitement rehausser les taxes afin de payer un emballement des intérêts sur la dette ?

 

Du soutien pour la spoliation des épargnants

Les dirigeants n’ont pas envie d’affronter la pente des remontées des taux et donc des baisses dans les actions, les faillites, et les hausses du chômage.

Mais ils ont de la compagnie en masse.

Les investisseurs dans l’immobilier sont en train de faire face aux hausses des taux sur l’achat de l’immobilier.

BFM Immo rapporte :

La hausse des taux immobiliers s’accélère. Depuis décembre, les taux ont progressé de près de 25 points de base, quelle que soit la durée. En décembre, le taux moyen, toutes durées confondues, était de 1,06 % quand il atteint 1,27 % en avril.

Et les banques demandent aussi davantage de protection de la part des emprunteurs. Elles demandent un apport d’au moins 10 % du montant par l’acheteur, selon Ouest-France.

Selon un professionnel relayé sur TF1.com, « il y a quelques mois, nous pouvions encore acheter avec zéro euro d’apport, et certaines banques finançaient même les frais de notaire. »

Les prix dans l’immobilier ont grimpé grâce à l’abaissement des taux depuis 20 ans (et même au-delà).

 

Le graphique ci-dessous de arnaudsylvain.fr le montre.

 

L’immobilier représente déjà environ la moitié du patrimoine des particuliers en France, soit 7400 milliards d’euros en 2020.

Personne ne veut de ralentissement à ce marché…

Pas le gouvernement qui aide la valeur de l’immobilier avec les taux, mais aussi les normes qui retirent des logements du marché.

Pas les propriétaires de logement. Ni les acheteurs à crédit.

 

Et les entreprises ?

Tous les types de prêts ont bénéficié de cet abaissement des taux, y compris la dette des entreprises.

Vous verrez sur le graphique ci-dessous que les taux sur les prêts bancaires aux entreprises (en bleu) suivent de près les taux pour l’achat de l’immobilier (en jaune).

 

La France a connu un essor d’endettement des entreprises grâce aux abaissements de taux (en plus de mesures comme le quoi qu’il en coûte).

Le graphique ci-dessous montre la dette des sociétés et des ménages réunis, en pourcentage du PIB, en France. La dette du privé passe de 196 % du PIB en 2000 à 361 % en septembre 2021.

 

 

La BCE défend donc les dirigeants, mais aussi beaucoup de ménages qui risquent d’y laisser leur peau en cas de rehausses de taux après 40 ans de baisse.

Ce n’est pas seulement en France, bien sûr.

Sur la côte Ouest des États-Unis, une classe d’entreprise de technologies dépend, d’année en année, des prêts et levées de fonds… le tout facilité par les mesures d’assouplissement.

Prenez l’appli de covoiturage Uber, l’une des plus importantes des zombies. Son nouveau PDG, Dara Khosrowshahi, a repris les rênes en 2017, et en 2020 a lancé l’appli dans une nouvelle phase d’électrification. D’ici 2040, l’appli n’utilisera plus de voitures à carburant, seulement de l’électrique. Mais le plus probable serait qu’Uber sombre bien avant, victime du resserrement des conditions dans les marchés, en plus de l’inflation qui l’obligera à hausser ses prix.

Certes, les épargnants perdent de l’argent chaque année, car l’épargne ne paie presque rien.

L’assurance-vie paie en moyenne 1,30 %, selon France Assureurs, soit bien moins que l’inflation.

Mais cette taxe sur les épargnants crée beaucoup moins de problèmes pour les dirigeants et une grande partie des sociétés et particuliers que des hausses de taux et des faillites.

Sur le web

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    The Real Franky Bee
    8 mai 2022 at 19 h 35 min

    Et pourtant, début janvier ils étaient nombreux (auteurs de Contrepoints inclus) à nous expliquer que la bourse et l’immobilier ne pouvaient que continuer à grimper. Beaucoup d’entre eux n’avaient étonnamment aucune crédibilité dans le domaine de l’investissement, mais qu’importe, avec l’argent facile tout le monde peut se prendre pour un cador. L’histoire était pourtant sans appel sur le sujet : il n’y a jamais rien eu de gratuit en économie. De même que les arbres ne montent jamais au ciel, car des prix des actions ou de la pierre qui explosent pendant des années, sans la moindre création de richesse pour l’expliquer, finissent toujours par se fracasser violemment au sol. Bon courage à ceux qui ont gobé les promesses de ces diverses pyramides de ponzi.

  • IL est clair que la poiltique de la FED/BCE d inonder le marche d argent qui ne correspond a rien allait creer de l inflation. au debut c etatit l inflation des actifs (immobilier, action) maintenant c est l inflation « classique ».
    Mais y a t il d autre moyen de retirer cet argent qui ne correspond a rien ?
    Un crash des actions ? reproduire un 1929 ne semble pas une bonne idee
    Un crash de l immobilier serait encore pire car concernerait bien plus de monde et serait plus ravageur (je connais personne qui achete des action en faisant un credit sur 25 ans et en empruntant 95 % de la somme)
    Il reste donc plus que l inflation classique qui permettra de resolvabiliser les gens: en plus c est plus facile de faire 10 % d inflation par an que 0 % et faire baisser les prix de 10 %
    Evidement comme il n y a pas de repas gratuit, il faudra bien que quelqu un paie l addition: ici c est l epargnant et dans une moindre mesure les retraités par capitalisation (si le rendement des obligations est en dessous de l inflation, leur rente va forcement perdre en valeur)

    • La retraite par capitalisation N’EST PAS l’achat d’obligations d’état. Ca, ce serait exactement comme la répartition, le financement de dépenses aujourd’hui dans l’idée que les générations futures rembourseraient. La retraite par capitalisation, c’est l’investissement dans les sociétés privées mondiales et leur croissance globale malgré les à-coups.

      • Les fonds de pensions achetent certes des actions mais ils achetent pas mal d obligation aussi, ne serait ce que pour pouvoir lisser les a coups lies aux actions (globalement si le placement en action est plus rentable, un fond de pension doit etre capable de payer tous les mois leurs pensions aux vieux. donc il lui faut une partie en obligation pour ne pas etre contrainte de vendre ses actions aux pire moment dans un crash)

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