Une crise de liquidité provoquée par le coronavirus ? Impensable !

Si une crise nous pend au nez, ce n’est pas une crise de liquidité : il s’agirait plutôt d’une crise de confiance. Car la liquidité est bien là, mais rendue indisponible par la perte de confiance.

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Une crise de liquidité provoquée par le coronavirus ? Impensable !

Publié le 13 mars 2020
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Par Karl Eychenne.

Le coronavirus n’en finit plus de déchaîner les passions. Une crise de liquidité nous pend au nez ! Pourtant, cela semble impensable. En effet, l’économie mondiale n’a jamais été autant pourvue en liquidités, biberonnée par nos autorités depuis 2008.

Mais alors, de quoi donc cette crise serait-t-elle le nom ?

Imaginez une piscine où tout le monde se baigne mais qui ne mouille plus personne. Cette piscine est improbable, et pourtant il semblerait que nous y baignons tous. En effet, il n’y a jamais eu autant de liquidité depuis que nos économies existent, et pourtant elle viendrait à nous manquer ?

Non, si une crise nous pend au nez, cela ne peut pas être une crise de liquidités : il s’agirait plutôt d’une crise de confiance. Aujourd’hui, la liquidité est bien là, mais elle est rendue indisponible par la perte de confiance. Et la faillite de Lehman en 2008 alors ? Pareil.

On dira que l’on joue sur les mots, mais il y a bien une différence entre une crise de liquidité et une crise de confiance. Si la fin se termine bien en eau de boudin dans les deux cas, les parades pour y remédier ne sont pas du tout les mêmes. Il est bien plus difficile de restaurer la confiance que de redonner de la liquidité : la liquidité donnée n’attend rien en retour ; la confiance accordée, si. Or :

La confiance de l’innocent est le meilleur atout du menteur. Stephen King

De la liquidité jusqu’à plus soif

La liquidité, c’est cette gelée plutôt agréable d’ordinaire consommée avec modération par les agents économiques, mais qui coule aujourd’hui à flots des robinets Banque centrale et gouvernemental. Cette gelée peut prendre la forme de dette publique émise, ou bien de monnaie créée ; ou les deux.

  • La monnaie créée par les Banques centrales

Les Banques centrales véritables gardiennes du temple ont créé autant de monnaie qu’il en fallait afin de redonner du souffle à la bête étourdie par deux crises quasi successives (subprimes 2008, souveraine à partie de 2010).

Ainsi, alors que la taille des bilans des Banques centrales végétait à moins de 10 % du PIB, ces mêmes bilans ont plus que doublé de volume en quelques années, représentant près de 20 % pour la Banque centrale américaine, 40 % pour la Banque centrale européenne, et 100 % pour le Japon.

Après une phase de relative stabilisation à partir de 2015, ces bilans semblent prêts à croître de nouveau, gonflés à bloc par les discours des Banquiers centraux afin de juguler le coronavirus financier.

  • La dette émise par les gouvernements

Ces liquidités créées par les Banques centrales ont notamment servi à racheter une partie de la dette colossale émise par les gouvernements durant la même période.
Ainsi, alors que la dette publique américaine représentait moins de 40 % du PIB avant 2008, elle représente désormais près de 100 %, aidée il est vrai par Donald Trump qui n’a pas lésiné sur les moyens pour pousser davantage la machine américaine.

Du côté euro, la hausse est moins impressionnante, mais le problème est que le niveau initial était déjà élevé : près de 70 % du PIB avant 2008, et désormais près de 85 %. Mais c’est le Japon qui bat tous les records, avec une hausse de la dette de 100 à plus de 150 % du PIB.

Enfin, même la Chine s’est mise au diapason avec une hausse de sa dette gouvernementale de 25 à 65 % du PIB ; en fait le cas Chinois est encore plus frappant que les autres puisque les dettes des ménages et des entreprises ont aussi crû très significativement : au total la dette Chinoise est passée de 160 % à 260 % du PIB.

La liquidité ne s’use pas si l’on s’en sert, dit-on

À force de voir la liquidité couler à flots, on a pu penser qu’elle ne s’usait plus si l’on s’en sert, un peu comme l’air que l’on respire. Faux.

La liquidité s’use ou plutôt use de la confiance : chaque injection de liquidité consomme de la confiance en l’avenir. Et si l’on en abuse pour financer tout ce qui passe, on finit par lancer des projets qui auraient été jugés non rentables en temps normal, juste parce qu’aujourd’hui le coût de l’erreur est devenu quasi-nul.

Comme dirait l’autre, les Banques centrales ont confisqué le coût du risque aux investisseurs.

Précisons que le problème n’est pas que les Banques centrales injectent des liquidités ou baissent les taux d’intérêt, mais qu’elles en fassent trop par rapport à ce qu’elles devraient.

Or, le problème est que l’on du mal à trancher cette question. D’un côté, on ne trouve pas de références théoriques sérieuses justifiant que de telles masses de liquidités soient injectées dans l’économie ou que des taux d’intérêt aussi bas soient pratiqués. Mais d’un autre côté, on nous dit qu’il n’y aurait pas de quoi s’alarmer pour autant puisque ces politiques exceptionnelles répondraient à un cycle économique exceptionnel.

S’il y a une crise de liquidité, ce ne sera donc pas parce qu’elle manque, mais plutôt parce qu’elle déborde. Trop de liquidité créée use de la confiance car elle finance ce qui ne devrait pas l’être.

Mais alors allons-nous droit dans le mur ? L’abus de liquidité fait-il que l’eau bue éclate ? En fait, les risques extrêmes semblent relativement limités :

  • d’une part, en l’absence de purgatoire économique, les entreprises qui devraient faire faillite peuvent survivre à faible coût : l’avantage du zombie c’est qu’il ne meurt pas.
  • d’autre part, l’absence d’inflation durable est une forme de prêteur sur gage, puisqu’il assure que le voyou filera droit : en effet, sans inflation il n’y a pas de risque que les taux remontent et donc l’emprunteur a tout loisir pour faire de la nouvelle dette afin de rembourser l’ancienne.

La crise de liquidité ambiguë

Admettons qu’il s’agisse d’une crise de liquidité, comment en être certain ? En fait, on ne peut pas.

Certes, une crise de liquidité est bien susceptible de provoquer un durcissement des conditions de crédit : A ne veut plus prêter à B aux mêmes conditions, un peu comme votre banquier qui considère qu’il ne peut plus vous prêter la somme qu’il vous aurait bien prêtée quelques jours auparavant.

Pourquoi ? Il peut vous dire qu’il est victime d’une crise de liquidité ; il n’a plus de sous à vous prêter.

Mais dire qu’une crise de liquidité provoque un durcissement des conditions de crédit n’est pas la même chose que de dire qu’un durcissement des conditions est nécessairement lié à une crise de liquidité. En fait, on peut très bien imaginer que les conditions de crédit se durcissent pour une autre raison : par exemple parce que le banquier anticipe que votre capacité de rembourser le crédit s’est dégradée.

Il y a encore plus tordu, on pourrait imaginer que le banquier ait avalé quelque chose de travers à midi, et passe ses nerfs sur votre dossier.

Ces nuances dans l’interprétation d’un durcissement des conditions de crédit nous rappellent un fait essentiel : il y a une différence majeure entre l’anticipation et l’émotion. Malheureusement, il est impossible de faire cette différence en regardant seulement les niveaux de taux d’intérêt proposés par le banquier ou les marchés financiers.

En effet, le prix d’un actif reflète toujours deux choses inextricables : l’anticipation et l’émotion. Évidemment, on se doute bien que si l’on anticipe des jours meilleurs, cela nous rendra de meilleure humeur, les deux contribuant à nous faire acheter l’actif. Mais quand même, on doit reconnaitre qu’il est impossible de savoir qui fera le plus monter l’actif, à moins de sonder tous les acteurs de marché pour leur demander les raisons de leurs achats.

La vraie crise : la perte de confiance

A refuse de prêter à B, non pas parce qu’il ne peut pas, mais parce qu’il ne veut pas : A ne manque pas de liquidités pour prêter à B, mais A manque de confiance en B. En fait, c’est même pire que cela : A n’a plus confiance en l’avenir tout court, celui de B comme le sien.

Or, restaurer une crise de confiance est un défi autrement plus difficile que de restaurer une crise de liquidité.

  • pour restaurer une crise de liquidités, il suffit d’injecter de la liquidité ; cette monnaie créée ou cette dette émise sont des promesses que le présent fait à l’avenir. Toutefois, l’avenir n’a aucun moyen de mettre en demeure le présent de respecter ses promesses. En fait, l’avenir n’a pas son mot à dire tout court, le futur doit faire confiance.
  • mais pour redonner de la confiance, il ne suffit pas d’injecter de la liquidité, car on ne fait pas boire un cheval qui n’a pas soif (un âne cela fonctionne aussi) ; il faut redonner un avenir au présent. Il faut que l’aversion au risque se transforme en opportunité d’investissement. Toutefois, le présent n’a aucune raison d’accepter l’avenir qu’on lui propose.

Restaurer une crise de confiance est donc une tâche ardue, réservée aux plus hardis :

Quand tu prends confiance en la confiance, tu deviens confiant. Jean Claude Van Damme

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  • Il y a un point qui me choque avec cette histoire de liquidité et de confiance: Les liquidités ce sont des ressources de valeur, faciles à faire transiter, faciles à écouler.
    Or le cash c’est une ressource effectivement facile à faire transiter et à écoler. Mais comme c’est de la monnaie fiat, sa quantité n’est égale qu’à sa la confiance qu’on lui donne. Si crise de confiance il y a, alors il y a mécaniquement crise de liquidité aussi. Certes on ne manque pas de numéraire, mais si on perd confiance en la valeur de ce numéraire on a bel et bien une crise de liquidité.
    Dans le cas du Zimbabwe il y a avait plein mais alors plein de cash. Et pourtant cette ressource semblait ne pas suffire puisque les les habitants ont eu recours à une autre monnaie (le dollar US).

    Dans ce cas on parle de manque de confiance en la pertinence d’investissement. Mais le résultat est le même: Le cash ne vaut jamais plus que ce qu’il y a acheter avec. un investissement est un achat. Si personne ne voit de valeur dans ce qui est à vendre, alors la monnaie perd de sa valeur également. On en a plein et juste pas grand chose à acheter avec.

    • Bien sûr, n’en déplaise aux rageux qui downvotent sans rien dire, le capitalisme entier dans ses plus profonds fondements est basé sur la confiance envers un avenir meilleur. C’est le fondement même du concept du crédit, sur lequel toute notre société est basée.

      De manière plus générale tout ce qui a une valeur l’a intrinsèquement parce que les gens ont confiance dans son utilité/qualité/praticité etc. Ca vaut autant pour une voiture que pour une action ou encore une monnaie (d’où la valeur d’un bitcoin etc).

      A chaque krach il y a panique et perte de cette confiance, plus personne n’ose investir etc. Heureusement qu’il y a les états et les banques centrales pour éponger tout ça, permettant à cette confiance de la faire revenir hein messieurs les libéraux !

      • le capitalisme entier dans ses plus profonds fondements est basé sur la confiance envers un avenir meilleur
        Ahem ahem. Vous vous avancez un peu beaucoup.

        • Surtout que le capitalisme est fondé sur la propriété privée des biens de production. Pas particulièrement sur la confiance. En tout cas pas plus qu’un autre système. Par définition non n’obtient pas l’adhésion d’un individu ou d’une classe de personnes ou d’un peuple entier à un système, si ceux qui y adhèrent n’ont pas « confiance envers un avenir meilleur ».
          Ah Oui se complait dans dans un truisme qu’il croit être l’alpha et l’omega de la pensée éco. C’est typique des ignorants suffisants qui n’ont lu qu’un bouquin (ou vu une video youtube qui les a marqué) et pensent avoir trouvé le saint graal. C’est en général assez risible. AhOui ne dérroge pas à la règle.

      • Ah non:
        Ce n’est pas le capitalisme qui est fondé sur la confiance. C’est le fait de ne pas vivre au jour le jour. Le communisme est est également fondé sur le mythe des lendemains qui chantent. Ce n’est pas une spécificité du capitalisme. Même la religion est une promesse de meilleur futur (paradis etc..). Votre critique manque de recul. L’agriculture est fondée sur la confiance en le climat et la fertilité des terres… Les communistes veulent ils arrêter l’agriculture?

        Les banques centrales ne donnent confiance qu’à ceux qui les croient. Personellement je pense que les banques centrales sont plus l’origine du PB que sa solution. C’est eux qui créent ces bulles spéculatives dont le dégonflement entraîne perte de confiance.

        Et puis comment peut on reprocher aux libéraux de soutenir la banque centrale quand Hayek fut l’un des plus farouches opposants au monopole monétaire? Quand Bastiat avant lui s’y était opposé? Comment peut on dire « messieurs les libéraux » sur un ton narquois quand les libéraux sont justement dans leur majorité opposés au monopole monétaire et aux monnaies fiat (CF Ludwig Von Mises). Vous êtes certain de comprendre de quoi de vous parlez?

  • Les génies qui découvrent comment leur système fonctionne en 2020… Chaque crise est avant tout de confiance, puisque le capitalisme est basé sur la confiance dans l’avenir…

  • en effet, sans inflation il n’y a pas de risque que les taux remontent et donc l’emprunteur a tout loisir pour faire de la nouvelle dette afin de rembourser l’ancienne.

    C’est plutôt osé. Soit les taux remontent, et il n’y a pas d’inflation monstre, soit les taux restent nuls, et l’inflation explose un certain point atteint. cela n’empêche pas d’emprunter, mais pas n’importe comment.

  • Toutefois, le présent n’a aucune raison d’accepter l’avenir qu’on lui propose.

    Cela se traduit par une prime de risque 😉

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